dimanche, 23 octobre 2011
Exister est un plagiat : 17 et 56
17
Se poursuit une existence banale d’adolescent qui veut se croire à part (et en souffre).
La philosophie est une profonde découverte. (Banal.)
Alors que j’aurais aimé sortir avec telle, telle ou telle, dont aucune même ne m’a jeté un regard, je repousse, certes gentiment, la déclaration courageuse et digne d’une camarade de classe, parce qu’elle ne me plaît pas. (Banal.)
Je fais du théâtre amateur, joue Théramène ultra-maquillé et tout en rose fluo dans une parodie de Phèdre, en fais des tonnes, et ça marche. (Banal.)
J’ai mon bac, échoue à deux doigts de la mention TB, ce qui m’agace. (Banal.)
Une semaine à Madrid. Tombe amoureux sans espoir. (Banal.) Ai oublié la fille en question trois semaines plus tard. (Banal.)
Avant de fêter mon dix-septième anniversaire, je suis pris dans un tourbillon enchanteur – qui s’appelle l’hypokhâgne. (Banal.) Ce n’est pas le défilé en toge avec des Gaffiot en chantant Vara tibi khâgna, mais le travail ; j’adore tout ce qu’on nous apprend. J’essaie d’avoir quelque distance vis-à-vis de mon propre enthousiasme.
(Mince, quoi, je voulais devenir journaliste. (Banal.))
56
Banalités de ma vingtième année : je khûbe, et je boutonne tellement sacrément que la dermato (dont les crèmes grasses et casse-pieds me passent par-dessus la tête) me met sous Roaccutane avec des prises de sang mensuelles, ça ne rigole pas. On ne va quasiment plus jamais passer la nuit dans la chambre de C***. Notre appartement, c’est le studio de Coppélia.
Et puis, du moins banal, peut-être ?
Je sèche tous les cours de philo. Le prof est un vieux dingue totalement irrécupérable. Six heures de gagnées, chaque semaine, pour le reste du travail : comme je passe la Licence d’anglais en parallèle de la préparation du concours de Normale Sup’, mais par télé-enseignement, ce n’est pas du luxe. (Je me souviens qu’indépendamment de la traduction, des cours de linguistique et de civilisation, ainsi que de quatre cours de littérature française des 19e et 20e siècles que j’avais choisis en option, le programme de littérature comportait pas moins de huit œuvres : deux pièces de Shakespeare, 1984, David Copperfield, Frankenstein – le reste devait être américain, curieux que je n’en ai aucun souvenir !)
Chronotope du printemps 1994 : l’après-midi, vers 5 heures, le parc Peixotto.
En juin, par une chaude soirée, alors que nous revenons du cinéma, je mets une pièce de deux francs (c’était ma pièce préférée) dans la fente d’un distributeur de boissons en très net dysfonctionnement, car, au lieu d’une, C*** et moi repartons avec huit ou neuf canettes (Orangina et Cherry Coke). Cette anecdote stupide a été, par la suite, prétexte à de nombreux fous rires.
L’après-midi du jour où j’apprends, par le Minitel, que je suis admis à l’E.N.S., je téléphone à C*** pour lui annoncer la mauvaise nouvelle (nous allons vivre séparés :
toutefois, dès octobre, je réussis à m’arranger, et je rentre une semaine sur deux à Bordeaux pour un week-end prolongé de cinq jours).
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