jeudi, 23 février 2012
Can’t A Jazz & Simmons/Tusques (Petit Faucheux, 17 février 2012)
Vendredi dernier, au Petit Faucheux, c’était ticket double.
En 1ère partie, le septette Can’t A Jazz autour du guitariste Jean-Noël Galard : musique très appliquée, très écrite, offrant peu d’envolées mais quelques belles harmonies, de bons solos, bref… du jazz français se prêtant hélas à la tapinose. Entre autres menues faiblesses, pourquoi le leader, de toute évidence timide et peinant à parler en public, ne laisse-t-il pas un autre des musiciens annoncer les morceaux, dire ce qu’il y a (aurait) à dire ?
Après un entracte que je passai, exceptionnellement, vissé à mon siège car mon fils préférait rester dans la salle (ce qui nous a permis d’admirer le déménagement des instruments et instrumentistes), c’était le duo formé par deux septuagénaires de choc, que je ne connaissais que de nom mais qui m’ont accompagné depuis, au disque et via divers sites de streaming : le saxophoniste américain Sonny Simmons et le pianiste François Tusques (qui n’a d’entrée WP, et encore bien incomplète, qu’en allemand). Le programme était peu ou prou celui de leur album paru en 2011, Near the Oasis, et que je n’ai acheté qu’après, autant intrigué que subjugué. En effet, Sonny Simmons n’a pu achever le (bref) concert. Après un long duo piano / cor anglais, et plusieurs standards, le saxophoniste s’est excusé en nous disant qu’il devait aller se reposer et reviendrait après un solo du pianiste. François Tusques a enchaîné trois solos, dont un Night in Tunisia pour lequel il s’attendait à voir revenir son comparse, mais le saxophoniste n’est revenu qu’à la fin du troisième, lançant un petit chant puis saluant. De toute évidence, Sonny Simmons est de santé fragile et il fatiguait vite, mais chacune de ses improvisations valait, à elle seule, la totalité de ce qu’avait proposé Can’t A Jazz avant. Par-dessus le marché, François Tusques joue Monk totalement dans l’esprit de Monk, mais sans rien reproduire des modes de jeu ou choix d’improvisation de Monk ; cela aussi, c’était une sacrée découverte.
Bien sûr, l’album est beaucoup plus abouti, plus « parfait », plus rond, et donc plus satisfaisant, en un sens. Mais ce qui s’est joué là, ce vendredi, pendant une petite heure, au Petit Faucheux, c’est l’expérience réelle de la difficile beauté : un duo si magistral, si émouvant, ne s’écrit et ne s’impose qu’après des décennies d’une vie en musique. Et la beauté, même lorsqu’elle semble couler de source, n’est gagnée qu’en un combat sourd mais incessant contre la dureté, et la mort.
À écouter :
Simmons/Tusques. Near the Oasis (2011).
François Tusques Trio. Blues Suite (1998)
François Tusques. Octaèdre (2011).
11:04 Publié dans Jazeur méridional | Lien permanent | Commentaires (0)