samedi, 07 novembre 2015
Sans regret de la calemande
Comme souvent, lorsque je me prends à contempler ma vieille robe de chambre, à repenser aux circonstances dans lesquelles j'en reçus le présent – elle était neuve alors, j'avais quinze ans – je reprends le texte de Diderot, peut-être un de ses plus forts, à coup sûr son plus émouvant, et que ma professeure de français d'hypokhâgne (dont le sens de l'enseignement m'échappait à peu près) m'a fait découvrir, les Regrets sur ma vieille robe de chambre, texte inépuisable, dont on ne peut se lasser, d'où j'extrais ce soir cette phrase magnifique, parmi tant d'autres magnifiques :
Où est mon ancien, mon humble, mon commode lambeau de calemande ?
Décidément, les mots nous portent aux objets.
Je voulais seulement pondre, vite fait mal fait, une notule afin de tenir ma promesse pour novembre. (Aujourd'hui, sans avancer dans mon travail, j'ai été occupé à diverses utilités sociales (conseil d'école élémentaire...) et sottises chronophages (feuilles de néflier, luminaire à changer sans s'électrocuter, panne d'internet à régler, puis bibliothèque à reclasser).)
Donc, voici, la promesse sera tenue. En songeant aux minces trous et longs aplats élimés de ma vieillerie, et en envisageant que je pourrais en tirer ici quelque copie, cela m'a rappelé qu'hier j'ai remis une paire de chaussures neuves qui m'avait meurti atrocement les pieds quelques jours avant les congés de Toussaint, et qui, jeudi comme aujourd'hui, et surtout comme hier, m'a accompagné sans nul sévice, sans torture, sans brûlure, sans ampoule ni bleu. Hier midi, partant déjeuner, ce que je pensais pouvoir dire de cela se rattachait là encore à une autre œuvre, pour moi mythique aussi, Chaussure de Nathalie Quintane – je ne l'ai pas encore dit, mais au moment où je lus Chaussure je mettais la dernière main à un manuscrit dans lequel il était pas mal question de marches forcées, de promenades, de godasses. (Plus tard aussi, chez Roubaud comme chez Walser, m'a fasciné ce même thème si plat et si profond à la fois : comment on se promène, et par quels outils.)
Tout ça pour finir par extraire une phrase de Diderot pour noircir un peu ces carnets, et constater qu'y figure un mot, calemande, dont je ne pense pas, feignant que je suis, jamais avoir vérifié le sens ni l'usage dans le dictionnaire, de sorte que, selon toute probabilité, il pourrait figurer à la rubrique des Mots sans lacune, où je le place illico, sans plus chercher... on fera cela demain, il reste à faire, la soirée s'élime.
22:37 Publié dans La Marquise marquée, Mots sans lacune | Lien permanent | Commentaires (0)
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