vendredi, 12 septembre 2025
12092025
Réveillé cette nuit, en sueur et angoissé, à 3 h 30, après cinq petites heures de sommeil ; recouché au petit salon, infoutu de me rendormir, j’ai alterné entre deux livres dont j’achève la lecture et des parties de Koï-Koï en ligne. Quand je me réveille à cinq heures, ce qui arrive assez fréquemment, je suis en général frais comme un gardon, et je dis parfois que c’est la meilleure heure pour du travail efficace. Là, c’était trop tôt et je ne me serais pas vu m’asseoir face à l’ordinateur au cœur de la nuit, tout de même. Je crains maintenant de passer une journée tout à fait poussive pour le travail ; on verra bien.
Hier soir, il y avait une rencontre, à la librairie Les Temps Sauvages, avec l’anthropologue Benoît Trépied, auteur d’un essai que j’ai fini de lire la semaine dernière, Décoloniser la Kanaky-Nouvelle-Calédonie, et qui lui a été dicté par l’actualité particulièrement brûlante de l’année 2024 du côté de Nouméa… et de l’Hexagone ; comme il en a achevé l’écriture en février dernier, il avait bien des choses à ajouter en raison du rôle particulièrement ambivalent – ou à double détente – joué par Manuel Valls au cours de son mandat – interrompu peut-être par la chute du gouvernement Bayrou – de ministre des Outre-mer. La rencontre était passionnante, et, de façon exceptionnelle peut-être, parce que l’auteur a tenu le crachoir seul pendant plus d’une heure ; comme il parle très bien, qu’il maîtrise extrêmement bien les différentes subtilités et détours de son sujet, le temps des questions a permis seulement – et de façon parfaite – de préciser des points, d’offrir des prolongements, et aussi de donner la parole à deux personnes issues de Kanaky, l’une – un jeune homme que connaissait l’auteur, vu qu’il l’a appelé par son prénom – appartenant au Palika, et l’autre – une dame très émue quand elle a évoqué les morts liées à la répression policière – du FLNKS (si j’ai bien compris).
Ce qui était très bien, aussi, c’est que la rencontre n’a en rien doublonné le livre. Nicolas, le libraire, qui fait un travail épatant – et je ne dis pas cela seulement car je sais qu’il me lit en loucedé –, a peut-être paru un peu frustré lors de sa dernière prise de parole, sans doute car il avait préparé des questions sur certains des points qu’il a cités, mais pour ma part j’ai trouvé cela plus intéressant qu’une rencontre dans laquelle l’auteur·ice expose le plan de son essai et ses conclusions : en un sens, c’est très intéressant, mais, dans ce cas, à quoi bon acheter le livre ? même si le temps de la lecture n’est pas le même que celui de la conférence-débat, un essai, contrairement à un texte plus littéraire (roman, poésie), peut faire l’objet d’un exposé qui se substitue à lui. J’avais eu ce sentiment lors de deux précédentes rencontres à la librairie, dont celle avec ma collègue Delphine Corteel, autour de son livre Faire avec les déchets : n’ayant pas lu le livre avant la rencontre, j’ai eu l’impression – peut-être erronée, mais au point de ne pas l’acheter, du coup – que c’était comme si je l’avais lu.
Benoît Trépied est revenu sur le rôle fondamental de Sébastien Lecornu, en 2020-21, dans la reprise en main autoritaire, centralisée et néo-coloniale de l’État dans le dossier, mettant fin, de facto, à trente ans de neutralité étatique dans le processus de décolonisation. Ce qui m’a intéressé, bien sûr, ce sont les analogies que j’entrevois – ou que Benoît Trépied a lui-même explicitées, comme pour l’Australie et la Tasmanie – entre le colonialisme en Kanaky et la colonialité comme pratique et comme expérience dans d’autres territoires ; le loyalisme exacerbé des Sonia Backès et Nicolas Metzdorf fonctionne exactement comme le suprémacisme afrikaner des années 1960-1980, d’autant qu’il a bien été rappelé que Jacques Lafleur, soucieux sans doute de redorer son blason pour la postérité, avait tempéré ses positions à la fin des années 1980 (au même moment que De Klerk). Ces analogies ne fonctionnent qu’imparfaitement : la structure de colonialité se retrouve avec des mécanismes identiques et intangibles, mais les situations historiques et territoriales sont toujours très spécifiques. Par ailleurs, Benoît Trépied a bien insisté sur le fait que, dans les territoires du nord notamment, les caldoches et tous les non-Kanaks ont bien compris que, conformément à l’esprit des accords de Nouméa puis de Matignon, la construction d’une société pacifiée ne se ferait pas sans mettre le peuple kanak au centre ; il explique ainsi, d’ailleurs, la progression du oui à l’indépendance dans les référendums, et le mouvement inverse consistant, de la part des loyalistes, à vouloir recommencer le processus d’installation de métropolitains pour minoriser autant que possible la part d’habitants autochtones de l’île. Sur les récentes manigances colonialistes, il a publié une tribune dans Le Monde, que je partage ci-contre.
En marge de la rencontre, j’ai pu échanger quelques mots avec S*, qui savait que je n’avais pas réadheré au parti (Les Ecologistes) et à qui j’ai bien dit que j’étais partagé, et que je restais sympathisant. Il m’a brièvement raconté la première réunion, pas tout à fait publique mais dont j’avais eu vent via les canaux partisans justement, de préparation des élections municipales.
08:03 Publié dans 2025 | Lien permanent | Commentaires (0)
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