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mercredi, 20 janvier 2016

▓ specimen ▓

Aujourd'hui, pas de remarques sur les manières de traduire la prose de Farah, ni sur le rythme ternaire, mais plutôt un exemple de description subjective (en point de vue interne). Caloosha appartient à la catégorie des personnages “sans qualités”, non au sens de Musil mais dans un sens plus conventionnel : vil, veule, n'atteignant même pas au sublime du Mal. (D'une façon générale, il n'y a pas de personnages shakespeariens dans l'œuvre de Farah.)

 

Jeebleh took his time, comparing his memory of Caloosha when he had seen him last with the specimen in the high chair. He was looking at a man with a more prominent nose than he remembered, a much fatter man, with so distended a paunch it spilled over his belt and lay flat in his lap. His face was puffy, the hair was thin on his skull, patchy, and peppered with gray at the sides. He could easily have done a send-up of a Buddha, only he had no wisdom to impart. Alas, the years had not humbled the fool in the least.

(Secrets, 2003. Ch. 10. Penguin, 2005, 101)

 

Le caractère péjoratif de la description ne provient pas uniquement de traits physiques repoussants ni même du jugement général qui clôt le paragraphe (he had no wisdom to impart / the fool), mais plus encore d'éléments prosodiques savamment orchestrés :

  • l'apodose constituée uniquement de monosyllabes, à l'exception (mimétique) de distended : with so distended a paunch it spilled over his belt and lay flat in his lap [On devrait même parler d'hypotypose. La brièveté de l'expression renforce le caractère cinglant, méprisant, du regard porté sur Caloosha.]
  • le lien entre cette description d'un bouddha ignare et le nom même du personnage : en somali, caloosha désigne la bedaine des hommes mûrs, ce que les Allemands nomment Bierbauch. La figure du patriarche obèse, aussi grotesque qu'autoritaire, traverse l'œuvre, avec notamment Shiriye.
  • le tracé qui conduit du premier substantif désignant Caloosha (specimen) à l'expression send-up of a Buddha : “send-up” signifie ici “caricature”, et, selon l'OED, parodie volontaire.

 

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