dimanche, 28 novembre 2010
"Je parle à mon bonnet..."
Nous allons aujourd'hui à La Flèche (par une journée qui promet d'être froide et grise), et, fort opportunément (mais, me semble-t-il, par hasard) nous avons regardé hier soir, avec Alpha (qui appréhendait, je pense, d'être confronté à une pièce de Molière, pensant cela trop difficile pour lui (alors que je savais, pour avoir été exposé au répertoire classique dès l'âge de sept ou huit ans, qu'il mordrait d'emblée à l'hameçon)), la version filmée de la mise en scène de L'Avare par Catherine Hiégel avec Denis Podalydès. Alpha ne s'y est pas ennuyé un instant, est allé se coucher encore hilare et tout excité, répétant les répliques qui l'avaient le plus fait rire ("les beaux yeux de ma cassette ?") au point d'avoir du mal à s'endormir. Tout juste avons-nous eu besoin de deux ou trois "pauses", le temps de lui expliquer ce qu'était une entremetteuse et ce que celle-ci (Frosine) venait faire dans cette galère, ou la situation de quiproquo entre Cléante emprunteur et Harpagon prêteur à usure.
Du coup, je pense -- le connaissant -- qu'Alpha va lire tout ce qui, de Molière, pourra lui tomber sous la dent, et être enthousiaste à la moindre proposition de regarder Le Malade imaginaire ou Tartuffe. Je suis allé lui dégotter Le Médecin malgré lui dans une vieille édition des Classiques Larousse, et L'Avare, bien sûr, dans l'exemplaire de ces mêmes Classiques Larousse qui appartenait à mon père et à partir duquel ma soeur et moi avions entrepris d'écrire, dans un cahier Héraklès, une version pas même modernisée... une réécriture, au plus, ou une réappropriation (je devais avoir huit ans, et elle douze).
Sur la mise en scène elle-même, pas grand chose à dire, ni à redire. Escalier bien mis à profit, Podalydès très drôle quoique parfois trop virevoltant (son interprétation du monologue me laisse partagé : admirable, en un sens, elle n'a de sens justement que pour quelqu'un qui connaît déjà bien la scène -- or, le méta-méta, s'il convient aux classiques, a tout de même tendance à m'ébouriffer, au théâtre), interprétation globalement bonne quoique penchant vers l'hystérique, et à l'exception d'une Elise dramatiquement mauvaise et dont, au moment de la distribution, au générique de fin, nous avons constaté qu'elle avait un nom maghrébin ; ses origines n'avaient pas pu nous frapper, tout d'abord parce qu'elle n'appartient pas visiblement aux minorités dites visibles, mais surtout parce qu'elle a très bien intégré un mode de jeu que l'on pourrait qualifier d'exécrable à la française.
Et, comme je lis depuis hier après-midi, le journal 2009 de Renaud Camus, Kråkmo, cela m'emmène dans des réflexions en spirale sur la culture, les générations, la discrimination positive etc. Est-il possible que cette actrice se soit retrouvée à la Comédie Française par un simple effet de discrimination, et malgré ses piètres dons (c'est un euphémisme) pour la comédie ? Si c'était le cas, voilà un exemple qui ferait bien du tort, à rebours, aux Roschdy Zem et Sami Bouajila, pour citer deux acteurs que je crois maghrébins, également, et qui sont absolument excellents (et n'ont sans doute pas eu besoin de discrimination positive pour en arriver là où ils en sont, juste d'avoir du talent et de le travailler (ce qui n'est pas rien)).
10:20 Publié dans ... de mon fils, Blême mêmoire, Tographe | Lien permanent | Commentaires (3)
Commentaires
Tiens, nos réflexions se rejoignent, dirait-on...
Écrit par : Didier Goux | dimanche, 28 novembre 2010
Non, non, on avait franchement écrit n'importe quoi si ma mémoire est exacte!
Écrit par : Delphine Cingal | mardi, 04 janvier 2011
Au fait, en ce qui concerne Alpha, j'ai trouvé un moyen de lui faire lire un livre en un peu plus de 24h :-))) J'ai trouvé Le Mouron rouge… en Omnibus (l'intégrale de toutes les aventures du Mouron!)
Écrit par : Delphine Cingal | mardi, 04 janvier 2011
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