dimanche, 23 mars 2025
Une critique hâtive de l'essai de François Ost
Je recycle ici un petit dérapage de mon fichier « Chantier CRCT ». J’étais juste parti pour recopier quelques passages du livre de François Ost, et – en ouvrant une note de bas de page pour noter rapidement une esquisse de critique – l’esquisse est presque devenue un mot à la hâte.
Quelle est donc la visée de la perspective traductrice ? Nous dirons d'un mot : dégager une troisième voie, celle d'un espace de sens partagé entre le langage (la pensée) unique d'une part – l'espéranto du globish ou du globalais, par exemple –, et le repli sur les idiomes singuliers de l'autre. Entre la Charybde de l'omnitraduisibilité proclamée par un langage dominant qui croit tout pouvoir absorber dans sa mêmeté, et le Scylla de l'intraduisible ombrageux derrière lequel se réfugient des langues (cultures, communautés) jalouses de leur spécificité, la traduction vise à se frayer un chemin renvoyant dos à dos ces deux versions opposées, mais finalement solidaires, du soliloque, qui se décline tantôt comme l'aveuglement hégémonique du même, tantôt comme l'exacerbation farouche de l'autre, manquant dans les deux cas la médiation de l'autre intérieur (et son corrélat dialectique : le même extérieur) qui seul est en mesure, croyons nous, d'assurer la relance du discours.
(F. Ost. Traduire. Défense et illustration du multilinguisme.
Fayard, 2009, pp. 289-90)
Il faudrait, de ce passage comme de l’ouvrage entier de François Ost, dresser une critique minutieuse. Qu’il me suffise de noter ici, pour le moment, que cette analyse est juste mais que, vu qu’elle laisse totalement de côté toute dimension historique ou politique, et donc qu’elle ne tient aucunement compte des situations d’hégémonie qui ont hiérarchisé de facto ces diverses langues dans des rapports de domination complexes, elle finit par être en partie fausse. Cette critique rejoindrait celle qui voit Sarah Mazouz déconstruire les prétentions à l’ « universalisme abstrait » pour proposer la transposition minoritaire :
Pratique de soi à portée collective et politique, la transposition minoritaire consiste en la capacité à inverser les rôles, afin de prendre conscience des rapports de pouvoir qui structurent telle ou telle situation ou d’évaluer la façon dont des pratiques des paroles ou des attitudes assurent l’égalité entre les personnes, ou, au contraire, réitèrent et renforcent des assignations et des formes d’infériorisation. (Race, Anamosa, 2020, p. 83)
Or, c’est tout le problème de l’essai de F. Ost : ce n’est pas qu’il est abstrait, mais qu’il abstrait, c’est-à-dire qu’il extrait la question de la traduction de sa matérialité, c’est-à-dire du fonctionnement même des langues, et que, ce faisant, il la dépolitise. En cela, il propose de façon constante une réflexion générale, « universelle » au sens de généralisable, comme si l’émergence du globish, par exemple, pouvait être étudiée indépendamment du contexte post-colonial, ou comme si le communautarisme prônant l’intraduisibilité avait exactement la même valeur idéologique quand un Alain Badiou vante le nationalisme ontologique et la suprématie du français dans le Dictionnaire des intraduisibles (je dois d’avoir vu cela grâce à la recension de 2017 de Pascal Engel dans En attendant Nadeau) ou quand, dans sa traduction de Wake de Rebecca Hall et Hugo Martinez, Sika Fakambi insiste pour ne pas écrire/dire Dahomey mais Ɖanxomɛ. Dans un cas, prolongement d’une idéologie racialiste sous couvert d’objectivité linguistique et philologique ; dans l’autre, volonté de lutter contre l’effacement et l’invisibilisation d’une culture occultée au titre d'une histoire asymétrique.
11:22 Publié dans 2025, Translatology Snippets, WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
23032025
Demain, ma grand-mère aurait eu 98 ans ; elle ne sera pas allée jusque-là…
Il y a très longtemps que je n’avais pas fêté son anniversaire avec elle le jour J : la date est, de fait, plus compliquée que pour mon grand-père, qui était né un 17 juillet et dont nous avons soufflé les bougies assez régulièrement (parfois, nous étions en voyage, bien sûr).
Jeudi, mes parents ont encore passé une après-midi à ranger, nettoyer, faire du tri. Je n’ai pas osé demander si la vente de la maison avançait : ce sera un grand soulagement pour ma mère quand ce sera fait.
09:01 Publié dans 2025 | Lien permanent | Commentaires (0)