mercredi, 01 décembre 2010
Des confituriers figurés
Mercredi 1er décembre, six heures du matin.
Comme C., mais différemment d’elle, j’ai mon confiturier.
Le confiturier, dans notre maison, n’est pas un meuble servant à stocker les confitures, mais le dépositaire des lectures imminentes ou un peu moins qu’imminentes. La table de chevet de C., de son côté du lit conjugal, est un confiturier dans lequel il est possible d’entreposer, et même de ranger, une petite trentaine de livres. Par habitude, c’est là qu’elle garde les livres qu’elle veut lire dans un futur proche (ou moins proche. Ainsi, jetant un œil par hasard, il y a quelques jours, je me suis aperçu qu’au moins l’un des livres qui s’y trouve (trouvent ?) a été acheté il y a deux ans sans doute, ou à peine moins – or, je voulais le lire : il s’agit de La Symphonie du loup).
Et donc, j’ai moi aussi mon, et même mes confituriers… Il y a tout d’abord l’une des étagères du petit meuble qui sert de discothèque et de partition entre le salon et la salle à manger. Nommons-là Confiturier 2. (Le 1er, le vrai confiturier, celui qui sert de table de chevet à C., est d’évidence premier, et hors compétition.) Il y a aussi les deux petites étagères de ma propre table de chevet, une sorte de meuble d’angle en bois de pin, absolument pas fonctionnelle, mais passons… : nommons cela Confiturier 3. Plus subtil, il y a les micro-piles qui se trouvent sur (ou sous le plateau de) mon bureau. Confiturier 4, of course.
On l’aura compris, mes confituriers sont les lieux où j’entrepose les livres à venir (i), ou en cours de lecture (ii), mais aussi les livres déjà lus mais que je ne veux pas encore ranger dans la bibliothèque (iii), soit que j’en aie besoin pour mon travail (a), soit que je compte écrire une recension à leur sujet (b – ah, ah, j’en ris encore), soit par un scrupule indéfinissable (c). Certains de ces ouvrages sont des emprunts à la Bibliothèque Universitaire ; dans la mesure où j’ai toujours aimé les livres de bibliothèque (à condition qu’ils ne soient pas de poche, et soient dans un bon état) et dispose de conditions d’emprunt assez idéales (20 ouvrages pour 3 mois), il y en a toujours en transit.
Avant de tenter de dresser ici la liste des livres qui se trouvent dans chacun de ces confituriers au sens figuré, je veux dire, à titre d’exemple significatif, que j’ai reçu hier, par la Poste, Summertime, le troisième volet de l’autobiographie de J.M. Coetzee, et que, voulant le lire immédiatement (en dépit des déjà x ouvrages en cours de lecture) je l’ai emporté directement au lit à l’heure du coucher, sans passer par la case confiturier (et sans toucher mes vingt mille balles, il va sans dire). Il est indispensable que j’en commençasse la lecture au plus vite, car C. a commencé à le lire en traduction, et, dans ces cas-là, j’aime bien : i) pouvoir discuter avec elle d’un même livre lu à peu près simultanément ii) ne pas risquer d’être découragé par elle de l’envie de lire un livre (ce qui s’est produit naguère avec Choir d’Eric Chevillard).
Confiturier 2.
- Demeures de l’esprit VI (France III) de Renaud Camus - i
- Collected Poems de John Ashbery (American Library) - ii
- La convocation de Herta Müller - i
- Anglomania - i
- Nils Holgersson de Selma Lägerlof (dans la traduction exhaustive Actes Sud) - iii, c
- Amor & Furor de Günter Brus - iii, b
- L’Histoire des vers qui filent la Soye de Béroalde de Verville - ii
- Le renard était déjà le chasseur de Herta Müller - iii
- Le fil des missangas de Mia Couto - iii, b
- Homesickness de Murray Bail - i
- Steam Pigs de Melissa Lucashenko - i
- Récits 1971-1982 de Thomas Bernhard - i
- Le Secret de Caspar Jacobi d’Alberto Ongaro - i
- The Hours de Michael Cunningham - iii, a
- Der Spaziergang de Robert Walser - i
- Au nord par une montagne, au sud par un lac, à l’ouest par des chemins, à l’est par un cours d’eau de Laszlo Krasznahorkai - i
- Voyage au pays des Ze-Ka de Julius Margolin - i
- Les Inachevés de Reinhard Jirgl - i
- Renégat, roman du temps nerveux de Reinhard Jirgl - i
- Et si les œuvres changeaient d’auteur ? de Pierre Bayard - ii
- Paysage et portrait en pied-de-poule de Thierry Beinstingel - iii, b
- Les sept fous de Roberto Arlt - iii, b
- Sämtliche Werke de Franz Kafka - i (ii)
Il est trop tôt dans la journée pour aller farfouiller dans la bibliothèque ou la chambre à coucher et dresser la liste des ouvrages se situant dans les confituriers 3 et 4.
08:08 Publié dans Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (3)
Commentaires
Autoportrait en creux où il apparaît que :
1. C néglige la cuisine des confitures au profit de la lecture
2. C achète des livres qu'elle ne lit pas ou pire, qu'elle est d'une excessive lenteur de déchiffrage, doigt sous la ligne et langue pendante.
3. Que C est une rabat-joie de première qui décourage les autres de la lecture de certains livres.
Réaction à chaud :
C s'insurge et va de ce pas faire des confitures car il est grand temps de changer les habitudes de cette maison.
Écrit par : cété | mercredi, 01 décembre 2010
Que C. est bougrement susceptible, oui, surtout...
(Sur le point 3, qui est le seul appelant réponse : il arrive qu'en me parlant d'un livre que tu es en train de lire et que tu aimes tu me donnes envie de ne plus le lire. Donc, par excès d'enthousiasme ? pas rabat-joie du tout, alors...)
Écrit par : G | jeudi, 02 décembre 2010
"il arrive qu'en me parlant d'un livre que tu es en train de lire et que tu aimes tu me donnes envie de ne plus le lire". si ce n'est pas avoir l'esprit de contradiction, ça !
Écrit par : cété | samedi, 04 décembre 2010
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