Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

samedi, 22 octobre 2011

Exister est un plagiat : 16 et 57

16

 

Crise d’appendicite. Le médecin remplaçant met trois jours à comprendre. Opération. (Passé à deux doigts de la péritonite). C’est en novembre, je manque les cours trois semaines, pendant que notre professeur de français n’est pas remplacé. C’est en novembre, il fait beau, je passe six jours à l’hôpital, dont trois à n’avoir droit qu’à des tamponnages de coton humide sur les lèvres (c’est long). C’est en novembre, un ami m’apporte La Montagne magique, que je lis en quatre jours, sans aucune identification (je tiens à le dire) aux tuberculeux. Un autre ami, Christoph, vient me voir et je lui fais découvrir une planche géniale de Gai-Luron. L’infirmière laisse passer une bulle d’air dans la perfusion, la rattrape in extremis ; pendant le très bref incident, Christoph, avec qui je fais du théâtre et qui est très extraverti (plus que moi, au moins à l’époque), mime l’agonie, ou l’épouvante

Crise d’adolescence. Se caractérise par le désir totalement et grotesquement conventionnel d’être différent des autres. J’y arrive assez bien, c’est-à-dire bien grotesquement.

Printemps. Je deviens « le plus jeune juré » du Prix du Livre Inter. Le jour des débats, je défends Guibert – dont je dévorerai ensuite tous les livres (même Les Chiens – vous imaginez, ça, vous, un puceau hétéro qui lit Les Chiens ???) – et Jean Rolin. C’est Pennac qui a le prix, il est très sympa, on discute beaucoup, il est très sympa. (Entrée pour le Dictionnaire des idées reçues : PENNAC (Daniel) – très sympa.)

Eté. Aux Etats-Unis, banlieue de Detroit, chez un couple de retraités, très gentils. Ils ont un chat énorme, Buff. J’apprends l’adjectif declawed, et, par la même occasion, qu’on peut être assez dégénéré pour faire dégriffer son chat. Me rappelle notamment avoir regardé, certains jours, trois épisodes différents de Bewitched sur trois chaînes différentes. Le tube de l’été, c’était Opposites Attract de Paula Abdul. L’odeur de l’année, c’était celle des nouveaux bâtiments de mon lycée, en 1ère et en Terminale – nous y avions cours de français et cours de mathématiques (aussi cours de latin et d’histoire en terminale). Dans l’avion, au retour des Etats-Unis, les autres ados exhibent leurs clichés, étalent le pognon familial. Moi, je vais retrouver mes parents.

 

 

57

 

L’hiver, parties effrénées de tarot dans les turnes du 3ème Rataud. Bonheur infini de ne pas en foutre une rame, après trois années de classes préparatoires. Bonheur, comme l’année d’après à Oxford, de dévaliser les rayonnages de la Bibliothèque, d’acheter et de lire des dizaines de poètes, tout à trac, sans système.

Je n’ai quasiment aucun souvenir du texte des Visionnaires – ni d’Architruc, que j’ai mis en scène pour quatre représentations à la salle Dussane. Axel jouait le rôle de Baga, moi celui du roi. A la demande de Pinget, nous avions supprimé le personnage de la Mort : Architruc succombe à une crise cardiaque. (Plus ou moins.) Odeur du lino de la salle Dussane, et des câbles électriques que j’ai fixés au sol avec des mètres et des mètres de scotch fort.

――――Je sais que j’aurais pu poursuivre dans le théâtre, je suis très heureux de ne pas l’avoir fait. Je lis et je traduis e. e. cummings, j’affiche certaines traductions sur la porte de ma turne, je n’ai conservé aucune de ces traductions, pourtant sous traitement de texte.

Juin, souvenir d’avoir regardé France-Ecosse dans la salle télé rue d’Ulm : le demi d’ouverture écossais ne se prénommait-il pas Gavin ?

Le jour où je quitte Paris, Cyril, qui est dans la capitale pour passer une fois encore les oraux de Normale Sup’, m’aide à trimbaler jusqu’à la gare Montparnasse mes six ou sept valises et sacs remplis de bouquins.

Et, l’été, nous passons, C*** et moi, une semaine formidable, chez Cyril, à Prigonrieux. Il a encore été collé, mais c’est un garçon d’une force morale impressionnante.

Puis il faut reprendre une année, C*** avec l’agrégation de lettres, moi partir pour Oxford, une année. En arpentant les rues, les parcs d’Oxford, le premier jour (un samedi), conviction absolue que ce ne sera pas facile, mais que ce sera une très belle année. (Mes convictions absolues ne m’ont jamais abusé. De même, j’ai toujours su que je ne m’enliserais pas à Paris. Ce n’est pas une ville où vivre.) C*** s’envoie des pages et des pages d’ancien français, et Le Lotissement du ciel.

Commentaires

16
Je me souviens de longues conversations téléphoniques avec toi quand tu étais à l'hôpital. Tu n'avais pas le moral, pas envie de le montrer aux parents, donc tu m'en parlais. Et tu avais une toute petite voix (soif?) J'ai écrasé plus d'une larme en raccrochant…

Écrit par : Delphine Cingal | mardi, 01 novembre 2011

Gavin Hastings!

Écrit par : Delphine Cingal | mardi, 01 novembre 2011

Les commentaires sont fermés.