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mardi, 20 septembre 2011

Les trois (ou quatre) D


(Billet écrit le 10 juillet 2011)

 

“Growing up, I’d never known of a single household among my friends or my schoolmates or our family’s friends where the parents were divorced or were drunks or, for that matter, owned a dog. I was raised to think all three repugnant. My mother could have stunned me more only if she’d told me she’d gone out and bought a Great Dane.” (Indignation, 2008. Vintage, 2009, p. 154-5)

 

Dans cet extrait, on ne peut qu’admirer le trait, typiquement rothien (voilà qui sonne bien mal – même « Rothian » en anglais ne me paraît pas souhaitable), qui consiste à scruter un moment particulièrement tragique et traumatisant à l’aune de ce qui pourrait sembler dérisoire : usages du sarcasme à fins d’ironie – ce qui renforce l’acuité du moment, dans son tragique même. Ici, les trois figures du Mal, liées par une allitération en anglais, sont, par un effet de chute, ou de gradation ascendante pseudo-sérieuse, le Divorce, l’Alcoolisme et les Chiens.

Le sème dogs se dédouble d’ailleurs, du point de vue de l’allitération, en Great Dane (dont je me demande (pas de dictionnaire ni d’Internet ici) si ce n’est pas, en anglais, le doberman : voilà qui aurait le mérite de sauver en partie l’allitération dans une traduction). Or, quoique ce bref roman n’appartienne pas au corpus des neuf ‘Zuckerman Novels’, on ne peut s’ [= je ne peux m’ ?] empêcher de songer que le choix de cette race de chien ne doit rien au hasard : à plusieurs reprises, le regard que porte sur ses parents le narrateur spectral d’Indignation, Marcus / Markie / Marc, rappelle, sur un versant négatif, l’idéalisation, dans American Pastoral et la perspective subjective de Zuckerman, de Seymour Levov, le jeune homme parfait de l’immédiate après-guerre, l’idole sportive dont le surnom n’est autre que ‘the Swede’. Est-ce pécher par excès d’herméneutique que de vouloir rapprocher le contexte complexe des deux romans, tant militaire (Seconde Guerre mondiale, guerre de Corée, guerre du Vietnam) que religieux, de la rivalité historique tout aussi complexe qui a longtemps opposé Danois et Suédois ?

N’y a-t-il pas, dans ce rejet du « grand danois », du doberman (du berger danois ???), un rejeu de la critique subtile de l’idéalisation de l’American way of life telle qu’elle est portée / incarnée par un protagoniste surnommé, dans American Pastoral, « le Suédois » ?

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