jeudi, 17 novembre 2005
Des crocodiles dans tes rêves : Tchekhov, Markowicz, Bouillon
Cette fois, nous n’avons pas bu le bouillon – pas tout à fait, en tout cas.
Je m’étais juré, depuis le ridicule Songe d’une nuit d’été et l’affreux Léonce et Lena, de ne plus aller voir de mise en scène de Gilles Bouillon. Mais la curiosité de découvrir la traduction de Markowicz en action fut plus forte, et, samedi soir, nous sommes allés voir Des crocodiles dans tes rêves, le spectacle composé de cinq pièces courtes de Tchekhov proposé par le C.D.R.T., au Nouvel Olympia, à Tours. Evidemment, Bouillon est un metteur en scène qui est incapable de faire entendre les moindres subtilités d’un texte dramatique, et, comme il ne semble pas non plus savoir choisir ni diriger les acteurs (son Léonce et Lena, l’an passé, était un cas d’école), le choix qui consiste à surjouer, entre le grotesque et la fanfare, est à peu près la seule option qu’il ait à sa disposition. Toutefois, dans le cas des pièces choisies, ce parti pris fonctionnait à merveille, à l’exception de La noce, qui traînait en longueur et manque de rythme. Sinon, L’Ours et La Demande en mariage, les deux premières, très outrées, marchent bien, en grande partie grâce au talent des acteurs.
Un collègue, mécontent, me disait qu’il s’agissait, à son avis, d’un contresens, car Tchekhov est tout intériorité, ce qui me semble inexact. Tchekhov est le dramaturge de l’intériorité qui éclate, de l’explosante-fixe, des tréfonds extravertis.
Aussi ce parti pris n’était-il pas, pour moi, choquant, d’autant que la deuxième partie du spectacle se concentrait sur deux pièces plus retenues, plus lentes. Je connaissais bien Sur la grand-route, car j’avais failli jouer un rôle dans cette pièce en 1995 ; le revirement final est un peu poussif, mais il n’était pas mal rendu par des acteurs qui savent trouver le ton juste. Le chant du cygne est une très jolie parabole sur le théâtre et la vie, qui offre à l’acteur le grand privilège de jouer plusieurs scènes classiques du répertoire shakespearien, un bonus s’il en est.
Dans l’ensemble, et même si l’on peut déplorer la longueur du spectacle (quatre heures), la construction en est intéressante, la scénographie plate mais au service du texte, le jeu souvent juste, et les scènes font leur effet sur le spectateur. Il se trouve que je suis en train de lire, toujours dans la traduction de Markowicz (mon compagnon du moment), Images du passé, la trilogie – méconnue en France, me semble-t-il – de Alexandre Soukhovo-Kobyline ; ces pièces sont assez proches de l’esprit des pièces courtes de Tchekhov que Gilles Bouillon a choisi de mettre en scène. Je baigne donc dans une Russie pétrie de folie financière, de dérives verbales, d’inquiétudes bureaucratiques.
07:13 Publié dans BoozArtz, Moments de Tours | Lien permanent | Commentaires (21)
Commentaires
le chant du cygne n'était pas joli il était sublime !
Un acteur tel que Monsieur Pierre Baillot mérite reconnaissance et admiration ...
ceci dit vous avez un avis très personnel sur les choix de gilles bouillon, que je ne partage pas bien évidemment
Écrit par : Brigitte | mercredi, 23 novembre 2005
M. Baillot est un bon acteur, cela ne fait aucun doute; permettez-moi d'être moins dithyrambique que vous.
Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi votre avis sur Gilles Bouillon serait "évident", et j'apprécierais assez d'en savoir plus: votre allusivité est bien hautaine...
Je fonde mon appréciation des "qualités" de Gilles Bouillon sur sa mise en scène du Songe d'une nuit d'été, qui était ridicule (à force de vouloir faire du "spectacle total", on se retrouve rapidement à singer Patrick Sébastien), et sur son Léonce et Lena, dont l'actrice principale était calamiteuse, et qui reposait aussi sur un total contresens sur cette pièce ignominieusement trahie. Les pièces courtes de Tchekhov le réhabilitent partiellement à mes yeux.
Écrit par : Guillaume Cingal | mercredi, 23 novembre 2005
Vos "jolis" mots m'amusent et vous me faites penser aux personnes qui, pendant les débats (du CDRT), posent des questions pleines de mots savants ,sans en écouter les réponses, dans le seul but de se faire valoir... Vous semblez ne voir que les points négatifs des spectacles mis en scène par Gilles Bouillon ...
Malgrès une actrice principale "pas extraordinaire" j'ai adoré Léonce et Lena pour son côté magique et une fois de plus pour le fantastique Pierre Baillot pour lequel j'ai beaucoup d'admiration.
Je trouve votre façon de juger Gilles Bouillon, et son travail, hautaine (au même titre sans doute que l'est mon allusivité)
Vous me rappeller une citation de Godard qui disait quelque chose comme : c'est facile de critiquer les autres quand soit même on ne fait rien ... (je pense que vous me rectifierai puisque ma mémoire est hélas sur ce point défaillante)
Écrit par : Brigitte | mercredi, 23 novembre 2005
Je trouve assez tordante votre manière de dire que je ne fais rien. Pan dans les dents, hein?
Cela donne la mesure de votre maîtrise de la langue et du sens des mots. Moi, j'écoute les réponses, et j'essaie même de les comprendre (vu vos fautes de grammaire, cela demande un certain effort).
Vous m'accusez de ne "rien faire", ce qui est plaisant, mais vous n'avez toujours pas dit grand chose de vous... ce que vous justifierez, je le suppose, en disant que c'est par modestie. Anonymat courageux...
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Pour ce qui est de l'emploi de grands mots savants, je vous trouve assez mal placée sur ce point-là, étant attendu que le metteur en scène que vous défendez se gargarise habituellement d'un jargon à la limite de l'incompréhensible (sans compter la grande modestie avec laquelle il se compare, dans le livret d'accompagnement du spectacle de Tchekhov, à Meyerbeer, rien moins!!!). MM. Bouillon et Pico feraient passer Derrida pour un gentil humoriste populaire, alors m'entendre dire que JE jargonne, c'est ubuesque!!!
Si j'emploie des mots savants, c'est pour donner mon avis sur ces mises en scène. Par ailleurs, si vous voulez absolument des termes courants, je préciserai en disant que l'actrice principale de Léonce et Lena n'est pas "pas extraordinaire": elle était NULLISSIME.
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Le plus rigolo dans tout cela, c'est que j'ai écrit une note nettement favorable au spectacle, et que j'encourage (je persiste) tous mes lecteurs à aller voir cette mise en scène, qui va désormais tourner de par la France. Donc, j'écris une note positive sur un spectacle intéressant, et vous me houspillez parce que je n'adule pas Gilles Bouillon... Curieux...
Écrit par : Guillaume | mercredi, 23 novembre 2005
J'ajoute que je ne juge pas le travail de M. Bouillon de manière hautaine. Je le juge sur pièces (sans mauvais jeu de mots), c'est-à-dire en comparant ses mises en scène avec ce que je connais du théâtre, d'autres metteurs en scène, d'autres spectacles, des auteurs, des textes, etc. Ma critique (certes féroce) de son LEONCE & LENA n'est pas hautaine: c'est la réaction d'un spectateur scandalisé de tant de médiocrité dans le jeu, et d'erreurs aussi manifestes sur le sens de cette très belle pièce.
Écrit par : Guillaume | mercredi, 23 novembre 2005
Eh bien oui je fais des fautes de grammaire et même d'orthographe car moi non plus je ne fais rien !
Je ne vous reproche pas de ne pas aduler Gilles Bouillon (que je n'ai jamais entendu récité le dictionnaire ...et que je n'adule pas non plus)
Mon commentaire est en fait du au choc que j'ai eu en lisant les toutes premières phrases de votre article il est vrai que par la suite votre vision s'avère un peu plus positive...
"Cette fois, nous n’avons pas bu le bouillon – pas tout à fait, en tout cas." pour moi cette phrase révéle un avis assez partagé
Mais ne nous querellons pas pour des histoires de "goûts" car nous avons tous des avis différents et pas qu'en matière de théâtre ...fort heureusement
Écrit par : brigitte | mercredi, 23 novembre 2005
J'ajouterai, sans vouloir que personne n'ait l'impression que je prend bêtement la défense de Guillaume, deux petites choses. Un. Employer des termes extraordinaires n'est pas (qu')une preuve d'érudition, et si aussi peu de gens que vous le dites, Brigitte, les employaient, il y a bien longtemps qu'ils auraient disparu ! Ces mots servent à être précis dans son discours. Deux. Je ne vois pas en quoi Guillaume ne fait rien ! Il est le bloggueur le plus productif (non le mot est industriel, je précise avec un jargonneux ? non j'en ai pas !), le plus prolifique que je connaisse ! Il touche à la poésie, aux romans, il prend position quotidiennement à travers ses notes, publie des photos ... il n'est qu'à deux doigts d'écrire du théâtre (!), ou de faire de la mise en scène !
A propos de la pièce j'aimerai bien y assister ! Marion fait actuellement son stage au nouvel Olympia (c'est bien le nom de ce théâtre ?) et l'a vue hier soir ; j'aimerai bien qu'elle trouve des places gratoss quelque part !!
Écrit par : Simon | mercredi, 23 novembre 2005
Les représentations sont finies à Tours, je crois. Non?
Sache, Simon, que j'ai joué et fait de la mise en scène. Merci de prendre si peu objectivement ma défense :-)
Donc, DES CROCODILES DANS TES REVES est un spectacle qui mérite d'être vu, et qui, m'a-t-on dit, a même évolué ces derniers jours: "La noce" a été resserrée ou raccourcie, donc même le metteur en scène avait dû se rendre compte de quelque chose.
Écrit par : Guillaume | mercredi, 23 novembre 2005
AUTANT (au temps) POUR MOI: le spectacle se joue au Nouvel Olympia jusqu'au 26 novembre!
Ce n'est donc pas trop tard pour les Tourangeaux!!!
Écrit par : Guillaume | mercredi, 23 novembre 2005
l'emploie de "ne fait rien " était certes un peu hyperbolique (histoire de débaler un peu ma science !)
(outre cela, juste pour narguer "simon-qui-veut-des-places-gratos": moi je les vois gratuitement les spectacles du CDRT !)
Écrit par : Brigitte | mercredi, 23 novembre 2005
"Moi je les vois gratuitement les spectacles du CDRT...": c'était donc ça...
Écrit par : Guillaume | mercredi, 23 novembre 2005
Je suis en stage en ce moment là bas, donc la piéce, je l'ai vu et revu..
Je pense trés sincérement en effet que le succes de la piéce dépend énormément du merveilleux jeu des acteurs. J'aime les piéces où l'on rigole, alors forcement, là, je ne me suis pas tordu de rire lors de ces scénes pour la plupart trés sombres.
Enfin, j'ai encore l'occasion de le revoir, au moins jusqu'à Vendredi..
Écrit par : Marione | mercredi, 23 novembre 2005
Cela dit, les deux premières pièces sont extrêmement drôles. Ensuite, c'est plus grinçant et même très noir.
Écrit par : Guillaume | mercredi, 23 novembre 2005
possible ...
Écrit par : Brigitte | jeudi, 24 novembre 2005
est il possible s'il vous plaît de supprimer mes commentaires ?
merci...
Écrit par : Brigitte | dimanche, 27 novembre 2005
Madame,
je n'ai pas pour habitude de supprimer les commentaires, d'autant moins lorsque des commentaires d'autres auteurs sont des réponses. L'ensemble de la conversation me semble très intéressant, mais, si vous m'exposez vos raisons un peu moins lapidairement et plus courtoisement, je ferai mon possible.
Bien à vous,
Écrit par : Guillaume Cingal | dimanche, 27 novembre 2005
Il me semble, en relisant, que parfois nous nous sommes assez mal compris...
Voilà tout, vous remerciant à l'avance et espérant retrouver bientôt une de vos critiques(sur "espèces" par exemple, le prochain spectacle du CDRT) car elles sont interessantes...
Au revoir
Écrit par : brigitte | mercredi, 30 novembre 2005
Bouillon travaille avec un dramaturge, ne mettez pas toutes les décisions de plateau sur les épaules du seul metteur en scène. Peut-on avoir les liens directs des autres commentaires que vous fîtes sur Leonce et Lena et auparavant sur Le Songe ? (et autres si il y a...Que je lise un peu ce que vous lui reprochez dans ces pièces-ci.)
Merci.
Écrit par : Vincent | mercredi, 07 décembre 2005
Merci de vos remarques.
Si vous lisez attentivement les commentaires ci-dessous (une longue série, je l'avoue), vous verrez que j'égratigne au moins une fois M. Pico. Les choses partagées font du bien.
Par ailleurs, il n'y a pas d'autre note : mes remarques très limitées sur Léonce et Lena se trouvent aussi dans les commentaires de ce fil.
Écrit par : Guillaume | mercredi, 07 décembre 2005
Quid du Songe ? De quelle nature serait, a posteriori, vos remarques négatives ? Concerneraient-elles le jeu des comédiens, la scénographie, la mise en scène ou bien l'approche dramaturgique de l'ouvrage de Shakespeare ?
Dites voir un peu, si vous avez un instant...
Merci
Écrit par : Vincent | mercredi, 07 décembre 2005
"Cela donne la mesure de votre maîtrise de la langue et du sens des mots. Moi, j'écoute les réponses, et j'essaie même de les comprendre (vu vos fautes de grammaire, cela demande un certain effort).
Vous m'accusez de ne "rien faire", ce qui est plaisant, mais vous n'avez toujours pas dit grand chose de vous... ce que vous justifierez, je le suppose, en disant que c'est par modestie. Anonymat courageux..."
juste un point, j'admet que la critique sur léance et léna de mr guillaume est juste mais je suis un peu génée par le manque de politesse de ce Mr guillaume
cette brigite n'exprimait qu'une opinion et vu que ce forum est libre, votre réponse me parait un peu disproportionné ...
je suis lycéen (term) et je pratique l'option théâtre dans mon lycée
cette année j'ai vu 5 piéces de théatre au cdrt et je voudrais les féliciter pour leurx choix de spectacle
je voudrais également préciser que "des crocodiles..." de tchekhov était un spectacle que j'ai particulierement apprécier (contrairement à "léonce et léna" et "j'attendais dans ma maison que la pluie vienne" (que j'ai trouvé assez mauvaise car les acteurs, selon moi, n'avait pas pris le rympte du language si particulier qui caractérise LAGARCE...) et je voudrais remercier Nathalie Holt qui a accédé à ma demande d'une rencontreau cdrt . Grâce à elle, j'ai pu enrichir mon dossier de baccalauréat.
Écrit par : brix | mercredi, 03 mai 2006
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