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mercredi, 22 novembre 2006

Le Misanthrope, revu par Martin Crimp

Deux collègues m'ayant recommandé de découvrir le dramaturge contemporain britannique Martin Crimp, je me suis (volontiers, ma curiosité étant grande) exécuté. Eh bien, ce n'est rien de rare. Si je m'arrête, pour aujourd'hui, à son adaptation du Misanthrope, on peut trouver cela rafraîchissant, bien fait, parfois astucieux. Mais enfin, cela n'invente pas grand chose, d'un point de vue strictement théâtral. Quant à la comparaison entre l'original et la copie, mieux vaut ne pas s'engager sur ce terrain glissant, car le moins que l'on puisse dire, c'est que Molière peut dormir tranquille...

La pièce a été créée en 1996 à Londres. On peut discuter et disputer à l'envi de la transposition dans le milieu contemporain des acteurs et des critiques de cinéma, comme, d'ailleurs, d'une Célimène américaine rebaptisée Jennifer et devenue star du porno soft... Il s'agit là d'un parti pris qui n'a rien de condamnable en soi. Ce qui me paraît, dans cette pièce, d'une grande pauvreté, c'est l'indigence de la langue. Crimp veut versifier, mais,  comme il ne connaît pas le b.a.-ba de la prosodie de langue anglaise, le lecteur (et je suppute que ce doit être cent fois pire pour le spectateur, et pour les acteurs censés se dépêtrer de cette glu informe) n'y voit bientôt plus qu'une suite de rimes fausses et de vers sans rythme ni raison.

Par ailleurs, Crimp choisit de simplifier les relations de pouvoir et de séduction entre personnages, et en un sens qui me semble appauvrir les ambiguïtés de la pièce de Molière : ainsi, au bilan, Alceste n'est qu'une sorte de fou dérangeant, voire de bouc émissaire qui, tout en suscitant un certain malaise chez certaines des figures qu'il côtoie, s'échappe au grand soulagement de tous. Comme c'est du théâtre, fort heureusement, on imagine que cette pièce peut être nettement améliorée par les prestations d'acteurs. À lire, en tout cas, ce n'est pas folichon, d'autant que Crimp ne résiste pas à certains clins d'oeil vraiment appuyés et qui regardent plus du côté de l'autoparodie postmoderne la plus creuse que de l'intertextualité bien sentie. Ainsi, John (le Philinte de Crimp) lance, dès la première scène, au cas où le spectateur mettrait du temps à s'éveiller de sa torpeur :

I have to say that this so-called rage

would make more sense on the seventeenth-century stage.

And surely as a playwright you're aware

of sounding like something straight out of Molière.

(Plays, 2. faber & faber, p. 109)

 

My goodness, what a light-footed gait !

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