lundi, 03 décembre 2007
La lutte anti-LRU, c'est ça...
Ce matin, les cours devaient reprendre sur le site des Tanneurs ; c'était la dernière chance de sauver le semestre, menacé sinon d'annulation pure et simple. Apparemment, certains cours ont pu avoir lieu à Fromont, mais ce fut, rue des Tanneurs, une jolie pantalonnade (une de plus).
Comme la réouverture du site était annoncée pour 10 heures, je suis arrivé à 9 h 30 ; il était impossible d'entrer par le parking, et moins encore par les autres accès. Tout était fermé, et des centaines d'étudiants et de collègues battaient le pavé. Plusieurs groupes de bloqueurs, rassemblés par poignées de huit ou dix, et tous ou presque à visage couvert (écharpe ou pull-over jusqu'au-dessous des yeux), patrouillaient de ci de là. Il y avait aussi plusieurs fourgons de CRS.
Nous avons bientôt appris que des bloqueurs avaient réussi à entrer dans le bâtiment, à bloquer de nouveau de nombreuses issues avant de se réfugier dans la bibliothèque universitaire, non sans avoir forcé l'entrée en démontant une partie du rideau de fer. Tous, collègues, étudiants, secrétaires, nous étions là, dehors, à attendre de voir si le bâtiment allait ouvrir.
Un concours blanc du CAPES d'anglais devait avoir lieu ; en voyant l'heure tourner, nous avons décidé, la collègue qui devait m'aider à distribuer les sujets et à surveiller et moi, de renvoyer les étudiants à leurs chères études (c'est le cas de le dire) et d'organiser le devoir ultérieurement sous forme électronique (ce qui ne va pas sans poser quelques complications, mais enfin...).
Vers onze heures et quart, comme le site n'ouvrait toujours pas, et comme je discutais avec plusieurs collègues, dont une maître de conférences d'italien que je connais un peu et que j'aime bien, le sémillant Benoît La Francesca (que nous avions tous vu, depuis plus d'une heure, aller d'un groupe de bloqueurs à l'autre, et bouillonner d'en découdre avec les CRS) s'est approché de notre petit groupe, et, interrompant notre conversation, a commencé à parler à cette collègue en italien, et en lui disant, en substance, qu'il ne fallait pas discuter avec des garçons comme moi. Trouvant très cavalière cette façon de faire, je lui ai dit sur un ton amusé qu'elle était capable de décider seule qui elle pouvait fréquenter. Sur quoi Benoît La Francesca : "je ne vous parle pas, à vous". Tandis qu'il continuait son discours comminatoire en italien (dans lequel des mots tels que sbiri et fascisti trouvaient naturellement leur place), je lui ai fait remarquer qu'il était paradoxal, d'un point de vue strictement linguistique et performatif, de dire à quelqu'un qu'on ne s'adresse pas à lui. Sur quoi Benoît La Francesca : "je te parle pas, je te dis, et me cherche pas ou je te pète la gueule". Là, je dois avouer que je n'ai fait aucune remarque sur l'aspect éventuellement performatif de cette docte saillie... sans doute est-ce par lâcheté, d'où la phase testiculaire qui s'est ensuivie...
Une fois que Benoît La Francesca eut lâché son "je te pète la gueule", il a été appuyé, dans son discours d'une haute tenue, par un étudiant "bloqueur" qui passait alors près de nous, que je n'avais jamais vu et qui m'a traité de "nazillon visqueux". Ils s'éloignèrent alors tous deux, touchant tableau, et comme je demandais, sans grand espoir d'éclaircissement, ce qui pouvait me valoir le qualificatif de "nazillon visqueux", Benoît La Francesca s'est retourné pour me hurler à la face que je n'avais "pas de couilles".
Les collègues témoins de la scène étaient édifiés. Pour ma part, j'étais très surpris d'avoir même gardé un calme olympien, ce qui n'est pas dans ma nature.
Il faut savoir que M. Benoît La Francesca (dont je pseudonymise ici le nom) est professeur de rang A et que les propos qu'il tenait à la collègue (maître de conférences, comme moi, et donc de rang B) étaient non seulement insultants à mon égard, mais également une menace voilée vis-à-vis d'elle. Bref, en quelques minutes, ce charmant monsieur s'est comporté en mandarin fier de son statut de "rang A", tout en faisant preuve de sexisme, de radicalisme idéologique (pour dire le moins), de goujaterie, et, pour tout dire, en démontrant l'étendue de sa violence. À présent, j'attends de voir si les syndicalistes du SNES-Up, qui ont toujours soutenu ce merveilleux démocrate et polémiste subtil, continuent de lui confier les fonctions de porte-drapeau de la cause syndicale...
En fin de compte, les bloqueurs sont partis manifester, escortés par la troupe des CRS ; il a été annoncé que le site n'ouvrirait pas ce jour, et je suis allé prendre un verre avec quelques amis, avant de rentrer à la maison, non sans avoir raccompagné un collègue chez lui et découvert un disque étonnant : Anna Livia Plurabelle, d'André Hodeir, mise en musique jazz très serrée et vibrante d'un célèbre chapitre de Finnegans Wake. Cela, et le vin de myrte corse, remonte le moral.
16:30 Publié dans WAW | Lien permanent | Commentaires (13)
Commentaires
Voici le communiqué du Président :
"Aujourd'hui, lundi 3 décembre, nous avons voulu procéder, comme annoncé, à la réouverture du site des Tanneurs. Entre 8h15 et 8h30, une centaine d'étudiants bloqueurs, nombre d'entre eux le visage masqué ou cagoulé, a pénétré dans le bâtiment des Tanneurs, se servant de pieds de biche et détruisant plusieurs portes d'entrée. Ces étudiants ont ensuite ouvert, là aussi par effraction, des portes de salles de cours et ont tenté de réaccumuler des tables et des chaises devant les entrées principales. Ils répondaient ainsi au mot d'ordre de l'AG de vendredi qui était d'empêcher toute reprise des enseignements. Par ailleurs, une trentaine de personnes a forcé l'accès à la BU en détruisant le rideau de fer d'entrée. Ils se sont ensuite barricadés dans la salle de lecture de lettres et sciences humaines, dégradant au passage du mobilier. Leurs "revendications" n'apparaissaient pas très claires : ils semblaient exiger du président que celui-ci accepte le principe du blocage.
Devant cet état de fait, et ne pouvant tolérer ces exactions et cet envahissement d'un lieu aussi sensible et symbolique que la bibliothèque, la présidence a décidé de faire évacuer les lieux. Cette évacuation s'est passée dans le calme. La présidence rappelle, à ce sujet, qu'elle ne tolérera jamais des occupations de ce genre qui sont injustifiables.
Il nous faut maintenant remettre en état le site qui, de surcroît, a souffert ce samedi d'actes de vandalisme sévères. En effet, des individus ont pénétré dans la nuit de samedi à dimanche et brisé de nombreuses vitres.
Nous ne pouvons donc pas réouvrir le site pour les étudiants avant mercredi matin. En revanche, les personnels sont invités à venir travailler normalement mardi."
Écrit par : G | lundi, 03 décembre 2007
Quand j'ai vu les véhicules des CRS, je me suis dit "ouais, dégagez-les"(oui, je sais, on peut me le reprocher, en même temps, qui ne l'a pas pensé une seule fois ?)
Je pensais véritablement que soit, les bloqueurs ne bloquaient plus (c'est triste pour un bloqueur de ne pas bloquer), soit, qu'ils allaient être simplement... ejectés ?
Mais j'ai malheureusement vu que la réalité était tout autre...
Vous l'avez d'ailleurs très bien résumé.
A voir, ce matin, tout le monde là, devant un batiment. On se serait cru devant l'accès à une salle de spectacle... Ca m'a fait bizarre ! Et puis l'apparition de M. Le Président (à qui il ne manquait plus qu'un salut à la "Miss France"...) c'était la cerise sur le gateau.
Enfin, le spectacle était au rendez-vous, mais pas celui souhaité. Je ne vais pas refaire le résumé de ce qu'il s'est passé, ni même partager mes pensées. Mais, comme je disais en voyant la fac des Tanneurs s'éloigner dans la vitre arrière de la voiture : "Plus rien ne m'étonne"...
Écrit par : Mélo | lundi, 03 décembre 2007
Si je comprends bien, une bande de trublions fait la loi sans que personne n'ose réagir contre eux. Par laxisme, par peur ? Dans ces conditions, ils auraient bien tort de se priver et au point où en sont rendues les choses les cours ne reprendront sûrement pas avant Noël...à moins que, enfin, des mesures un peu plus vigoureuses soient prises contre eux.
Écrit par : tinou | lundi, 03 décembre 2007
La solution finale appelait donc le démantèlement du rideau de fer ? On va de surprise en surprise ! Le nazillon visqueux que je suis y perd son aryen…
Écrit par : Olivier | lundi, 03 décembre 2007
Joyce/Jazz... un bon mélange ! ça m'intrigue, je vais aller voir ça de plus près...
sais tu si les partiels sont repoussés alors ?
Écrit par : françois S. | lundi, 03 décembre 2007
« Nazillon visqueux »...
Directement inspiré, de toute évidence, du fameux « traître visqueux » du valeureux procureur Andrei Ianourievitch Vychinsky (1883-1954). Et encore, Guillaume, avez-vous sans doute échappé de peu à « vipère lubrique »... Comme quoi il est touchant de voir que nos bons trotskards adoptent sans peine les pires insultes staliniennes. Mais bon, leur héros bedonnant à barbichette n'avait-il pas lui-même les mains indélébilement tachées du sang rouge des marins de Kronstadt, ce qui permet visiblement à ses lointains disciples d'enterrer le piolet pour se revendiquer sans vergogne du Petit Père des Peuples ?
Écrit par : Chieuvrou | lundi, 03 décembre 2007
Moi quand j'ai vu Michel Lussault apparaître à sa fenêtre, appaudi par quelques courageux, j'ai dit à mon mari ( inquiet de me voir traîner par là pour un cours d'anglais de 11 à 13 après un passage à l'institut ( je veux dire IEHA)de la rue Briçonnet, havre de paix, mmmmmm), bref, j'ai instinctivement dit à mon mec "habemus papam", mais bon, c'était con, je reconnais.....Pas du tout pensé à Miss France; pardon-pardon !
"Salut à toi Dame Bêtiiiiseuuuuh
Toi dont le règne est méconnuuuuuuuuuuuuuuûûû !"
Gros con, nazillon visqueux, fashisti, pffffffffff; si le vin de myrte corse et Anna Livia Pluabelle consolent de ça, bravo; mais, bon, on a aussi le droit de verser une larme dans son coin sans démériter; les testicules sont loin des glandes lacrymales, ai-je appris lors de mes études de médecine....De tout coeur avec vous !
Écrit par : Catherine Lolotte | mardi, 04 décembre 2007
Plurabelle, veux-je dire, of course, so sorry, et IEHCA ( culture de l'alimentation); si vous n'êtes jamais rentré emprunter un bouquin là-dedans, allez-y d'urgence; ils sont obligés de fermer au verrou, sinon tous les touristes ( de bon goût, et doublement) entrent, mais vous sonnez et on vient vous ouvrir ( horaires d'ouverture sur notre chère ENT)
Là, au moins, c'st ouvert et ils sont tous charmants, j'ai pu emprunter 8 bouquins l'autre jour, alors que le maximum autorisé est de deux comme à la BS du 4e étage) Je ne vous raconte pas l'ambiance du lieu; Poudlard, c'est de l'Art Déco à côté !
Écrit par : Catherine Lolotte | mardi, 04 décembre 2007
Cher collègue,
Je confirme vos informations, les cours ont eu lieu normalement hier à Fromont. J'ai pu voir une quarantaine d'étudiants inquiets mais prêts à travailler. Cedant arma togae.
Pour le reste, vous savez parfaitement ce que j'en pense.
Bien cordialement,
Stéphan
Écrit par : Stéphan Geonget | mardi, 04 décembre 2007
Il serait tout de même étonnant de la part de nos chers bloqueurs si attachés à la démocratie et à la légimité des sacro-saintes décisions de l'A.G. qu'ils laissent les cours reprendre mercredi.
Si Mr Lussault trouve "des occupations de ce genre [...] injustifiables", je me demande ce qu'il compte faire pour que le blocage qui dure depuis un mois cesse...
J'aime aussi beaucoup l'affiche qu'ils ont mis devant Thélème "Bloqueurs= Voyous, vos lois sont immorales, notre déliquance a ses principes". A quand la reprise des principes de Marx ("pour abréger, pour simplifier, pour concentrer l'agonie meurtrière de la vieille société et les souffrances sanglantes de l'enfantement de la nouvelle société, il n'existe qu'un moyen : le terrorisme révolutionnaire." dans la Victoire de la contre-révolution à Vienne) ? A moins que ceux qui veulent la reprise des cours, c'est-à-dire guère plus que le respect de leurs droits (crime nazi et fasciste s'il en est, vu la réaction des bloqueurs) ne veuillent "abréger le blocage" avec des moyens plus proches de ceux employés par les bloqueurs qui se sont introduits dans la fac ? En tout cas, force est de constater que l'exaspération des anti-blocages a augmenté d'un cran lundi ; la situation finira-t-elle par se calmer ?
P.S. : Qui payera les réparations de la fac ? Ce serait le comble que les frais d'inscription n'augmentent pas à cause de la LRU mais à cause des dégrédations... Encore de l'argent qu'on n'utilisera pas pour nos filières...
Écrit par : Caroline Maidon | mardi, 04 décembre 2007
oui c'est vrai qui paiera?
Le plus cher reviendra surement aux jolis graffiti de nos chers anti bloqueurs...
Il faut savoir regarder la situation dans les deux sens aussi.
Quant aux frais d'inscriptions,ils sont fixés par le ministre de l'education,donc le problème ne se pose pas.Et s'il se pose,les bloqueurs ont alors raison d'avoir peur qu'ils puissent augmenter avec le LRU...
Écrit par : Okami | mardi, 04 décembre 2007
Okami, je désapprouve les graffiti posés par quelques anti-bloqueurs, mais de là à comparer ça aux dizaines de portes fracturées et de vitres brisées par les casseurs bloqueurs ce week-end et lundi matin, il y a un pas...
Écrit par : Guillaume Cingal | mardi, 04 décembre 2007
Là, je ne suis pas d'accord avec vous : on ne peut pas accuser les bloqueurs de ce qui s'est passé ce week-end, étant donné que personne n'a de preuves !
Pour ce qui est des visages couverts des bloqueurs, je ne suis pas d'accord non plus (à part la dizaine ou vingtaine qui est sortie de la BU). Les bloqueurs étaient largement reconnaissable, ce qui nous a permis de jouer au "qui est qui", vu qu'on n'avait rien d'autre à faire...
Je suis entièrement d'accord avec Okami, il faut savoir regarder des deux côtés... parce que l'UNI avec ses affiches, c'est vraiment pas mieux !
Je dois avouer que, naïve, je pensais vraiment qu'on pourrait reprendre les cours lundi. Maintenant, j'en suis à avoir de gros doutes quant à demain...
Écrit par : Géraldine | mardi, 04 décembre 2007
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