mercredi, 09 novembre 2005
Etat d'urgence... vraiment?
Je vais sans doute passer pour un affreux ennemi des libertés, mais je ne peux m'empêcher de trouver hautement cocasse tout le foin que font les medias autour de la décision du préfet de la Somme d'imposer, dans la communauté urbaine d'Amiens, le couvre-feu "aux mineurs de moins de seize ans non accompagnés entre 22 h et 6 h". Il me semble, pour ma part, que les mineurs de moins de seize ans ne devraient jamais avoir le droit de sortir seuls à ces heures-là.
Soyons sérieux: cette situation dite "d'urgence", et présentée avec les plus infinies précautions par le Premier Ministre, devrait correspondre à l'état normal de notre civilisation.
10:53 Publié dans Indignations | Lien permanent | Commentaires (14)
Commentaires
J'ai beau essayer... Je comprends vraiment pas ce type d'état d'esprit... Un peu rigide et obtus, non?
Écrit par : Bulle | mercredi, 09 novembre 2005
un peu tard, même (il fait froid, l'hiver).
L'Etat est en train de remplacer l'autorité parentale. Dernière étape de l'Etat-providence?
Il ne s'agit même pas de droit, ou d'interdiction, il s'agit de protection. Quelle personne normale souhaiterait laisser ses enfants dehors, seuls, à des heures pareilles? (A moduler selon les saisons, les vacances, etc, bref, à moduler selon le bon sens)
A contrario, je suis abasourdie par ceux qui ne peuvent envoyer leur enfant de dix ans acheter le pain, ou aller au collège à vélo. Sur-protection ou abandon, il ne semble plus y avoir de milieu.
Écrit par : VS | mercredi, 09 novembre 2005
Bulle => VS a exprimé mon avis mieux que je ne l'aurais fait. Soyons concrets: un enfant de quinze ans seul dehors, ou accompagné d'autres enfants, après dix heures du soir. C'est criminel... de la part de ses présumés "parents".
Écrit par : Guillaume | mercredi, 09 novembre 2005
Guillaume, je reviens du blog oranginal...
S'il est vrai que je me suis un peu emportée, il est injuste de dire que je ne réfléchis pas avant d'écrire. Je n'excuse pas les casseurs, je dis simplement que les "solutions" du gouvernement ne me semblent pas les bonnes.
Je fais partie des "privilégiés", je ne m'en cache pas, je n'ai jamais vécu dans ces banlieues qualifiées de "chaudes", je vois donc tout cela de l'extérieur.
Je suis d'accord avec VS, mais je suis contre l'idée que l'état puisse imposer un couvre-feu.
Je n'ai pas d'enfant, mais je pense que si j'en avais, ils ne traîneraient pas dehors seuls après 22h.
Le mot "tortionnaire" me venais de la repression constante dont on a l'impression... L'impression est peut-être mauvaise...
Si vous connaissez ces banlieues, alors je vous le demande: que faire?
ça me désespère une fracture pareille...
Pour finir, je n'ai pas l'habitude de tirer des conclusions hâtives et négatives des différends que je peux avoir avec les gens, au contraire ça m'intéresse et je voudrais en savoir plus...
A bientôt
Écrit par : Bulle | mercredi, 09 novembre 2005
Si je suis bien votre raisonnement Guillaume, vous considérez donc les parents de ces gamins comme des "criminels" ? Dans ce cas-là, vous devez être d'accord avec les peines que ces parents encourent, c'est à dire remboursement des frais occasionnés par les saccages, suppression des allocations familiales etc...( je n'ai pas tout en tête). Mon avis est que cela va enfoncer davantage ces familles en grande souffrance sociale. Sachez que bien souvent ce sont des familles monoparentales, le père est inexistant. Ces mères sont bien conscientes des problèmes que créent leurs enfants mais elles n'ont pas l'autorité suffisante pour les tenir.... Le problème est très complexe !
Écrit par : tinou | mercredi, 09 novembre 2005
Oui donc si les mères ne peuvent garder leurs marmots en place dans la soirée, l'état est obligé de le faire ? Je suis 100 % avec Guillaume sur ce point : que pourrait bien faire un enfin de moins de 16 ans dans la rue après dix heures ? Vu l'actualité cesse mesure est nécéssaire. Je ne comprends pas les 25 % de français qui s'opposent à cette mesure ! Pour éteindre les voitures, il faudrait peut-être éloigner les cassuers, ça me paraît normal ? Surtout quand ils sont si jeunes, et VS à raison, il fait froid dehors. Ceux qui parlent de privation de liberté doivent être inconscients ! Le couvre-feu n'est pas LA solution qui va out résoudre tout de suite, mais c'est indubitablement UNE solution qu'il fallait prendre d'urgence, sinon il y aurait plus eu de voitures en France (d'ailleurs c'est marrant, je viens d'entendre l'ex PDG de Renault qui a maintenant un au poste dans un organisme dont j'ai oublié le nom, qui s'occupe des discriminations raciales en France. Il a pas parlé des Renault qui brûlent !). Je me demande, comme Tinou, qui va payer tout ça !
Écrit par : Simon | mercredi, 09 novembre 2005
En méme temps Simon, il me semble que tu n'ai pas plus de 16 ans, et tu es capable de sortir dans la rue aprés 22h sans bruler des voitures, non ?
Écrit par : Marione | mercredi, 09 novembre 2005
Si, j'ai plus de seize ans (j'avais cru t'avoir dit mon âge au moins une fois Marione ?), et s'il se passait ce qui se passe ailleurs chez moi, j'accepterais peut-être (puisque c'est que je fais toute la semaine) de passer quelques soirées dans ma chambre ! Un samedi soir devant un DVD parce que y'a danger de mourir brûlé ou d'une balle dans la tête dans la rue, c'est possible non ? Mais c'est sûr si tu vas acheter ton pain à minuit et que t'as quatorze ans, c'est bien trop restrictif.
Écrit par : Simon | mercredi, 09 novembre 2005
Le problème, ce n'est pas le fait d'interdire à des mineurs de sortir (les arrêtés municipaux suffisent pour ça) : cette loi permet de faire appliquer la même interdiction de manière réglementaire à toute personne (et c'est d'ailleurs en vigueur cette nuit dans un lieu en France) ! De perquisitionner de nuit ! De contrôler la presse ! L'application peut-être mesurée et modérée, mais les possibilités offertes par cette loi sont énormes par rapport à ce qui est simplement souhaité. On ne peut pas applaudir cette mesure qui tient plus de la politique spectacle si la seule chose à faire est d'instituer un couvre-feu pour les mineurs et qui est gravement attentatoire aux libertés publiques, ce serait un précédent dangereux.
Écrit par : Dominique | mercredi, 09 novembre 2005
Ce message s'adresse surtout à Tinou et Bulle. J'espère ne pas être trop polémique - dans tous les cas, cela reste dans le débat d'idées. Je remercie les autres de leur participation au débat.
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Comme je l'ai déjà dit, j'ai côtoyé ces situations de très près, et quand je parle, ici ou ailleurs, de l'irresponsabilité des prétendus "éducateurs spécialisés", par exemple, ce ne sont pas des paroles en l'air. Par ailleurs, oui, je suis d'accord à 100% pour que l'on rappelle aux parents qu'ils ont un devoir de contrôle sur les enfants et que ce n'est pas à l'Etat de vérifier si les mineurs de moins de seize ans traînent dans la rue à des heures indues ou non.
Pour répondre à l'argument sur la pénalisation financière de familles déjà au bord du gouffre, je ne prendrai qu'un seul exemple: il fut un temps où, dans les zones sensibles en particulier, le rectorat avait la possibilité de suspendre les allocations familiales aux parents dont les enfants étaient en voie de déscolarisation (traduction: séchaient les cours quasi systématiquement). Eh bien, ça marchait! Curieux, non, ces parents qui se plaignent de ne pouvoir tenir leurs gamins, qui demandent qu'on les aide, mais qui arrivent à le faire dès qu'on touche au porte-monnaie?
Bien entendu, cette mesure a été rendue illégale par des associations bien intentionnées mais aux imprécations contre-productives. Ce n'est pas en accoutumant les citoyens (et les parents en particulier) à se défaire de leurs responsabilités que l'on règle les problèmes... on vient d'en avoir la preuve! Ce qui me fait enrager, dans tout cela, c'est surtout que j'ai connu des familles, parfois monoparentales, dans ces quartiers difficiles, et que les parents (ou la mère, quand elle était seule) réussissaient à "tenir" leurs enfants malgré le contexte ô combien délicat. La vérité, c'est qu'il y a des parents démissionnaires, des parents qui n'ont jamais voulu s'occuper de leurs enfants et qui trouvent plus commode d'imputer tous les crimes à "la société" ou à l'Etat. Je pense à ces milliers de gens qui vivent dans les banlieues, qui galèrent mais qui s'en sortent quand même parce qu'ils sont solides; ces gens-là, ces jours-ci, ont vu de surcroît leur lieu de vie saccagé par les enfants de leurs voisins les plus abrutis... c'est indéfendable!
Écrit par : Guillaume | jeudi, 10 novembre 2005
Un rappel aussi, plus concis: ce sont avant tout les pauvres qui souffrent de la délinquance et des dérives mafieuses dans les banlieues. Alors, tolérer un peu de délinquance au nom de l'égalité des chances, c'est vraiment, pour les personnes qui ne galèrent pas (et au rang desquelles je me compte), se donner bonne conscience.
Écrit par : Guillaume | jeudi, 10 novembre 2005
Dominique > je suis bien sûr sensible aux risques de dérive qu'implique ce genre de mesure d'urgence. Il faut que tous les citoyens restent vigilants. Mais je suis, d'autre part, grandement convaincu qu'il est grand temps de libérer les banlieues des mafias qui sont le vrai problème. Continuer à parler du malaise social, etc., c'est s'aveugler, je pense.
Écrit par : Guillaume | jeudi, 10 novembre 2005
Guillaume, je suis un fidèle disciple de Remy de Gourmont et de la dissociation des problèmes.
On ne lutte pas contre l'économie souterraine par un état d'urgence (limité d'ailleurs à 12 jours), mais par un travail continu. Le décret peut permettre des saisies d'armes ou de drogue, mais pour ce faire il faut des renseignements : un travail de fond donc. Cela ne se fait pas en 12 jours.
Je disais que les maires avaient parfaitement le pouvoir d'établir un couvre-feu sans passer par une loi qui établit des pouvoirs énormes (interdiction des réunions publiques, censure de la presse). Raoult n'était pas du tout dans l'illégalité en en proclamant un dans sa commune : il exerçait ses compétences. Il faut pour cela respecter certaines règles (territoire et durée limités) et les maires de Dreux ou d'Orléans ne les avaient pas respectées.
Je remarque que le couvre-feu est en fait un couvre-misère (misère du discours politique) : la mesure a été prise à Amiens où il y avait 6 voitures brûlées en tout ! Elle ne l'a pas été dans des villes où cela a vraiment flambé. Cinq départements seulement sont concernés. Bien sûr, on peut voir que l'effet de la menace est dissuasif. Mais je crois aussi que les maires et les préfets ne veulent pas s'engager dans une épreuve de force en relançant les émeutiers et donc dans une escalade des moyens. Je pense encore que les maires en majorité préfèrent ne pas avoir à recourir aux arrêtés de couvre-feu afin de ne pas alimenter encore plus la révolte et que le rappel de la loi de 55 était une manière de forcer la main à ceux qui étaient réticents (puisque c'est le préfet, en fait l'autorité de tutelle, qui est compétent alors). C'est aussi une perte de pouvoir des maires. C'est un fait grave pour les institutions.
On peut aussi prolonger l'état d'urgence par le vote d'une loi et cela peut se faire en procédure rapide avant le 15 novembre. Le conseil constitutionnel a été déjà saisi de la démarche à suivre.
On peut être d'accord avec l'habillage (quoi de plus normal qu'un gamin de quinze ans soit dans sa maison ou son appartement durant la nuit ?), mais pas du tout avec tous les attendus d'une telle loi qui a été conçue afin de lutter contre des réseaux de résistants adultes ?
Écrit par : Dominique | jeudi, 10 novembre 2005
Dominique, je suis totalement d'accord avec votre analyse.
Puis-je seulement rappeler que le point de départ de ma note était très minime et que je voulais seulement rappeler à tous ceux qui s'indignaient sans partage de la mesure de couvre-feu prise à Amiens qu'en l'occurrence, ce couvre-feu-là n'avait rien que de très normal?
En revanche, si l'on approfondit la réflexion, je suis très vigilant sur la question des libertés politiques et citoyennes, et suis heureux d'accueillir votre argumentation, plus étayée et convaincante, en la matière, que la mienne.
P.S. Je crois qu'on se vouvoie; je ne suis plus très sûr... (Pas simple, la blogosphère!)
Écrit par : Guillaume | jeudi, 10 novembre 2005
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