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mardi, 30 août 2011

À bâtons rompus

(10 juillet)

Bien entendu, j’ai emporté, pour ces six semaines surtout landaises, beaucoup trop de livres, ou de travail, ou de livres pour le travail. J’ai aménagé le bureau de la maison hagetmautienne de manière à avoir cet ordinateur portable branché, et installé près du vieil ordinateur qui ne sert quasiment plus jamais (et qu’on ne garde qu’en cas de panne, au cas où, ou par un inexplicable conservatisme) ; j’ai rangé sur deux étagères distinctes les affaires de C. et les miennes (livres à lire, livres de Roth lus et dont je veux tirer des fiches). C’est en regardant cette étagère, et d’autant que trois livres en cours de lecture sont à la chambre ou au salon, que je me dis qu’à coup sûr j’ai emporté, pour ces six semaines (dont une, au moins, aura lieu ailleurs, dans l’Aude), trop de lecture. À côté de moi, c’est-à-dire à côté (à gauche) du clavier de l’ordinateur portable, sont posés American Pastoral, avec la bibliographie officielle établie par Paule Lévy, et Parti pris.

Avant-hier soir, avant le samedi sans lecture (nettoyage, installation d’une boîte à lettre sur piquet métallique, ébranchage, courses landaises), j’ai commencé Indignation, un des très brefs et récents romans de Roth. Quoique je n’aie pas encore compris le choix du titre, je n’ai pu m’empêcher de repenser à la rubrique Indignations, que j’avais « doublonnée » plus tard, dans mes autres carnets, au moyen de la rubrique Narines enfarinées : ce mot même d’indignation, qui signifie que l’on s’insurge contre quelque chose d’indigne, n’est-il pas quelque peu ambigu ? ne pourrait-on supposer que celui qui s’indigne se rend lui-même coupable d’intempérance, et qu’il est, par là même, indigne de ce qu’il devrait être ? Le récent succès de librairie, tout à fait grotesque, d’un Hessel a marqué de manière claire que, si l’indignation pouvait être présentée comme une vertu, elle n’en était pas moins fortement imprégnée d’indécence, voire d’indignité en tant que stratégie systémique.

(Un des côtés les plus reposants, mais également – c’est tout à fait logique – les moins propices au travail ou à l’élaboration de réflexions écrites, ici, c’est l’absence de connexion Internet. Bien que je persiste à y trouver le principe fondamental d’un ressourcement, ou d’un repos forcé, souvent, il n’en demeure pas moins que, dès que j’essaie de mettre quelque chose au propre, pour mon travail ou en vue d’une publication ultérieure dans un carnétoile, je me retrouve coincé. Ainsi, pour le travail, il faudrait ici que je puisse creuser le sens du titre de Roth, même sans avoir achevé la lecture du roman dont tout me laisse penser, au demeurant, qu’il ne va pas casser trois pattes à un canard ; pour l’écriture, je devrais pouvoir aller farfouiller du côté de l’OED, ou m’enquérir de toponymie – la ville de Digne ?)

Cela s’est déjà produit : un minuscule insecte se promène sous l’écran, entre les lettres du texte qui s’écrit. Tandis que j’écrivais la phrase qui précède, il est passé du v de ville au r d’écriture. (Insecte ascendant.)

Les textes que j’accumule (et encore : pas toujours) lors des séjours landais pourraient être regroupés dans une nouvelle rubrique : À bâtons rompus. Les textes, devenus rares (je m’échinais ou ferraillais plus souvent en 2005 – non que je me sois tout à fait calmé depuis, comme l’affaire Asensio a pu le démontrer, mais j’ai aussi eu ma part de batailles dans le domaine professionnel), de la rubrique Indignations pourraient, eux, porter le titre collectif : À lances rompues. (Ne dit-on pas, pourtant, briser des lances ?)

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