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mardi, 30 janvier 2024

Baba Yaga a pondu un œuf

Ce roman composite est à peu près impossible à résumer, car le récit le plus « classique » occupe la deuxième partie, autour de la trinité des trois vieilles dames Pupa, Kukla et Beba, en vacances dans un spa à Prague. La 4e de couverture ne mentionne d’ailleurs que ce récit, alors que la première partie attaque sous un angle différent, celui d’une écrivaine narratrice qui se rend, à la demande de sa mère, dans la petite ville de Bulgarie d’où elles sont originaires afin de voir ce qui a changé. La narratrice s’y rend en compagnie d’une jeune universitaire folkloriste nommée Aba Bagay (anagramme transparente de Baba Yaga) ; cette universitaire, désormais en poste, est l’autrice de la 3e partie, qui développe sur une bonne centaine de pages, à la demande de l’éditeur du manuscrit des deux premières parties, les liens entre les différentes versions du mythe de Baba Yaga à travers l’Europe de l’Est et la Russie (mais pas seulement) et le manuscrit en question.

Le dernier chapitre de cette dernière partie, « MON CONTE EST FINI ! », est une sorte de péroraison féministe en forme de cri de la sorcière :

Comprenons-nous bien, je ne suis pas comme votre autrice. Je n’ai pas laissé passer cette épée sous l’oreiller, je crois en sa signification. Plus, je suis convaincue que quelque part, tout est soigneusement consigné, qu’il existe quelque part un monstrueux registre des réclamations, et que les comptes seront réglés un jour ou l’autre. Tôt ou tard, mais ils seront réglés. (p. 452)

 

Comment suis-je venu vers ce livre ? D’une, je voyais passer régulièrement le nom de Dubravka Ugrešić depuis quelques années. De deux, et surtout, à Arles Chloé Billon a reçu le Grand Prix de la Traduction pour ce livre, et ce qu’elle en a dit lors de l’entretien suivant la remise du prix donnait forcément envie d’aller lire ce livre.

Et prouesse de traduction, très frappante. Pour la dernière partie, bien entendu, qui – comme le récit aussi – jongle entre de nombreuses langues (russe, tchèque, croate entre autres), et entre tant de références anthropologiques. Mais aussi pour tous les “effets de comptine”, comme je tente de nommer les différentes transitions d’un chapitre à l’autre dans la deuxième partie : ces transitions se fondent systématiquement sur une antithèse entre « la vie » et « l’histoire (au sens de fiction), et sont des sortes de distiques en prose. Voici comment Chloé Billon a traduit quelques-uns de ces distiques :

Tandis que la vie est pleine d’aléas, l’histoire ne tourne qu’autour de son canevas ! (p. 212)

Tandis que les histoires personnelles s’éternisent dans la confusion, la nôtre sans encombre file vers sa conclusion. (p. 232)

Et nous ? Nous poursuivons notre route. Tandis que la vie s’arrête, cligne des yeux et tergiverse, l’histoire vers sa fin se presse. (p. 296)

Tandis que la vie regorge de détours et d’anicroches, l’histoire, elle, est sans peur et sans reproche. (p. 309)

Tandis que la vie erre dans les bois et les taillis, l’histoire à mi-chemin prend déjà des raccourcis. (p.  315)

 

Ces éléments métafictionnels sont particulièrement ironiques, étant donné qu’ils appuient sur le caractère linéaire et comme évident des histoires, alors que le livre lui-même n’est ni une seule histoire, ni linéaire, et qu’il est même difficile de lui assigner une conclusion, si ce n’est de prendre au pied de la lettre le long essai d’Aga Bagay qui constitue la troisième partie.

 

Baba Yaga a pondu un œuf (30012024)

mercredi, 10 janvier 2024

La pièce manquante

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Avant-hier soir, ma collègue Katy Testemale organisait, au lycée Descartes, une rencontre avec Jean Harambat, autour de la parution de sa B.D. La pièce manquante, avec la participation de mes collègues Frédérique Fouassier et Laurent Gerbier. Comme j’avais une réunion d’une de mes équipes de recherche à 15 h, je n’ai pas pu y aller, mais C* m’a résumé tout cela avec pas mal de détails tout de même (cf son compte Instagram aussi, d’où provient aussi l’image ci-contre). Elle a trouvé l'ensemble de la table ronde très intéressant, très stimulant.

 

La B.D., que j’ai lue dimanche, m’a un peu laissé sur ma faim : c’est plutôt sage, et également un peu verbeux. L’idée de faire se rencontrer, dans l’Angleterre du 18e siècle (avec un hommage appuyé au genre picaresque) l’actrice Peg Woffington (dont je n’avais jamais entendu parler (mais la WP anglophone m'apprend qu'elle a fait l'objet de plusieurs romans et films, et même d'une mention dans Ulysses de Joyce...) et une figure majeure (un peu sous-employée par Harambat), Ignatius Sancho, est très judicieuse, et l’ensemble est bien mené. C’est l’occasion aussi de broder un peu à partir de Cardenio, la fameuse pièce coécrite par Shakespeare et Fletcher en 1613, et irrémédiablement perdue.

 

Au sujet d’Ignatius Sancho (dont je ne peux que chaudement recommander les Lettres, un texte fondamental de la Black Britishness et de l’histoire de l’abolitionnisme), Katy Testemale a parlé du roman que lui a consacré, tout récemment, l’acteur Paterson Joseph, et que j’ai commencé à lire.

 

dimanche, 03 septembre 2023

03092023 - le littéraire inintéresse

Cette nuit, en rentrant de la garden party de nos amis L* et A*, voyant qu’une ex-collègue (littéraire) avait commenté une de mes publications sur Facebook à propos de rugby en disant, en substance, qu’elle se sentait exclue car ça ne l’intéressait pas et que, parallèlement, mes 5 dernières publications à teneur littéraire depuis jeudi avaient été likées au mieux une fois (jamais par elle), et pas du tout commentées, j’ai affiché ceci :

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Ce matin, je vois, sous cette publication, trois « likes », tous de contacts écrivain-es et/ou traductrices, ainsi qu’un commentaire d’un écrivain que j’admire beaucoup, qui m’a envoyé son nouveau texte en avant-première il y a une semaine (mais je lui avais dit que je n’aurais pas le temps tout de suite) et qui écrit : « Je me sens visé. » Je pense que c’est ironique ou facétieux mais je vais devoir lui écrire pour lui expliquer que ce n’était pas du tout la signification du message en question.

Toutefois, cette formule – le littéraire inintéresse – ferait un très bon titre de livre.

Il faudrait en parler avec mon amie E*, qui doit m’envoyer le tapuscrit de son livre (envoyé déjà à 3 éditeurs) depuis des mois, et à coup sûr, après promesse orale claire, depuis lundi.

lundi, 24 avril 2023

24042023

Je finis les emplois du temps du semestre prochain, et C* corrige des copies de 1ère (ça s'appelle les "vacances" des enseignant-es).

Or, je la vois qui s'agace de ne pas trouver la source d'une citation donnée par un élève. La citation est un quatrain de Hugo, alors que le devoir porte sur l'œuvre au programme, Les Contemplations. Evidemment, C* ne reconnaît pas la citation, donc se dit que ça vient peut-être d'un autre recueil... À dire vrai, ça ressemble à du Baudelaire, mais un vers est faux et surtout Google ne trouve nulle part ce poème, alors que le moindre sonnet du plus obscur petit-maître du 19e siècle est désormais en ligne, et dûment répertorié. La prof sait forcément que cette citation est chimérique.

Allons plus loin... Comme chaque hémistiche existe, tel dans un poème de Moréas, tel autre dans Derème, tel autre encore dans Hugo et dans Apollinaire, il n'y a qu'une seule explication, selon moi : l'élève a demandé à ChatGPT de lui fabriquer un quatrain de Hugo. ChatGPT est allé bricoler ensemble des demi-vers de poètes vaguement contemporains de Hugo, mais sans tenir compte de la règle du « e » non muet à la fin du premier hémistiche (d'où le vers faux).

Que l'élève s'imagine que sa prof, qui fait étudier les livres I à IV des Contemplations, ne va pas "tiquer", et surtout qu'il ignore que tout poème dont on ne retrouve pas la trace sur le Web est (hors extrême contemporain) forcément un poème inventé montre à quel point la stupidité le dispute à la malhonnêteté. Ce garçon devrait se mettre sur les rangs pour entrer au gouvernement.

 

samedi, 25 février 2023

Aujourd’hui

Le service automatique de rappel de la Bibliothèque Universitaire m’écrit aujourd’hui pour me signaler que je dois rendre ce lundi les 5 livres de Dominique Meens empruntés en décembre, et prolongés déjà une fois. Il s’agit des 5 tomes de la pentalogie des Aujourd’hui, seul pan de l’œuvre de D.M. que je n’avais pas du tout lu, tout en ayant tourné autour déjà par le passé. J’ai lu les 2 premiers tomes, le second avec quelques sauts, et j’ai feuilleté plus que je n’ai lu les trois suivants. Cela me gêne car je vais peut-être rencontrer D.M. un de ces jours, et alors que j’aime énormément l’Ornithologie du promeneur (évoquée plusieurs fois dans mon vlog - ici dans la maison de Hagetmau à l'occasion d'une traduction sans filet) et les textes plus récents (Dorman, Mes langues ocelles, L’Île lisible, Ni [je n'ai pas d'index des livres dont je parle dans mes vidéos donc je renonce à tout traquer]), le projet général de cette pentalogie m’échappe complètement, et je lis ces volumes un peu comme des essais disparates, comme des poèmes sans lien entre eux, et ça m’ennuie. Certes, D.M. cherche à désarçonner toute velléité homogénéisante, mais ça ne suffit pas à rendre l’ensemble lisible – ou plutôt : suivable – pour moi. Est-ce que j’avais trop de fers au feu par ailleurs, l’esprit trop occupé pour avoir le temps de me dérouter ou d’être dérouté ? En attendant, je ne sais que faire : est-ce que je prolonge, dans l’illusion que j’aurai le temps de reprendre des notes à partir de ce que j’ai lu (mars va être colossal, j’en doute déjà), ou est-ce que je les rends en différant un nouvel emprunt futur ?

 

lundi, 23 janvier 2023

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Aujourd’hui, préparation de cours, réunion de département, puis quelques coups de sonde « amusants » dans ChatGPT, le logiciel d’intelligence artificielle qui épouvante et sème la panique dans les universités, pas que françaises d’ailleurs.

 

J’ai préparé la brochure avec les 4 premiers textes de traduction de première année, tous tournés vers l’île Maurice, en prévision de la conférence/rencontre avec Mariam Sheik Fareed fin mars.

 

lundi, 25 avril 2022

25042022

 

Reprise des cours, avec surveillance d’un examen, et plus généralement du travail, avec divers tracas administratifs, et – pour finir la journée en beauté, le dixième live Twitch consacré à Ulysses.

 

 

J’ai réussi à ne quasiment pas parler de politique aujourd’hui. Désormais mon seul espoir est qu’une alliance de gauche large puisse permettre des candidatures uniques dès le premier tour. La catastrophe climatique et l’effondrement de la biodiversité sont dans une phase d’accélération tout à fait épouvantable ; je n’arrête pas de me dire que ce que je fais n’a pas de sens, et je le fais quand même – la même fourmi dans la même fourmilière

 

vendredi, 06 mars 2020

Voyages dans le temps

Pas le courage d'attendre les 2 semaines au terme desquelles les infiltrations de mardi feront peut-être de l'effet : je commence ce soir le traitement anti-inflammatoire prescrit par la rhumatologue le 29 janvier (oui, je sais, je ne suis “pas très médicaments”).

Outlander, saison 4, épisode dans lequel Brianna et Roger traversent les pierres. Coïncidemment, reçu de l'éditeur Aux Forges de Vulcain (merciii !) les quatre livres traduits à ce jour de Charles Yu, dont son premier, qui tourne autour des voyages dans le temps.

 

mardi, 18 juin 2019

18 juin 2019

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vendredi, 26 octobre 2018

Circumnavigations (Pinget)

Comme (comme si) je n'avais pas assez de quoi m'occuper, depuis que je me suis levé à 4 h du matin, avec le corrigé du concours blanc d'agrégation interne, je me suis amusé à chercher sur le SUDOC, et plus globalement ensuite sur Worldcat, quels livres de Pinget sont disponibles en anglais. Sans être allé au bout de la recherche, je pense pouvoir conclure que tout Pinget a été traduit en anglais, principalement chez Red Dust et Dalkey Archive. Beaucoup de textes semblent avoir été traduits depuis sa mort, d'ailleurs ; peut-être, toutefois, est-ce la date de publication qui est trompeuse. Dans les B.U. de France, quatre livres seulement sont disponibles, deux à la Bibliothèque de Versailles-Saint-Quentin, et deux à la Bibliothèque littéraire Jacques-Doucet (dont j'ignorais qu'elle était associée au métacatalogue).

Quoi qu'il en soit, ce n'est pas dans cette direction-là que va le projet Pinget. Peut-être dans un second temps.

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Outre lire quelques pages d'Ornithologie du promeneur vol. 3 (qui me tombe littéralement des mains à chaque tentative), j'ai pris, sur les étagères où elles sont ici consignées, quelques-unes des anthologies dites “scolaires” de textes littéraires que ma mère avait achetées pour ma sœur et moi quand nous étions au lycée. Je ne parle ici que des volumes consacrés aux œuvres du 20e siècle, mais les séries sont complètes, du Moyen-Âge au vingtième. Celle que je nomme « la Magnard » est à Tours (car c'est la seule qui a vraiment compté pour moi et m'a ouvert x horizons), mais il y a ici « le Darcos », le Lagarde & Michard et la Mitterand/Lecherbonnier de chez Nathan.

Ces anthologies sont toujours instructives ; on y piochera un texte auquel on ne songeait pas, comme tout à l'heure je me suis surpris à lire, presque admiratif, un extrait de Malicroix de Bosco ; elles permettent, pour les meilleures d'entre elles, de découvrir des rapprochements qu'on n'avait pas envisagés (mais pour lesquels il faut garder son esprit critique), ainsi de Beckett avec Cioran et Blanchot (oui, je sais, ce n'est pas ébouriffant de nouveauté, mais je n'y avais jamais songé ainsi).

Le Darcos (de très loin le meilleur à l'exclusion de « la Magnard », et dont les auteurs sont Alain Boissinot, Bernard Tartayre et Xavier Darcos, et qui fut publié en 1989 dans la collection Perspectives et confrontations chez Hachette) est le seul à proposer des équilibres qui me paraissent encore pertinents aujourd'hui au regard de l'histoire littéraire. Le Lagarde et Michard, bien sûr, se signale par sa myopie et sa ringardise. Myopie, de consacrer plus de pages au seul Sartre qu'à tout le Nouveau Roman. Ringardise, d'aller égrener des extraits de Déon, Nourissier, Cayrol, Bazin, Ikor, D'Ormesson ou Lainé quand ce même chapitre consacré au Nouveau Roman donne royalement quatre malheureux textes de Butor, Sarraute, Simon et Robbe-Grillet.

Aucune de ces anthologies ne donne de texte de Pinget. Seul le Darcos le cite, mais à titre de note de bas de page (tout comme Claude Ollier, autre écrivain des marges du Nouveau Roman et dont l'œuvre m'est chère, quoique j'en aie une connaissance beaucoup plus fragmentaire) et sans même le rapprocher de Beckett. Le Darcos, au demeurant, donne un long texte du Temps immobile de Claude Mauriac, mais sans doute est-ce sous l'effet du gaullisme mal dissimulé de l'auteur principal (Xavier Darcos n'était pas encore officiellement estampillé RPR en 1989, mais enfin Rome ne s'est pas faite en un jour).

Pas de Pinget, mais son éclatante absence y est intéressante. Le Darcos m'a permis de relire quelques extraits des textes théoriques de Robbe-Grillet et Sarraute (tout cela est à Tours) et de me faire la réflexion déjà ancienne que l'œuvre de Pinget, dont le troisième roman (Le Renard et la boussole) est l'exact contemporain des Gommes, le premier Robbe-Grillet, et du Degré zéro de l'écriture, a souffert de ne pas être explicitement théoricienne, à une époque où journalistes et lecteurs réclamaient, semble-t-il, de l'abstraction, du hors-champ, des propos critiques pour mieux s'expliquer ce que faisaient les textes.

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Les réponses théoriques et les apories expérimentales sont, pour Beckett et Pinget, à chercher dans la prose narrative. Butor, Duras, Sarraute et Robbe-Grillet ont compris qu'il fallait (ou ressenti la nécessité d') accompagner leurs textes d'un appareil critique. Pourtant, Butor dit mille fois mieux ce qu'il pratique dans les tomes du Génie du lieu que dans les papiers poussifs de son assommant Répertoire.

 

dimanche, 22 avril 2018

Pourquoi j'aime Heaney. Réponse à une question que je ne me posais pas.

Claire Placial m'a interpellé récemment sur Twitter pour me demander, en gros, comment j'expliquerais mon amour pour la poésie de Heaney. Je ne me rappelle plus sa formulation exacte, mais l'idée était que, parmi les nombreuses personnes avec qui elle échange sur les réseaux sociaux, je serais celui-qui-aime-Heaney.

Cela, déjà, est un peu embarrassant, parce que, d'une part, je ne prétends pas connaître si bien que cela la poésie de Heaney (par exemple, je ne possède, comme édition, que les New Selected Poems 1966-1987), et, d'autre part, il y a plusieurs poètes de langue anglaise contemporains de Heaney que je place plus haut que lui qui comptent plus pour moi — par exemple, et pour le redire, car je ne le dirai jamais assez : Walcott.

J'ai encore écrit récemment que, si on exigeait de moi de ne garder qu'un seul poète de langue anglaise du vingtième siècle, ce serait — vrai crève-cœur pour les délaissés — Walcott. Mais là n'est pas le sujet.

 

Le sujet, donc, est Seamus Heaney, et cela doit faire une bonne semaine que j'ai différé ma réponse, tout en y réfléchissant. Il se trouve qu'hier j'ai lu, dans le dernier recueil publié de Leontia Flynn, The Radio, le poème composé le 30 août 2013, ou en mémoire du 30 août 2013, et donc, puisque c'est ce jour-là qu'est mort Heaney, en mémoire de Heaney. Il se trouve aussi que j'ai enregistré cette semaine une vidéo dans laquelle je suis revenu sur le roman de Robert McLiam Wilson, Eureka Street, dans lequel un des personnages caricature la poésie irlandaise, et notamment Heaney. Enfin, en travaillant récemment avec ma collègue Fanny Quément sur des traductions de Billy Ramsell, on a forcément pas mal repensé à Heaney, et parlé avec Ramsell de Heaney, vu que, notamment, Fanny a consacré sa thèse de doctorat à Heaney.

 

Bon. Cela doit faire assez d'adverbes et d'occurrences du nom Heaney dans un seul paragraphe.

 

Now, seriously...

 

Il faudra que j'approfondisse, mais, si je dois expliquer pourquoi je suis attaché à la poésie de Heaney, pourquoi elle compte pour moi, c'est parce que la langue est à la fois complexe et un peu rude. J'aime être malmené, c'est-à-dire que j'aime qu'un poème – ou une œuvre – résiste, mais pas jusqu'à l'abstrusion. C'est pour cela que, j'hésite à l'écrire, j'admettrai volontiers que la poésie de Celan est plus importante (whatever that means) que celle d'Ingeborg Bachmann ou de Rose Ausländer, mais que je suis incapable de lire Celan plus de vingt minutes d'affilée, alors que ce n'est pas le cas avec Bachmann ou Ausländer. Autrement dit, Heaney – comme Ted Hughes, pour évoquer une autre grande figure que j'ai beaucoup relu depuis Noël – est, d'une certaine façon, un poète classique, mais qui ne cesse d'accrocher. Il n'est pas délibérément moderniste ou provocateur, et pourtant chacun de ses poèmes dérange.

 

Dérangement... oui, de la langue mais aussi du lecteur. Et c'est, du coup, une poésie qui exige d'être dite à haute voix, ou à mi-voix.

 

Un autre aspect important, c'est que Heaney parle du monde réel, c'est-à-dire des choses, des objets, des sensations. Il y a, dans sa poésie, le corps humain, et il y a ce qui échappe à l'humain. De là vient peut-être aussi ce dérangement. La manière dont les poèmes de Heaney jouent de la prédominance des mots monosyllabiques dans la langue anglaise, des termes saxons, je la relie – sans doute à tort – à cette façon qu'ils ont, sur un autre plan, de confronter l'humain au non-humain. (C'est plus vrai encore de la poésie de Hughes.)

 

Je pourrais prendre quinze exemples, comme un seul. The Grauballe Man. Dans la forme brève, on voit – même sans connaître ces cadavres de tourbières – ce qui est donné à voir : un portrait. Mais ce portrait est aussi (surtout) un portrait sonore. De là l'émotion. Que ce poème fasse un accroc.

 

Ou un autre exemple, le huitième des sonnets de Glanmore. Le jeu avec la construction du sonnet, sans que ce soit pur jeu formel. L'irruption de l'adjectif composé allitératif blood-boltered, qui évoque Hopkins (alors quoi : est-ce que ça perle parle du Christ?), préfigure le tas de bois du vers suivant (woodpile) ainsi que l'identification finale du sujet du poème à du bois de bouleau : My all of you birchwood in lightning.

(Et le mot birch lui-même... passons...)

 

Je vais m'égarer. C'est inévitable. Disons, pour tenter de répondre à la question posée, que la plupart des poètes qui m'accrochent sont ceux dont les poèmes font naître un monde étrange tout en représentant le monde réel. Peu importe l'attention à l'objet, ou le lyrisme du lieu : en ce sens, je suis autant lecteur de Guillevic que de Ponge ou Maulpoix. C'est dire.

 

Il faudra, je le crains, répondre de cette réponse.

 

samedi, 17 mars 2018

Derek Walcott, l'inconnu éditorial

Il y a un an mourait Derek Walcott.

 

Il y a deux jours — ou trois, peut-être —, sur le mur Facebook d'un ami, j'écrivais ceci :

Avec 25 ans de lectures accumulées dans le domaine, si on me demande de ne retenir qu'un seul poète anglophone du vingtième siècle, je garde Walcott. Et pourtant, il y en a des dizaines qui me feraient deuil...

 

Rappel : il n'existe pas, pour Walcott, contrairement à Ossip Mandelstam ou Sylvia Plath par exemple, d'édition française complète des poèmes. En fait, l'immense majorité de ses pièces de théâtre sont inédites en français, de même que tant de ses recueils de poésie. Alors que la plupart des grands poètes du vingtième siècle sont disponibles in extenso en français, voire souvent que des traducteurs différents ont proposé des interprétations différentes de leur œuvre (pour Trakl, par exemple, la traduction Petit/Schneider de 1972 et la traduction Legrand en deux tomes chez GF), Walcott, dont chaque poème bouleverse et dont chaque recueil est absolument essentiel, reste en dehors des radars parisiens.

jeudi, 31 mars 2016

Rugby ○◙◘○ Rapports

La mascotte est peut-être un loup ou un chien bipède qui s'agite et se trémousse.

un instrument de cuivre très étrange, qui tient du piston, de l’ophicléide et du cor de chasse

Pas envie, depuis trois jours, d'abattre les besognes usuelles.

Les arbitres se nomment Hourquet et Castaignède.

Souvenirs des vendanges, des vignes, des vignobles, de la piquette que je ne goûtais pas (je n'avais pas onze ans).

Lann, en revenant de la carrière, rapportera une cruche toute pleine

Rabattre la balle en arrière par une passe trop appuyée, ce n'est jamais bon. On se retrouve fissa à encaisser un essai ; ça ne loupe pas.

Les envois en bout de ligne sont un peu téléphonés.

l’on commença à le regarder avec un certain épatement, comme on contemple un prestidigitateur capable de sortir des pigeons vivants d’un chapeau haut de forme ou trente petits drapeaux d’un œuf dur

La course du 10 italien en oblique a failli mal s'achever.

jeudi, 03 mars 2016

Banc

C’était merveilleux, ai-je dit, ce banc de poissons que j’ai vu. Je l’ai vu très nettement, tu sais. J’écoutais ce que tu me disais, et je le voyais onduler devant moi. Je crois que c’est parce que tu m’as pris la main.

(Christian Garcin. L’embarquement. Gallimard, 2003, p. 100)

mardi, 02 février 2016

2013-2016

2 février 2013.

Je vais mettre un crêpe noir pour relire Raymond Chandeleur.

2 février, jour du calembour pourri.

 

Aujourd'hui (même jour, en 2016)

En mangeant une crêpe accompagnée d'un gobelet de thé aromatisé à je ne sais déjà plus quoi au stand de l'association des étudiants anglicistes, j'ai eu une discussion tout à fait passionnante avec deux anciens étudiants, actuellement en M2, et avec une étudiante de L1 que je n'ai pas dans mes cours, notamment sur l'évaluation des enseignements.

(Moins pourri.)

 

(Lointain écho d'“Exister est un plagiat”, sous une autre forme, et du Temps immobile.)

samedi, 07 novembre 2015

Sans regret de la calemande

Comme souvent, lorsque je me prends à contempler ma vieille robe de chambre, à repenser aux circonstances dans lesquelles j'en reçus le présent – elle était neuve alors, j'avais quinze ans – je reprends le texte de Diderot, peut-être un de ses plus forts, à coup sûr son plus émouvant, et que ma professeure de français d'hypokhâgne (dont le sens de l'enseignement m'échappait à peu près) m'a fait découvrir, les Regrets sur ma vieille robe de chambre, texte inépuisable, dont on ne peut se lasser, d'où j'extrais ce soir cette phrase magnifique, parmi tant d'autres magnifiques :

Où est mon ancien, mon humble, mon commode lambeau de calemande ?

 

Décidément, les mots nous portent aux objets.

Je voulais seulement pondre, vite fait mal fait, une notule afin de tenir ma promesse pour novembre. (Aujourd'hui, sans avancer dans mon travail, j'ai été occupé à diverses utilités sociales (conseil d'école élémentaire...) et sottises chronophages (feuilles de néflier, luminaire à changer sans s'électrocuter, panne d'internet à régler, puis bibliothèque à reclasser).)

Donc, voici, la promesse sera tenue. En songeant aux minces trous et longs aplats élimés de ma vieillerie, et en envisageant que je pourrais en tirer ici quelque copie, cela m'a rappelé qu'hier j'ai remis une paire de chaussures neuves qui m'avait meurti atrocement les pieds quelques jours avant les congés de Toussaint, et qui, jeudi comme aujourd'hui, et surtout comme hier, m'a accompagné sans nul sévice, sans torture, sans brûlure, sans ampoule ni bleu. Hier midi, partant déjeuner, ce que je pensais pouvoir dire de cela se rattachait là encore à une autre œuvre, pour moi mythique aussi, Chaussure de Nathalie Quintane – je ne l'ai pas encore dit, mais au moment où je lus Chaussure je mettais la dernière main à un manuscrit dans lequel il était pas mal question de marches forcées, de promenades, de godasses. (Plus tard aussi, chez Roubaud comme chez Walser, m'a fasciné ce même thème si plat et si profond à la fois : comment on se promène, et par quels outils.)

 

Tout ça pour finir par extraire une phrase de Diderot pour noircir un peu ces carnets, et constater qu'y figure un mot, calemande, dont je ne pense pas, feignant que je suis, jamais avoir vérifié le sens ni l'usage dans le dictionnaire, de sorte que, selon toute probabilité, il pourrait figurer à la rubrique des Mots sans lacune, où je le place illico, sans plus chercher... on fera cela demain, il reste à faire, la soirée s'élime.

 

mardi, 28 avril 2015

Grüne Welle

C'est un peu compliqué.

Dans ma topographie — celle des kleptomanies monotones — le franchissement des feux tricolores jusqu'au Beffroi occupe une place à part, celle de la conduite machinale mais occasionnelle (pour mieux dire : irrégulière). Il y a toujours un moment où la voiture passe à l'orange ; peut-être l'arrière même est-il parfois au niveau du rouge. Je respecte scrupuleusement la limitation de vitesse, donc je l'ai dans l'os pour la vague verte.

(Peut-être est-ce à Düsseldorf, ces premiers échos de la grüne Welle...)

Pourquoi encore tenir ces carnets. Je devrais projeter ces trajectoires avec la violence retenue explosante fixe des monologues d'Éric Delphin Kwegoué. Pourquoi encore tenir. Pourquoi tenir. Pourquoi ternir.

Vous n'avez pas de quoi. Y a pas de quoi.

C'est un peu compliqué.

À l'aller, souvent, je passe par Marie et Pierre Curie, bifurque avant le L.P. ▬▬ mais au retour, c'est plus avec ambages, soit l'avenue de l'Europe, son enfilade de feux dont toujours au moins un rouge que je ne grille jamais, parfois tourne à gauche vers Sapaillé pour la boulangerie, le chinois, Emmaüs ou tout simplement coupe-file.

Quand je marche, ou quand je prends le tramway, c'est encore une autre histoire.

Mes liens en vert se mordent la queue ; je n'ai pas écrit le centième des textes en souffrance.

Ça vous fait souffrir c'est un peu compliqué ?

mardi, 24 mars 2015

Michelet

« J'ai vu, non pas dans les marais, mais sur les hauteurs de l'Ouest, aimables et verdoyantes collines, couvertes de bois ou de prairies, j'ai vu d'immenses eaux pluviales séjourner sans écoulement, puis, bues d'un rayon de soleil, laisser la terre couverte d'une riche et plantureuse production animale, limaces, limaçons, insectes de mille sortes, tous gens de terrible appétit, nés dentus, armés d'appareils admirables, d'ingénieuses machines à détruire. Impuissants contre l'irruption d'un monde inattendu qui grouillait, s'agitait, montait, entrait, nous eût mangé nous-mêmes, nous luttions au moyen de quelques poules intrépides et voraces, qui ne comptaient pas les ennemis, ne discutaient pas, avalaient. Ces poules bretonnes et vendéennes, braves du génie de la contrée, faisaient cette campagne d'autant mieux, qu'elles guerroyaient chacune à sa manière. La noire, la grise et la pondeuse (c'étaient leurs noms de guerre) allaient ensemble en corps d'armée, et ne reculaient devant rien; la rêveuse ou la philosophe aimait mieux chouanner, et n'en faisait que plus d'ouvrage. Un superbe chat noir, leur compagnon de solitude, étudiait tout le jour la trace du mulot, du lézard, chassait la guêpe, mangeait la cantharide, du reste devant les poules respectueux et toujours à distance. »

Michelet, L'Oiseau, 1867.

Le savez-vous, le sais-tu, je n'ai toujours pas lu un seul livre de Michelet ; pourtant, je tourne autour depuis très longtemps. Dans le froid entre les étagères je pourrais creuser et faire remonter à la surface les billets dans lesquels peut-être j'ai déjà exprimé ce regret, cette envie, cet à-quoi-bon. Rien ne serait ramené dans mes filets, grande marée ou pas, sinon encore quelque allusion de côté aux oiseaux, via Cage finalement. Et j'écris désormais pour les oiseaux, j'entends les trilles des merles qui font leur nid dans le cyprès près du néflier.

vendredi, 20 février 2015

Saay saay

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« Ses petits yeux verts, percés comme avec une vrille, flamboyaient sous deux arcs marqués d'une faible rougeur à défaut de sourcils. »

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L'auteur de l'article WP consacré à Héliogabale qui classe les ouvrages de l'abbé de Marolles ou de Pierre-Jean-Baptiste Chaussard dans la rubrique des “ouvrages contemporains” est soit un petit plaisantin soit un gros poussiéreux.

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19 h 05 — On regarde des reproductions tirées de l'album Cent énigmes de la peinture en écoutant le CD de Chérif Mbaw, pas entendu depuis longtemps — ♫ Saay saay ♪ — revoici le salon ensoleillé de Beauvais, automne 2002.

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jeudi, 11 décembre 2014

La grande brairie (dessine-moi un ormesson)

On ne ne sait trop qui a répondu à l’enquête dont Busnel — qui est à la critique littéraire ce que Patrick Sébastien est au divertissement — faisait ses choux gras ce soir  dans le décor hideux de sa Grande librairie, mais, en tout cas, on peut remarquer que, pour ce panel, le top 5 des « livres qui ont changé ma vie » était entièrement constitué de récits de langue française publiés entre 1920 et 1960. Ainsi, la littérature n’existerait qu’en langue française, qu’en prose narrative, et que sur une période de 40 ans.

J’ai tout d’abord eu dans l’idée que seuls les pensionnaires des maisons de retraite de la MGEN – ou le fan club des Amis de Jean d’Ormesson – avaient eu voix au chapitre. Il est autre chose qui m’a mis la puce à l’oreille : le fait que la première place revienne au Petit Prince… Comment peut-on considérer que Le Petit Prince est le livre le plus important qu’on ait lu, à moins de n’avoir lu que quinze livres, en tout et pour tout, Enid Blyton compris ? Sans doute, répondre cela – comme répondre L’Écume des jours d’ailleurs (ouvrage qui se classait à la quatrième place) – signifie qu’on a lu quelques livres à l’adolescence, et qu’on n’a plus jamais rien lu depuis…

 

Il n’en demeure pas moins que le succès durable et populaire du Petit Prince me demeure une énigme : qui ce texte, bêtement lourdaud, péniblement allégorique, médiocrement écrit, peut-il faire rêver ?

jeudi, 02 octobre 2014

Le Libera

........ sans compter la luzerne et la vipérine et le silène enflé qui fait de si jolis pets quand on tape dessus ............

 

 

À l'exception peut-être d'un inédit qui m'avait laissé de marbre, je n'avais pas relu Pinget – un de mes modèles (mentors ? Maîtres ?) depuis une bonne quinzaine d'années. Le Libera, un des premiers livres de lui aperçus en librairie (librairie d'occasion, rue Sainte-Catherine à Bordeaux (je crois que le premier Pinget que j'aie vu en librairie, c'était à Dax, librairie Campus, en 1990 (Du nerf, je pense (curiosité de ce volume ultra-mince, de ce nom, et la griffe Minuit qui me fascinait)))), j'avais d'abord lu, sur le dos, Le Liberia, inculture religieuse oblige, plus que passion pour l'Afrique.

Plus tard, alors que je lisais par brassées tout ce qu'avait écrit Pinget, ce roman est resté hors champ, peut-être parce que j'avais trouvé un jour, dans une librairie du quartier Montparnasse, un exemplaire à 600 francs (c'était une première édition signée, je pense) ; comme j'ai toujours été assez aganit, et très peu bibliophile, cela, avec le titre et l'initiale erreur de lecture, m'a peut-être tenu éloigné encore de cet opus-ci. J'ai fini par l'acheter il y a quelques mois, en me disant que, si ça se trouve, je n'arriverai plus du tout à lire Pinget, je le connais trop bien, etc.

Or, j'ai commencé la lecture du Libera avant-hier soir, et le texte m'emporte, enrichi d'échos plus récents (Lobo Antunes, mais pas seulement, Claude Mauriac aussi), fort de cette structure de parlerie où chaque détail se transforme et s'altère imperceptiblement à chaque nouveau paragraphe, d'une phrase l'autre, la vérité se trouvant dans le creux de la voix (émanant du creux (Ducreux)) plutôt que dans une impossible véracité.

Dans la sublime postface (texte qui en dit plus long, en quatre pages, sur le roman français du XXème siècle que tout Genette et tant d'autres), Pinget rapproche sa démarche – ici – de L'Inquisitoire, qui constitue certainement un des monuments d'une œuvre monumentale.

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mercredi, 25 décembre 2013

Carambolages

Dans le nanard que nous vîmes avant-hier, pour Alpha mais aussi, vu ses quintes de rire, pour mon père, le personnage de flic anciennement milicien (ou gestapiste ?) incarné par Michel Serrault lance une espèce d'analogie avec “le 14 juillet, le 13 mai”. J'avoue ne pas avoir saisi, sur le coup, ni après coup, d'ailleurs.

Or, ce matin, en attendant que s'éveille la maisonnée, je lisais Le Temps immobile 3, et j'ai compris que le 13 mai, c'était la tentative de coup d'État à Alger en 1958, et l'appel lancé à De Gaulle par les parachutistes et les généraux. Le film était de 1963, un beau nanard, Carambolages. Toutefois, son titre est, ici, très opportun.

Au demeurant, parmi ses nombreuses qualités (sa configuration, son dispositif — notamment), le journal-mobile de Claude Mauriac réactive pour moi certains noms, certains événements de l'histoire de France.

 

mardi, 17 décembre 2013

Ayaux... taïaut !

« Promenade en forêt de Senlis : le sous-bois est jaune de jonquilles. Je n'avais jamais vu un tel déploiement d'ayaux. »

(Claude Mauriac. Le Temps immobile I [1974], Livre de Poche, 1983, p. 58)


Butant sur ce dernier mot, j'évoque rapidement, in petto, quelques hypothèses.

Puis je cherche. Robert culturel, TLFILittré... même Google, employé avec circonspection et doigté, ne me donne pas d'indication.

Régionalisme ?

Coquille ?

Je lance donc un appel, ainsi qu'une bouteille à la mer.

dimanche, 15 décembre 2013

Claude Mauriac, l'approvisionnement

Hier, donc, sont arrivés deux volumes en français : Toutes les femmes sont fatales (édition originale, pages non coupées (ce qui est l'occasion de découvrir que les livres publiés par Albin Michel dans les années cinquante ressemblaient beaucoup aux Corti des années 1990)) et le troisième tome du Temps immobile, édition originale aussi mais ouvrage plus abîmé.

Par ailleurs, j'ai eu confirmation, par l'excellent Patrick Chartrain, que le dernier tome de la tétralogie romanesque, L'agrandissement, n'avait jamais été traduit en anglais (en tout cas, pas de traduction publiée). Dès que je mettrai la main sur les éditions anglaises du premier tome, je saurai s'il y a bel et bien deux traductions distinctes, ce qui ferait une étrange symétrie : 2 - 1 - 1 - 0.

mercredi, 11 décembre 2013

À la recherche du Dialogue intérieur

Chercher à se procurer des ouvrages de Claude Mauriac par les sites marchands est une expérience troublante. Tel de ses livres, pourtant dûment répertorié suite à une requête “Claude Mauriac”, est attribué à André Gide ; tel autre porte la mention “1er janvier 1500” comme date de publication (cela aurait plu à l'auteur du Temps immobile, je pense).

 

Chercher, pour corser le tout, à se procurer les traductions anglaises des romans du Dialogue intérieur, c'est véritablement la quadrature du cercle. Par exemple, je n'ai toujours pas réussi à savoir si le quatrième tome, L'agrandissement était tout bonnement le seul à n'avoir jamais été traduit, ou si c'était difficilement dénichable (moi, j'ai provisoirement renoncé, en tout cas). De même, il existe, apparemment, deux traductions différentes de Toutes les femmes sont fatales, sauf que je subodore que les deux titres distincts correspondent à une seule et même traduction, commercialisée sous un titre au Royaume-Uni, et sous un autre aux Etats-Unis... Le doute demeure toutefois, car l’une semble être de Richard Howard, et l’autre d’un certain H. Wolff… L’enquête continue.

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lundi, 09 décembre 2013

Rue de Buci

Entre autres ouvrages — mais j'ai du mal à assurer un train assez conséquent en ce moment — je fais mes délices d'un roman de Claude Mauriac, La marquise sortit à cinq heures, le troisième d'une tétralogie intitulée Le Dialogue intérieur. J'ai lu, il y a bientôt (ou plus de ?) vingt ans deux tomes du journal de Claude Mauriac ; il fait, depuis lors, partie de ces écrivains dont je ne cesse de me dire qu'il faudrait que j'y revienne.

Le roman est un collage de paragraphes qui correspondent à des bribes de monologue intérieur émanant d'une quinzaine de personnages, dont le point commun est qu'ils se trouvent tous aux alentours du carrefour de Buci entre cinq et sept heures, un soir d'été. Dans le principe, le texte est très proche d'expérimentations du Nouveau Roman, lorgnant surtout du côté de Butor, mais pas si éloigné que cela, non plus du Perec topographe. L'organisation métonymique en cycles de romans penche du côté d'un autre Claude, que j'aime beaucoup, Claude Ollier.

Dans la forme des discours, l'influence du modernisme anglais (Woolf, sans doute, mais plus encore Ford Madox Ford — Claude Mauriac a-t-il pu lire Ford Madox Ford ?) est très présente, peut-être aussi par le prisme de deux autres écrivains généralement estampillés Nouveau Roman, Nathalie Sarraute et Robert Pinget. [Je ne sais pas si une étude comparée entre la géographie polydiscursive de Mauriac ici et le territoire faulknérien imaginaire de Pinget a été tentée ; toujours est-il qu'elle est tentante. [Je signale beaucoup, dans ce qui précède, quels auteurs ou projets romanesques ce roman m'évoque. C'est un point de départ, évidemment.]]

Aucune étude n'ayant été consacrée à la traduction de l'œuvre de ce Mauriac-ci, je compte me procurer les trois autres volumes de la tétralogie susdite, mais aussi les traductions anglaises, autant que faire se peut, afin d'examiner certains points. J'ai déjà en ma possession l'édition anglaise, The Marquise Went Out at Five. Ce sont les points suivants qui me frappent particulièrement, à mi-chemin (et je les note ici, c'est aussi commode) :

    • structure du discours et intertextualité avec le modernisme anglais
    • parler populaire / traduction des phrases fautives
    • le citationnel
    • les amplifications du rythme ternaire (cf l'incipit par exemple)

 

La raison pour laquelle je me résous à poster ces bribes d'un début de chantier ce soir, c'est en raison d'une double coïncidence. ╩╦ Mon épouse a acheté aujourd'hui un album des BB Brunes dont la sixième chanson s'appelle “Rue de Buci” ; elle a attiré mon attention sur le poème de Prévert, que j'avais oublié, pour le dire pudiquement, “La rue de Buci maintenant”, que j'ai donc lu et qui doit relever, versant Mauriac, d'une intertextualité délibérée.