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dimanche, 10 juillet 2005

Exposition Chine de Yann Layma (Boulevard Heurteloup)

Avant-hier, nous avons pris le temps, avec Irène et Arbor (anciennement D-el, voir explication ci-avant), de flâner le long du boulevard Heurteloup, avec A., en pleine forme, qui courait en tous sens. Il s’y tient, entre la place Jean-Jaurès et la gare, une exposition de 108 photographies très grand format d’un certain Yann Layma, consacrées à la Chine et prises au fil d’une vingtaine d’années. Il est possible de se faire une petite idée du travail du photographe en consultant son site officiel.

Plusieurs de ces images sont très belles, mais l’ensemble ne m’a pas emballé. Je crains que la raison n’en soit que, si judicieuse soit l’idée de ne pas attendre que le public aille à l’art et, par conséquent, de le lui jeter en pleine face, dans un des lieux les plus passants de Tours, la densité du trafic et de la pollution tant sonore qu’olfactive sur ce paseo tourangeau n’empêche d’apprécier pleinement une exposition qui requiert ou doit instiller, par ailleurs, une grande sérénité. Quel paradoxe de devoir contempler ces grands aplats de couleur, ces vues sobres souvent, ces portraits empreints de plénitude, entre deux allées de poids lourds et de voitures, que les arbres maigrelets ne suffisent pas à abstraire, et même auprès de piétons empressés, affairés, indifférents aux quadrilatères chinois, comme si ces photographies n’étaient pas là, ou parce que ces personnes ont, naturellement, mieux à faire, ou, qui sait, parce qu’elles se sont déjà attardées à regarder les photographies (mais mon naturel pessimiste m’incite à douter de cette dernière hypothèse).

J’aimerais recevoir l’avis sincère des Tourangeaux ou autres hôtes de ces parages, de passage, qui ont vu cette exposition, ou d’autres avant elle sur le boulevard Heurteloup, et savoir si ce lieu se prête réellement à de tels événements, si c’est moi qui ai la berlue, qui suis un grognon impénitent ou un prince au petit pois incapable de se concentrer dans la jungle des villes.

En écoute : « 70073 ½ » (album Le Cercle de Camel Zekri, 2004)

16:00 Publié dans BoozArtz | Lien permanent | Commentaires (0)

"Le Cercle" de Camel Zekri

Camel Zekri. Le Cercle. Tarbes : La Nuit transfigurée, 2004 (LNT 340122)

Ce n’est pas du « jazz », probablement, et sans doute serait-il préférable de parler de musiques contemporaines improvisées. Je ne suis pas certain d’être très convaincu par ce disque, même si je suis sensible à sa démarche, oui, à la façon de cheminer, péripatétiquement, sur les fils ténus du cercle, en funambule. Plusieurs morceaux «de transition» me paraissent tout à fait superflus. La présence de Daunik Lazro, que j’ai entendu à Tours en février dernier (ou était-ce début mars ?) dans deux formations très différentes, se fait lourdement sentir, tant dans la force et l’énergie qu’il donne, de son souffle même, que par la pesanteur, parfois, de son avant-gardisme à tout crin.

Avant-hier, Irène (anciennement ici V-ue, mais dont je change le pseudonyme tant pour le rendre prononçable aux internautes qu’afin de donner un équivalent sémantique hellénistique à son patronyme breton), qui nous recevait à déjeuner chez elle, a laissé supposer que je n’aimais pas la chanson, car les amateurs de jazz, en général, sont primordialement «branchés» ou «braqués» sur le jazz (my words, not hers). Les nombreuses références à des disques de jazz, depuis l’ouverture de ce blog, ainsi que ma participation à la communauté JAZZ de l’hébergeur, ont dû la guider sur cette fausse piste. Parmi les projets que je caresse, afin de donner à ce carnétoile un tour plus systématique, j’aimerais choisir chaque jour un disque que j’aime sur mes rayonnages et en donner un petit commentaire, afin de donner, éventuellement, l’envie aux internautes de se le procurer, by means foul or fair.

Je ne suis pas sûr d’avoir, jusqu’ici, donné envie à grand monde d’acheter Le Cercle. La musique y mêle rythmes divers (d’inspiration nord-africaine autant qu’avant-gardiste “occidentale”), riffs déments et lancinants de guitare et électroniques, chants mélopées ponctuant de leurs loops les circonvolutions sonores qui les combattent plus qu’elles ne les accompagnent.

Le plus curieux, peut-être, ou le plus furieux, est que les textes d’accompagnement sont, d’un certain point de vue, plus intéressants que la musique proposée, ce qui est gênant, tout de même : à quoi bon se réclamer des incontournables Deleuze et Guattari et circonscrire ainsi, par voie de conséquence, l’écoute ? La référence à Guillevic me gêne moins, car, en premier lieu, c’est un poète, et la rencontre du poète et du musicien est moins artificielle que la relation du compositeur à «la philosophie». De plus, j’aime beaucoup Guillevic, et, l’avouerai-je, c’est la présence du nom sur la quatrième de couverture du disque (c’est un livret, donc j’imagine que l’on peut employer cette terminologie) qui m’a incité à l’achat.

Je ressors de l’écoute de ce disque (troisième écoute, en ce moment même, une semaine après l’achat) sans grande envie de me procurer d’autres enregistrements des musiciens qui forment ce cercle, mais avec le désir de me replonger dans la lecture de Guillevic, ou d’en savoir plus sur cet Ayari Mondher, dont un extrait de l’ouvrage L’écoute des musiques arabes improvisées sert de note introductive, ou surtout sur le traité, qu’il cite, de Safiyyu d-Din ; les extraits de al-Sarafiyyah qui sont ici timidement, parcimonieusement proposés, m’ont rappelé mes chères années d’études, et les nombreuses lectures de textes soufis et d’essais sur le soufisme.

Ce qui me fait penser, pour passer du coq à l’âne et de bouc en brebis, que je n’ai toujours pas écrit, en une note, ce que je fais vraiment dans la vie (ce à la demande de Marione, mais aussi des milliers de “fans” qui se pressent aux grilles de ce blog comme, à minuit, dans les officines spécialisées de la décérébration, les adeptes qui, depuis des semaines, attendent la minute précise de la parution du dernier Harry Potter).

Je m’y attelle, et signale, en conclusion sans queue ni tête, à Jacques, que j’ai délibérément employé deux types de guillemets dans cette note. Si le cercle est vicieux, la boucle est bouclée…

Ou plutôt, non. Il est par trop injuste d’achever cette note sans écrire ici, autant à titre d’aide-mémoire personnel que pour atténuer quelques phrases trop rudes envers ce Cercle, que les trois plages intitulées “Partout dense”, “Ombre inverse” et “7073 1/2” sont remarquables, vraiment belles et stupéfiamment telles, qu’elles méritent à elles seules que l’on reprenne ce disque encore et encore.

Repos dominical?

J’ai délaissé* ce carnet de toile durant deux jours pleins, au profit d’activités professionnelles plus intenses encore, et notamment deux soirées passées fort tard sur mon ordinateur, à élaborer le livret de l’étudiant de 3ème année, c’est-à-dire à mettre en forme des paragraphes, retrouver les descriptifs de cours dans ma boîte de réception et les copier-coller dans le document Word, devenir fou presque à chaque coup en raison des incompatibilités des polices, des feuilles de style, des espacements, sans compter qu’il a fallu inventer une manière pas trop chaotique de présenter les différents choix, tant dans les U.E. propres à la licence classique qu’aux options Civilisation & Communication ou Français Langue Etrangère qu’à l’intérieur des U.E., où, quand le cours magistral est imposé et commun à tous, les travaux dirigés, eux, portent sur des contenus différents, mais sont au choix. Aaaaaaaaaaah casse-tête chinois…

Heureusement que j’avais prévu le coup en publiant d’avance plusieurs notes relatives à la Touraine ou des citations qui me sont chères.

Ou plutôt : ce n’est pas cela que j’avais prévu, puisque je devais être en voyage hier et aujourd’hui, ce qui expliquait la prévision de notes publiées in absentia. Nous avons retardé notre départ, et c’est, du coup, un surcroît de travail qui m’a tenu éloigné de ces bordures ; tout est à recommencer pour la durée du transbordement, demain et après-demain.

……………….

* Par coquille ou faute de frappe, j’avais écrit, de prime abord, déliassé, ce qui, dans le cas de ce carnet sans feuilles, me plaît bien.

Cimetière juif de Marrakech (Elias Canetti)

Les cimetières, dans d’autres parties du monde, sont organisés pour assurer la bonne conscience des vivants. On y trouve beaucoup de vie, des plantes et des oiseaux, de sorte que le visiteur, seul vivant parmi tant de morts, se sent ragaillardi et fortifié. Il lit sur les pierres tombales les noms des gens auxquels il a survécu. Sans qu’il en convienne, cela lui fait un peu imaginer qu’il a vaincu chacun d’eux en combat singulier. Certes, il est attristé par tant de gens qui ne sont plus, mais en compensation, il se sent lui-même invincible. Où, ailleurs, pourrait-il se trouver dans une telle situation ? Sur quel champ de bataille du monde resterait-il l’unique survivant ? Il est là, debout, au milieu de tous les gisants. Cependant, les arbres et les pierres tombales aussi, sont debout. Plantés là ou dressés, ils l’entourent comme un héritage destiné à lui plaire. Mais dans ce cimetière des juifs, il n’y avait rien. C’est la vérité nue, un paysage lunaire de la mort. Au fond du cœur du spectateur, peu importe qui y repose. Il ne se penche pas pour essayer de le découvrir. Ils sont tous là comme des gravats et l’on aimerait filer rapidement comme un chacal. C’est le désert des morts où il ne pousse rien, le dernier, l’ultime désert

(Elias Canetti. Les Voix de Marrakech. (1967).

Traduit de l’allemand par François Ponthier. Paris : Albin Michel, 1980, pp. 64-5)