mercredi, 05 avril 2006
Langues étrangères en maternelle
Ayant lu, sur la liste de messagerie d’anglicistes de l’enseignement supérieur à laquelle je suis abonné, une série de contributions sur la question de l’apprentissage des langues dans l’enseignement primaire, et en particulier les sept points suggérés par un collègue pour systématiser l’enseignement de l’anglais en maternelle, selon un système extrêmement ambitieux, dans la droite lignée des projets naguère fomentés ou encouragés par Jack Lang, je me suis permis la réponse suivante, que je verse au débat par l’intermédiaire de ce carnétoile :
Chers Collègues,
Au risque de paraître réactionnaire et peu informé, j'aimerais seulement apporter au débat ma pierre purement subjective de père. Ayant discuté avec de nombreux professeurs des écoles et connaissant plusieurs personnes qui ont, comme moi, leurs enfants en maternelle, j'avoue que j'ai du mal à imaginer que les propositions de notre collègue ne sont pas un poisson d'avril à retardement.
J'ai un fils de quatre ans et demi, qui a été considéré par sa maîtresse de petite section, puis par celle de moyenne section, comme un privilégié, car elles n'ont pas eu "à lui apprendre les couleurs" (dixit). Ce que cela signifie, c'est qu'il connaissait la plupart des couleurs en français à l'âge de trois ans et demi, mais que la majorité de ses camarades ont dû les *apprendre* par des exercices variés.
Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres, qui montrent tous qu'à l'heure actuelle, en petite mais aussi en moyenne section de maternelle, un nombre non négligeable d'enfants ne se font pas comprendre, ou difficilement, même du personnel d'encadrement (professeurs, ADSEM, dames de la cantine etc.), qui devrait être habitué à communiquer avec des enfants de cet âge.
Dans ces conditions, il me semble rocambolesque d'imaginer d'introduire la pratique d'une langue étrangère en maternelle, puisque le français comme outil et comme vecteur de sens est déjà, pour quelques-uns, une langue non maîtrisée. De même, les premières conclusions des expériences d'enseignement d'une langue vivante à l'école primaire montrent que des classes entières de sixième maîtrisent des rudiments inégaux et approximatifs d'anglais (ou, parfois, au petit bonheur la chance et en fonction des principes stochastiques des cartes scolaires, d'autres langues), tandis que la connaissance du français, elle aussi, s'enfonce dans le vague et le rudimentaire.
A force de mettre la charrue devant les bœufs pour le plus grand plaisir de spécialistes de didactique parfois plus férus de statistiques et de modélisations importées que d'expériences du terrain, on ne peut pas dire que les réformes dans ces domaines aient porté leurs fruits. J'admets qu'il y ait une certaine logique à vouloir pousser à bout un système qui a de mauvais résultats dans l'espoir qu'intensifié il deviendra bon, mais je ne suis pas certain d'y souscrire.
Bien à tous,
11:27 Publié dans WAW | Lien permanent | Commentaires (13)