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samedi, 08 juin 2013

« Antifascisme » et marque-repère

On m'appelle à un grand rassemblement à la mémoire de Clément Méric et contre l'extrême droite, cette après-midi, à Tours. Que les choses soient claires : il est évident que je dénonce les actions de tous les petits salopards de miliciens et autres encagoulés, à commencer par les meurtriers de Clément Méric, et que je m'associe au deuil de sa famille.

Toutefois, deux ou trois petites choses me taraudent, au sujet de ce rassemblement annoncé à Tours, et pas seulement le fait que cette manifestation émane de la section locale du PCF, alors que, de notoriété publique, tous les responsables politiques ont été fraîchement accueillis avant-hier soir place Saint-Michel (à Paris), les « antifascistes » proches du défunt assassiné criant à la récupération. (À cette occasion, il paraît que, pour une fois, notre Grand Psychotique National, le tribun Mélenchon, a fermé sa gueule, ce qui devait être quand même très savoureux pour les personnes présentes.)


En l'espèce, et depuis jeudi, il semble avéré (et je l'écris en grands caractères, afin que tout ce qui suit perde de sa force si je devais être victime de désinformation) que l'assassinat de Clément Méric a fait suite à la “rencontre” de quatre antifascistes et de petits caïds d'extrême-droite lors d'une vente de privée de vêtements de marque, vêtements qui, nous dit-on, serviraient de “signe distinctif” à l'un et l'autre groupe (l'adjectif distinctif étant du plus haut comique pour décrire un signe d'appartenance même pas distinctif d'une quelconque idéologie).

L’enquête de la police judiciaire parisienne doit encore déterminer les circonstances exactes de la bagarre survenue dans le IXe arrondissement de Paris entre deux groupes à la sortie d’une vente privée de vêtements de marques, prisés tant par les membres de groupuscules d’extrême droite que par les militants antifascistes.  (Source : LCP)


Si cela est avéré (grands caractères derechef), j'avoue ne pas comprendre, et, quoique je sois prêt à poursuivre toutes les luttes contre les ennemis de la démocratie, j'avoue ne pas pouvoir m'identifier à des « antifascistes » qui participent à la grand messe consumériste des “ventes privées” et poussent l'esprit de corps jusqu'à adhérer à l'achat de vêtements selon la marque, pour ne rien dire du choix d'une marque identique à celui fait par leurs “ennemis” d'extrême-droite.

En effet, les fameuses « marques » sont un des moyens contemporains d'aliénation du peuple par le Capital et de dépolitisation les plus flagrants. Par ailleurs, qui achète des « marques » participe, de fait, à la hiérarchisation de la société selon des codes “culturels” sans rapport, ni avec l'idéal humaniste, ni avec l'héritage des Révolutions, ni avec la tradition démocratique française, ni avec la lutte des classes (ce dernier point me semblant devoir être au centre des préoccupations de jeunes militants de gauche ou d'extrême-gauche). Enfin, la plupart des temps, adhérer au marquage consumériste par les marques, c'est aussi participer activement à l'exploitation des travailleurs du Tiers-Monde, voire à leur destruction (au Bangladesh par exemple).

Comment peut-on, d'une part, être militant  « antifasciste » et syndiqué à SUD, et, d'autre part, cautionner le système consumériste des marques et l'exploitation des travailleurs ?

Commentaires

Pharisianisme ?



« Ramasse un peu de sable, puis laisse-le glisser entre tes doigts ; tu connaîtras, alors, la vanité du verbe.
Le sable n'est plus que le sable et la parole, pavillon baissé de la parole. »
« Peux-tu jurer que les grains de sable que tu as serrés dans ta main sont bien ceux qui ont glissé à tes genoux ? Ils sont déjà mille autres que tu ignorais.
Ainsi en est-il de tes paroles, une fois lâchées dans l'univers peuplé de la parole. »
Le Livre des Questions. E. Jabès, 1963, p. 126.

Écrit par : Jamé 203 | samedi, 08 juin 2013

Et moi, pauvre innocente, qui pensais qu'ils s'étaient rendu à cette vente privée pour y dénoncer l'exploitation des travailleurs du tiers-monde, les conditions désastreuses dans lesquelles ils travaillent ... Je m'étais même imaginé, comble de la naïveté, que c'était peut-être là le sujet de l'altercation!

La mort (assassinat?) de Clément Méric est horrible de toutes façons, bien sûr. Que la bête immonde (re)dresse de plus en plus la tête est terrifiant.

Écrit par : Marie Hélène | dimanche, 09 juin 2013

J'espère qu'il y a mauvaise information et qu'il sera établi, finalement, que je ne suis pas si naïve!

Écrit par : Marie Hélène | dimanche, 09 juin 2013

Tu es aussi naïve que ta fille est méfiante vis-à-vis des médias (elle n'a pas voulu croire ce que j'écrivais).

En l'espèce, il est établi depuis longtemps que nazillons et antifas se disputent la même marque de fringues, Fred Perry je crois. Il y a eu un très bon article dans Next/Libération à ce sujet. J'ai écrit "S'il était avéré", mais c'est véritablement une précaution oratoire de clavier.

J'ai eu un échange à ce sujet, sur Facebook, avec un ancien étudiant SUD, "compagnon de lutte" de 2008-9. Très entre autres choses, il m'a écrit : ### Chacun gère ses propre contradictions comme il le peut. Nous vivons dans un système, nous le cautionnons tous les jours. Bien qu'adversaires de ce système, nous sommes façonnés par lui. Le fétichisme de la marchandise, nous l'avons tous intégré depuis tout petit. Ça ne nous empêche pas de lutter pour un monde meilleur. Je ne pense pas que vous ayez, plus que n'importe qui, le droit de donner des leçons de pureté. ###

Je lui ai répondu :
### Je ne donne pas des leçons de pureté. Je ne me prétends ni "antifasciste" ni quoi que ce soit, c'est une différence de taille. Quand on milite en se prétendant d'extrême-gauche, on doit agir un minimum en conséquence. Être militant d'extrême-gauche et acheter des vêtements de marque lors de ventes privées à Paris, cela dépasse le cadre de la contradiction marginale.
Le “mal” n'est pas seulement le FN, c'est aussi (notamment, et dans un même souffle) les multinationales (du textile notamment).
Et quand vous écrivez, avec pas mal de brio, je l'avoue, que "nous avons tous intégré depuis tout petit le fétichisme de la marchandise", sachez que votre "nous" ne saurait être inclusif. Pour ma part, je n'ai aucun fétichisme de la marchandise. J'ai été élevé par des parents qui m'ont appris la méfiance vis-à-vis des publicités et des marques, et en dehors de toute forme d'investissement érotique des objets du capitalisme. Je ne crois pas être seul dans ce cas. En classe de première, notre professeur d'allemand avait fait toute une séquence (comme on ne disait pas encore) sur "Werben oder sterben", et je n'étais pas seul à essayer d'argumenter (en allemand, c'était un prétexte à cours de langue) que la publicité n'était PAS nécessaire (alors que la professeure (comme on ne disait pas encore) allait totalement dans le sens du bouquin, oui, la pub c'est formidable, c'est créatif, ça crée des emplois).
Quand, il y a dix ans, je crois, tous les altermachinchose nous ont rebattu les oreilles de Naomi Klein et de son noLogo, j'étais pantois : pour moi, c'était l'évidence. ###

Je crois que ce qu'il n'a pas aimé, en fait, c'est que je me moque ouvertement de Mélenchon. Mais, comme il n'a pas osé l'écrire, je ne peux rien répondre à ce sujet.

Écrit par : Guillaume Cingal | dimanche, 09 juin 2013

Des leçons de "pureté"! Hm je n'aime guère l'utilisation de ce mot en la circonstance! Le "on est tous pareils", pas davantage! "Si vous étiez au pouvoir, Madame, vous feriez comme tout le monde et vous en profiteriez pour vous remplir les poches et obtenir des privilèges pour vous et les vôtres" m'avait dit un élève un jour, sans que quiconque (à part moi) ne proteste. Ce à quoi j'avais répondu à ce garçon: 1) ne jamais redire cela en public ou je l'attaquais pour diffamation. 2) Non PAS TOUT LE MONDE! Comment excuser ses propres faiblesses en les attribuant à la nature humaine, cela m'agace, voire me choque ... même si je sais bien que je ne suis pas "pure" (grrrr).

Écrit par : Marie Hélène | dimanche, 09 juin 2013

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