mardi, 20 septembre 2011
Saison des coings, op. 11
Au-dessus de la baie, est tendue une bande de drap blanc, sur laquelle sont brodés, en soie bleue et violette, jouant le camaïeu, des chrysanthèmes entre des iris et des fleurs de cognassiers.
(Journal des Goncourt, 14 décembre 1894)
Depuis que nous avons acheté notre maison dans le quartier des sçavans, à Tours-Nord, en décembre 2008, le mois de septembre est devenu la saison des coings. (Et octobre-novembre la saison des nèfles qui pourrissent le gazon. Mais c’est une autre histoire) Il y a deux cognassiers, que je préfère encore en mai-juin, ainsi que les néfliers : quelle verdure lumineuse, apaisante !
Ainsi, le coing devient motif.
Une recherche dans mes archives photographiques en ligne m’a permis de retrouver un texte que je n’avais pas encore publié dans Entre Baule et Courbouzon, oubli qui sera réparé demain.
Madame de Véhesse m’avait fait savoir, lorsque j’avais publié ce texte dans le groupe La Cohérence échevelée du monde, que « dans le jardin de la maison de Mallarmé, il y a des cognassiers ». Mais est-ce la maison de Valvins, photographiée il y a deux jours par Denis Trente-Huittessan ? Par ailleurs, nous avons eu, ma mère et moi, avant-hier aussi, un échange culinaire tout à fait étonnant, à propos de la photographie d’un compotier.
Ma mère a écrit : « Donc, les pruneaux améliorent peut-être la compote aux coings! »
À quoi j’ai répondu, toujours en écoutant le Concerto op. 24 de Webern (il faut brouiller les pistes) :
« Pour ma part, j'avais bien aimé (et E*** aussi, je crois) la 1ère version (75% coings, 25% pommes et sucre). Celle-ci est moins présentable, mais fait plus l'unanimité. Nos deux cognassiers croulant sous les fruits, et le temps manquant (donc pâte ou gelée exclues), C*** a aussi eu l'idée de faire cuire un rôti de porc en ajoutant deux coings aux pommes de terre et sauce tomate habituelles. »
Ça y est, l’ordinateur Toshiba refait un bruit d’enfer. Il faut brouiller les pistes.
Les trois (ou quatre) D
(Billet écrit le 10 juillet 2011)
“Growing up, I’d never known of a single household among my friends or my schoolmates or our family’s friends where the parents were divorced or were drunks or, for that matter, owned a dog. I was raised to think all three repugnant. My mother could have stunned me more only if she’d told me she’d gone out and bought a Great Dane.” (Indignation, 2008. Vintage, 2009, p. 154-5)
Dans cet extrait, on ne peut qu’admirer le trait, typiquement rothien (voilà qui sonne bien mal – même « Rothian » en anglais ne me paraît pas souhaitable), qui consiste à scruter un moment particulièrement tragique et traumatisant à l’aune de ce qui pourrait sembler dérisoire : usages du sarcasme à fins d’ironie – ce qui renforce l’acuité du moment, dans son tragique même. Ici, les trois figures du Mal, liées par une allitération en anglais, sont, par un effet de chute, ou de gradation ascendante pseudo-sérieuse, le Divorce, l’Alcoolisme et les Chiens.
Le sème dogs se dédouble d’ailleurs, du point de vue de l’allitération, en Great Dane (dont je me demande (pas de dictionnaire ni d’Internet ici) si ce n’est pas, en anglais, le doberman : voilà qui aurait le mérite de sauver en partie l’allitération dans une traduction). Or, quoique ce bref roman n’appartienne pas au corpus des neuf ‘Zuckerman Novels’, on ne peut s’ [= je ne peux m’ ?] empêcher de songer que le choix de cette race de chien ne doit rien au hasard : à plusieurs reprises, le regard que porte sur ses parents le narrateur spectral d’Indignation, Marcus / Markie / Marc, rappelle, sur un versant négatif, l’idéalisation, dans American Pastoral et la perspective subjective de Zuckerman, de Seymour Levov, le jeune homme parfait de l’immédiate après-guerre, l’idole sportive dont le surnom n’est autre que ‘the Swede’. Est-ce pécher par excès d’herméneutique que de vouloir rapprocher le contexte complexe des deux romans, tant militaire (Seconde Guerre mondiale, guerre de Corée, guerre du Vietnam) que religieux, de la rivalité historique tout aussi complexe qui a longtemps opposé Danois et Suédois ?
N’y a-t-il pas, dans ce rejet du « grand danois », du doberman (du berger danois ???), un rejeu de la critique subtile de l’idéalisation de l’American way of life telle qu’elle est portée / incarnée par un protagoniste surnommé, dans American Pastoral, « le Suédois » ?
11:28 Publié dans Nathantipastoral (Z.) | Lien permanent | Commentaires (0)