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mardi, 11 octobre 2016

L'homme au treuil

Au tout début de The Many, le roman de Wyl Menmuir dont je parlais ce week-end dans une vidéo, le personnage de Clem est d'abord décrit comme celui qui tient le câble du treuil (“holding the winch cable”), puis, dans un dédoublement de l'homme et de la fonction renforcé par une syntaxe qui cherche à marquer la rapidité d'exécution, comme — en calquant le fonctionnement de la langue anglaise — le treuilhomme : “By the time it has fallen into Clem's hands, the winchman has secured it to the cable in a fluid motion and is climbing up out of the water towards the machinery.”

La plupart des ressources lexicographiques, en ligne ou non, proposent ‘grutier’, ce qui serait faux ici, ‘treuilliste’, ‘opérateur treuil’ (qui a l'inconvénient majeur d'être trop technique, surtout avec l'effacement contemporain si agaçant de la préposition) ou ‘sauveteur’, sur lequel je ne me suis guère appesanti car il n'aurait aucun sens dans le contexte : en effet, il n'y a aucun danger, et Clem n'est pas, ne peut pas être un sauveteur. Même si ce dernier mot a un sens technique précis, il ne serait pas du tout identifié en tant que tel par un lecteur français : en anglais, ce terme de winchman dérive très évidemment de la première phrase (“holding the winch cable”).

Ainsi, seul treuilliste semblerait convenir, mais j'ai bien envie de traduire ce nom par homme au treuil. Cette traduction n'est attestée dans aucune ressource, et même la requête restreinte Google ne sert guère d'instance de légitimation. Ma raison principale en serait l'écho d'un roman de Thomas Hardy, The Return of the Native, dans lequel le nom du personnage central du reddleman a été traduit par « l'homme au rouge » (je me rappelle avoir demandé ça à C* quand elle lisait ce roman, il y a bien longtemps, dans sa traduction française).

De la nécessité d'un (faux) service après-vente

Tout en écoutant une belle conférence d'André Markowicz, je fais le point ici sur ma présence en ligne, et donc, surtout, sur mes blogs.

 

En effet, j'ai fini par créer il y a trois jours une sorte de répertoire, un métablog si on veut, que j'ai appelé, avec la lourdinguerie qui me caractérise, le Sévice Âpre-Vent des blogs de Guillaume Cingal.

Pourquoi ?

La raison principale en est qu'outre la reprise — après l'habituel sommeil estival — des deux principaux blogs, j'en ai créé trois autres depuis le début de septembre. Le primum mobile, ce fut suite à la sollicitation amicale de Patrick et Valérie, dans le cadre d'un projet de publication quotidienne d'une seule photographie : comme je n'avais pas alors d'autre moyen de prendre des photos que mon immonde smartphone, j'ai baptisé cette chose, par défi, 365 photographies pourries. Puis, plus récemment, j'ai créé son envers, un album de photographies de meilleure qualité (technique au moins) mais vieilles d'un an, de deux ans, de trois ans...

Toujours en septembre, il y a un mois très exactement, je me suis lancé un autre défi, un recueil d'élégies. La septième vient d'être écrite et publiée — autant dire que je suis très loin de l'objectif de 2 à 3 élégies par semaine...

Pour toutes ces raisons (mais aussi parce que je publie des traductions improvisées sous forme vidéo et de faux aphorismes anglais), il fallait tenter d'y voir clair, d'où l'idée du S.A.-V.

Maintenant, on va voir où tout cela nous mène.

 

La référence à Markowicz, l'a-t-on vu, n'était pas totalement incidente.

 

▓ tetchily ▓

La deuxième — ou troisième ? — phrase de Knots constitue la première description de Cambara, un des personnages de femmes les plus forts, les plus subtils et les plus méconnus de Nuruddin Farah. (D'ailleurs, les derniers romans sont globalement peu étudiés.)

 

“Blame?” Cambara asks tetchily, as she goes ahead of him taking the lead, although she has no idea where to go.

(Knots, Riverhead, 2007, p. 1)

 

Cette phrase ne sert pas seulement à donner un premier aperçu du personnage : une femme qui agit avec détermination, même dans l'incertitude, et qui refuse de se laisser dicter sa conduite. Il s'agit aussi de mettre en place, au sein du texte, c'est-à-dire au sein même de la syntaxe ternaire (proposition principale brève/abrupte, suivie de deux subordonnées enchâssées), le motif de l'inversion des valeurs entre ceux qui guident et ceux qui doivent suivre. Dans une Mogadiscio autant ravagée par les années de guerre civile qu'envahie par les codes nouveaux du fondamentalisme musulman, une femme doit suivre quelques pas derrière l'homme, qu'il s'agisse ou non de son époux.

Davantage encore que l'adverbe tetchily, qui marque la hargne ou la susceptibilité, l'énergie que met Cambara à prendre la tête est signe du refus de se soumettre. Le roman dans son entier, si je m'en souviens bien (je ne l'ai pas relu depuis sa sortie en 2007), tourne autour de cette question de la valeur des codes.