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vendredi, 06 octobre 2006

Scène

Devant l'amphi Thélème, appuyés contre une table toute simple, deux étudiants et une étudiante. Le garçon qui est à gauche mange un sandwich Panini. Le garçon du milieu (cheveux bouclés noirs) mord à belles dents dans un sandwich au salami. La jeune fille déguste, à l'aide d'une petite cuillère en plastique blanc, une salade de betteraves à même une boîte en plastique transparent.

Reste à inventer le dialogue. (Penser à demander à François Bon...)

(Et le spectateur ? Ce spectateur en mouvement qui revient de déjeuner au Cap Ouest, bavette salade haricots verts mange-tout ? Devient-il acteur de la scène ? A-t-il un texte ? Ne fait-il que passer ? Hmmm...)

12:20 Publié dans WAW | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Ligérienne

Commentaires

Il se trouve que, par le plus grand des hasards, j'ai moi-même assisté à la scène, étant venu voir, durant ma pause méridienne (car c'est comme ça qu'on cause chez nous autres, du moins les têtes pensantes qui ont naguère rédigé notre règlement intérieur), si un graffiti dont j'évoquais il y a peu la présence sur un mur de la fac de cette rue des Tanneurs située à un jet de javelot de mon lieu de travail (pour peu que ledit javelot ait toutefois été lancé par un solide athlète bulgare ou, à tout le moins, est-allemand de la grande époque) était, par extraordinaire, encore présent, des années après.

J'ai ainsi moi aussi aperçu les trois étudiants qui mangeaient en discutant, à moins qu'ils ne discutassent plutôt en mangeant, tant ils semblaient faire peu de cas en vérité de ce qu'ils ingurgitaient, tout occupés qu'ils étaient à débattre des récentes tensions russo-géorgiennes, du dernier ouvrage de Christine Angot ou de la scandaleuse éviction de Jean-Marcel et Wendy de la Star'Ac, car j'avoue que je ne me rappelle plus trop.

Toujours est-il qu'un silence se fit lorsqu'un homme élancé portant sacoche passa près d'eux d'un pas rapide et néanmoins empreint d'une grande élégance, avant de monter quatre à quatre les marches de l'escalier menant aux salles de cours.

« Tiens, c'est lui, mon prof de traduc', murmura le frisé entre deux bouchées de son sandwich visiblement un peu trop ferme à son goût, à l'adresse de la jeune fille qui, à ces mots, resta quelques instants interdite, au point de ne pouvoir achever le mouvement qu'elle avait entamé pour porter à sa bouche sa cuillerée de betteraves, et laissant du même coup sa cuiller en plastique suspendue entre ciel et terre au bout de son bras ainsi immobilisé.
– Quoi... Tu veux dire... Guillaume Cingal... Le merveilleux auteur de ce blog à nul autre pareil qui enchante mes jours et mes nuits depuis plus d'un an ? Cet esprit libre qui a su...
– Ouaiiis... enfiiin... i' paraît qu'il a quand même écrit qu'la Loire passait à Chinon, crut bon de tempérer le deuxième garçon, tout en essayant de mâcher sans se brûler la langue un gros morceau de son panini poulet basquaise dans lequel il semblait avoir mordu de façon irréfléchie en constatant le regard énamouré qu'avait jeté son interlocutrice vers l'escalier désormais vide. Et encore, ma tante qu'est guichetière... aïe ! La vache, c'est chaud... au château de Montpoupon, elle, elle pourrait t'en raconter de bonnes sur lui...
– En tout cas, il a pas l'air dans son assiette » interrompit à son tour le premier intervenant, dont je ne sus si, par nature, il n'appréciait guère les ragots ou bien s'il était lui-même un fervent admirateur de Touraine Sereine et de son rédacteur.

Partagé entre ma curiosité un rien malsaine d'en savoir enfin un peu plus sur cette sombre histoire de guichetière à laquelle je n'avais toujours rien compris et mon envie de me présenter à celui qui, il y a peu, s'était brièvement emparé de mon nom, je réfléchissais intensément pour savoir quelle conduite adopter, tandis que je feignais maladroitement d'attacher le lacet de ma chaussure en tendant l'oreille vers les trois jeunes gens. Maladroitement est, du reste, le terme approprié car je sentis bientôt que le silence se fit et, levant la tête, m'aperçus que trois paires d'yeux inquisiteurs étaient braqués sur moi. Je n'eus par conséquent plus d'autre solution que la seconde et m'élançai dans l'escalier à la poursuite de l'auguste professeur, redoutant quand même un peu, après que je me serais présenté à lui sous mon nom d'Astolphe Chieuvrou, qu'il ne me réponde par un humiliant « Astolphe comment, vous dites ? ».

Le problème ne se posa pas, cependant, car je dus constater, en suivant les couloirs depuis le haut de l'escalier jusqu'au hall de la passerelle, que notre homme était introuvable, étant sans doute passé à vive allure dans ces lieux jusqu'à sa salle de cours. Je rebroussai donc chemin en direction de la sortie située en face de la salle Thélème, et, sur ma route, jetai à tout hasard un œil dans l'un de ces affreux bacs en ciment posés à même le sol, faisant office de corbeille à mégots et autres détritus divers. Une boulette de papier s'y trouvait justement, que je parvins à extraire, sinon sans scrupules, du moins sans difficulté, et ce en dépit du fait que, bizarrement, le verbe « extraire » ne se conjugue pas au passé simple.

Ça ne se fait pas, certes, mais je défroissai bientôt la feuille, en tâchant de lui rendre une apparence un peu plus chrétienne, comme disait récemment ma boulangère à l'adresse de son apprentie vendeuse pour lui intimer l'ordre, à mon grand embarras, de refaire l'emballage de la religieuse que je lui achetais. Quelques lignes y avaient été tracées d'une écriture nerveuse. Une conversation à trois tout d'abord, rageusement barrée d'une grande croix :

« Scrunch... Scrunch... Oh !
– Well, what happens to you, old sandwich eater ?
– It is funny, Panini Boy, I have the gencives that makes me a little bad...
– Oh, do not stay like this, it can be very annoying, you know. You do as you want but, personally, I always use my favorite tooth-paste : Toinougencives, both for teeth and for gencives, and now, I have my gencives like beton !
– You can also eat those delicious betteraves, isn't it ?
– Do not be stupid, Betty Betterave, it is not a solution ! »

Conversation elle-même suivie de ces non moins rageuses considérations :

« Ah, la vache, mais qu'est-ce qui m'arrive ? Ça doit être cette foutue bavette qui passe mal... Faut dire que, dans mon empressement à être à l'heure, j'ai encore pas dû assez mâcher... Et ces haricots mange-tout... Qu'est-ce qui m'a pris d'en prendre ! Je sais pourtant bien que leur pouvoir frenchbeanisant a sur mon cerveau naturellement enfiévré des effets comparables à ceux de la kryptonite sur les muscles d'acier de Superman : j'y perds mon latin, en l'occurrence, mon grand-breton... Merde ! Merde ! Merde ! Va falloir, pour faire illusion, que je transforme mon cours de ce tantôt en un exposé sur les gallicismes à éviter... ».

Étonnant, non ?

Écrit par : Chieuvrou | dimanche, 08 octobre 2006

Fariboles, voyons ! Vous vous êtes trahi par un détail inexact : je me rends à mon bureau, non par l'escalier, mais en passant par le merveilleux couloir rouge qui se trouve au même niveau.

"Blood and guts ! Je suis fait ! " s'égosilla l'imaginatif Astolphe en tombant au sol et en proie à la honte la plus noire.

Écrit par : Guillaume Cingal | dimanche, 08 octobre 2006

« Je suis fait comme Marat » ajouterai-je même, eu égard au fait que je dois, à bientôt 10 h 56, passer à la douche et en dépit du fait que je n'ai pas de baignoire.

Couloir rouge ? Je ne me souviens pas d'un tel lieu à la fac. Avouez plutôt, toute modestie à part, qu'on déroule le tapis rouge à chacune de vos arrivées.

Écrit par : Chieuvrou | dimanche, 08 octobre 2006

Je n'osais le dire. Cela dit, rendez vous de Thélème à n'importe quel point du rez-de-chaussée (la salle 12, par exemple), et vous verrez ce merveilleux couloir dignes des plus sublimes bordels de la IIIème République.

Écrit par : Guillaume | dimanche, 08 octobre 2006

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