Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

vendredi, 20 juin 2025

20062025

Nicolas, le libraire de l’excellente librairie Les Temps sauvages, m’a montré une phrase extraite de la traduction de Mila 18 de Leon Uris aux Belles Lettres, et dans laquelle il est question d’une « insurrection-bébé ».

Cette expression n’a aucun sens, et ne se situe pas non plus dans le contexte d’une écriture expérimentale (à la Stein) ou délirante / rigolote (à la Sharpe). Nicolas a retrouvé la phrase originale : “Today we administered to the Germans their most humiliating defeat of our infant rebellion.” Il va donc de soi qu’il aurait fallu traduire par « révolte naissante » ou « début de rébellion » si vraiment on veut recatégoriser à tout-va.

Il s’agit de la traduction de Jean Nioux, d’abord parue chez Robert Laffont en 1962 et rééditée (telle quelle, il faut croire) aux Belles Lettres. Cela montre tout d’abord qu’on pouvait tout à fait traduire n’importe comment et publier n’importe quoi longtemps avant l’ère du « les jeunes ne connaissent plus le passé simple » et des IA génératives. Cela montre surtout que certains éditeurs se contentent d’envoyer des documents que personne n’a relus aux imprimeurs et d’encaisser le pognon. On sait que les Belles Lettres sont une maison fumeuse depuis un bon bout de temps ; en voici la confirmation.

 

Cela me rappelle que j’ai écrit il y a maintenant quatre semaines à la responsable de la littérature étrangère des éditions Denoël, et que je n’ai toujours pas eu de réponse, même pas un vague accusé de réception pour me dire qu'une réponse de fond suivra. Voici comment commençait (ou presque) mon mail, à propos de la traduction française de Paradise d’Abdulrazak Gurnah : « J’ai pris connaissance de la traduction d'Anne-Cécile Padoux, publiée en 1995, mais dans la version rééditée en décembre 2021. Il se trouve que cette traduction pose un certain nombre de problèmes, et j'aimerais, avant de peaufiner l'article de recherche que je vais consacrer à cette question, savoir si les erreurs constatées viennent de choix éditoriaux ou de la traductrice elle-même. »

Et je l’achevais ainsi, après une longue série d’exemples démontrant que tout un réseau métaphorique du roman de Gurnah était globalement effacé ou marginalisé dans la traduction française, et ce avant les formules rituelles :

« Comme vous le voyez (et j'ai d'autres exemples sur lesquels je suis en train de travailler), on peut assez aisément argumenter que le texte français de Paradis n'est pas conforme, au moins en partie, au texte du roman original en anglais. J'espère que vous pourrez m'aider dans mes recherches en m'apportant les éclaircissements nécessaires. »

 

Mon mail vise réellement à m’aider à comprendre, et à intégrer les informations dont dispose l’éditrice à mon travail de recherche. Bien entendu, je sous-entends fortement qu’un tel torchon ne devrait jamais avoir été réédité (mais la manne du Nobel excuse tout, n’est-ce pas), let alone published. Je l’ai sous-entendu, mais je ne l’ai pas écrit. Et dans l'article de recherche que j'écrirai à ce sujet, pas davantage.

En tout cas, je l'écris ici : si vous lisez Paradis aux éditions Denoël, vous lirez un rman, mais ce ne sera pas du tout le roman d'Abdulrazak Gurnah.

 

Écrire un commentaire