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jeudi, 21 juillet 2005

De Bombard à Bernhard, en passant par Rimbaud

D’Alain Bombard, mort mardi, j’apprends qu’il vivait retiré, depuis plusieurs années, dans sa demeure de Bandol. Outre le vin, ce que suggère ce toponyme, c’est la bandoline de Mes petites amoureuses:

« J’ai dégueulé ta bandoline,
Noir laideron ;
Tu couperais ma mandoline
Au fil du front. »

La mort, à quatre-vingts ans, du « naufragé volontaire » de 1952, me rappelle des souvenirs d’enfance, et l’admiration mêlée d’agacement de mon père, crois-je, pour ce précurseur des défenseurs de l’environnement. Elle suscite en moi, également mais sans rapport avec l’histoire personnelle d’Alain Bombard, le souvenir d’une lecture qui m’a marqué, l’un des nombreux romans lus de Thomas Bernhard, Der Untergeher, peut-être parce que C., en défaut de lecture chez mes parents, a choisi la traduction française de Zerstörung, récit que je n’ai jamais lu, mais que m’avait envoyé, dans la collection “L’Imaginaire”, l’attachée de presse des éditions Gallimard, Hélène de Saint-Hippolyte, en 1990, suite à notre discussion relative aux démons littéraires de Hervé Guibert.

Ainsi, le premier des textes de Bernhard que j’ai eus en ma possession n’a toujours pas été lu, même en allemand, alors que j’en ai défriché, parcouru, arpenté depuis des dizaines d’autres, comme j’aime extrêmement ce remarquable écrivain, dont les traductions rendent assez bien, d’ailleurs, tout compte fait, la voix et le rythme si singuliers. C’est C. qui lit maintenant Perturbation, et cela devrait suffire à m’inciter à acheter et lireZerstörung.

Je suis sans doute incorrigible de ne pouvoir, partant d’un événement précis (la disparition d’Alain Bombard), m’empêcher de le ramener à l’évocation de mes marottes littéraires, ici Arthur ou Thomas. C’est sans doute l’une des questions que pose incessamment l’œuvre de Thomas Bernhard: faut-il se corriger? que signifie la correction (pour le dire en trois langues : ‘Korrektur’, émendation, ‘correctness’) ?

Commentaires

Encore un écrivain en commun (je parle de Thomas Bernhard): sa suite autobiographique (l'origine, la cave...) me hante depuis que je l'ai lu (et cela fait longtemps)

Écrit par : Philippe[s] | jeudi, 21 juillet 2005

Ah, Guillaume, tu me plonges dans la perplexité. D'avord je n'ai pas compris le rapport entre Alain Bombard (qui pour moi, curieusement, est lié à des souvenirs d'enfance...) et Thomas Bernhard. J'ai relu ta note, mais il me semble que quelque part, la cheville m'a échappé.

Deuxio, la question "faut-il se corriger?" Dans quel sens faut-il l'entendre ? J'avoue que le terme d'émendation m'était totalement inconnu. (Mais après tout, moi, je ne suis pas universitaire...) J'ai donc convoqué le TLF qui ne m'a point fourni d'émendation, mais un verbe émender dans le sens de corriger un texte, l'amender en somme, ou l'émonder puisque cela veut dire aussi le retailler. Je ne parle pas allemand, mais le terme de correctness me semble évoquer plutôt quelque chose de l'ordre de la rectitude (est-ce que je me trompe ?) Alors... alors j'erre dans l'incertitude, dont tu pourras peut-être me tirer.

En fait j'avais d'abord imaginé - instantanément, avant de plonger dans le doute - que ce "faut-il se corriger?" s'appliquait à l'écriture, et portait sur la tentation de réviser des textes anciennement écrits et dont on s'est éloignés...

Pardon de cette longue divagation. A bientôt.

Écrit par : fuligineuse | jeudi, 21 juillet 2005

Merci à tous les deux de vos commentaires si éclairants. c'est un honneur d'avoir des lecteurs de votre niveau, de votre admirable acabit.

Pour toi, Fuligineuse, je suis confus d'avoir semé le trouble avec mon plurilinguisme mal contrôlé. Le lien entre Bombard et Bernhard s'est fait, dans mon esprit ou plutôt dans ma mémoire, autour du terme de "naufragé", qui a écumé la presse ces jours-ci relativement au premier, mais qui est aussi le titre de la traduction française de DER UNTERGEHER (Le Naufragé), remarquable récit autour du regret nostalgique empreint de jalousie entre deux musiciens et Glenn Gould.

Le terme de "correctness" est anglais, et je pensais en effet à la "political correctness", que je serais tenté de traduire par "bien-pensance". Toutefois, on peut l'étendre à l'esthétique: s'il est nécessaire de se corriger pour écrire le texte le mieux écrit, je doute qu'il faille s'auto-censurer. Dit comme ça, cela me semble bien plat, mais je manque de temps (ou d'envie?) pour en écrire plus ce matin.

Écrit par : Guillaume | vendredi, 22 juillet 2005

"Le naufragé" est effectivement remarquable, mais est plus représentatif des obsessions de ThB qu'un portrait fidèle de Glenn Gould (et très loin de la bonhommie d'Alain Bombard)

Écrit par : Philippe[s] | vendredi, 22 juillet 2005

Correction, en français, c'est aussi la bien-séance, les bonnes manières, le premier pas ou la moitié du chemin vers l'élégance.

Ainsi donc vous êtes faciné par un auteur qui s'interroge sur la correction? That figures...

Écrit par : VS | vendredi, 22 juillet 2005

Waw, excellent travail, grand merci à vous de partager cette astuce, et notez dans un 1er temps que je suis d'accord ! J'insiste, votre billet est vraiment excellent, j'ajoute de ce pas votre blog à mes favoris... PS : Habituellement je ne commente jamais les blogs, même si leur contenu est excellent, mais là le vôtre méritait vraiment mes félicitations !

Écrit par : Vincave | mardi, 20 avril 2010

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