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mercredi, 31 août 2016

Dernier août, et dernière virée estivale

31 août

 

Pour ce dernier jour du mois, et le dernier jour de vacances des enfants, nous avons pris la route buissonnière, tandis que C***, tout le jour, subissait la longue file des réunions de pré-rentrée (jusqu'à 18 h 15!).

Après une pause aux Montils, nous avons visité le château de Fougères-sur-Bièvre, où nous étions quasiment seuls à l'exception d'un couple (de Néerlandais?) et que j'avais déjà visité avec A*** en janvier 2008. Le souvenir en était flou, et même la curiosité principale, qui est d'un château-fort construit à la fin du 15e siècle, quand ça n'a plus aucun sens, et avec le donjon du côté le plus mal protégé (cette deuxième bizarrerie s'expliquant sans doute par la première : un propriétaire et maître d'œuvre assez réac pour vouloir le style ancien, mais tout en comprenant que les impératifs de défense n'étaient déjà plus qu'un souvenir). Exposition hideuse de châteaux-forts pour enfants en plastique et carton-pâte dans la grande salle de réception du premier étage. Quelques versions assez hallucinantes aussi de contes pour enfants, ainsi de ces Bottes de sept lieues avec Félix le chat (mais sans Chantal Goya, heureusement).

J'avais le souvenir d'un grand jardin derrière ; je dois confondre, car il y a seulement un beau jardin des simples et une allée herbeuse coincées entre la maigre Bièvre et la galerie à arcades. (Il faudra aussi, comme je m'en suis avisé, repartir visiter Talcy.)

Détour par Contres pour retirer de l'argent, puis pique-nique à Cellettes, près du double pont sur le Beuvron. Les garçons ont été bien délirants.

Visite du château de Beauregard, là encore déjà visité, au moins en septembre 2008 pour A*** et moi, lors d'une semblable journée de pré-rentrée, O*** alors chez sa nounou. A*** l'avait aussi visité avec sa mère quelques mois, voire une bonne année plus tôt, et il pense d'ailleurs qu'il mélange les deux visites. Ce qui est certain, c'est qu'on n'y accède plus par l'allée royale. Le parking est de l'autre côté, et on accède au château en passant par la grande pièce d'eau ou par le grand jardin français et son bois orné d'un “jardin des portraits” fort détaillé, qui reprend, avec des reproductions photographiques de qualité inégale et en les regroupant de façon plus rigoureuse et circonstanciée, une majeure partie des portraits de la célèbre galerie. Il n'empêche que, quand on arrive, une fois passées les deux ou trois premières salles – plus anecdotiques –, le charme de cette extraordinaire galerie des portraits agit pareillement. L'effet de surprise demeure, et l'ensemble de ces bois peints est vraiment à couper le souffle. Fous rires possibles en voyant certaines coiffes et certaines barbes ; garder l'âme taquine n'est pas prohibé.

Retour, toujours par la rive nord (malgré le GPS qui voudrait faire rentrer par Blois et Château-Renault (horresco referens) ou par la rive sud, tellement plus ingrate), sous un soleil de plomb, le long de berges jaune pâle à force de sécheresse, ce qui se voit bien avec la Loire, plus bancs qu'eaux vives.

Dans la soirée, discussions et commentaires divers sur l'organisation de l'année, avec l'emploi du temps de C***, qui est bon cette année, et celui d'A*** qu'elle avait réussi à récupérer, puisqu'il embauche désormais dans le même lycée qu'elle. Évidemment, il serait étonnant que les emplois du temps ne changent pas, voire en profondeur, d'ici deux semaines, donc j'ai incarné mon habituel rabat-joie en incitant le pauvre A*** à ne pas se réjouir trop tôt de son samedi matin libre.

Le soir, après pas mal de mails professionnels et un Woody Allen exécrable (il pond désormais de parfaits navets), poursuivi à peine la lecture de Histoire de Knut.

 

Elisa Shua Dusapin :::: Hiver à Sokcho

D’emblée, le nom de l’écrivaine a surpris — en voyant passer ce livre sur le “mur” d’un ami libraire, puis sur les tables de la librairie où j’ai mes habitudes. Cette jeune femme a donc double nom, penchant du côté coréen et du côté français (avec l’énigme possible d’un lien avec le compositeur). D’autre part, je suis souvent attiré par les romans dont le titre contient un toponyme aux sonorités efficaces (Mon double à Malacca, tiens, pour n’en citer qu’un).

Hiver à Sokcho est un récit presque traditionnel, qui rappelle un certain nombre d’histoires, notamment cinématographiques, sur la rencontre timide de deux étrangers dans un lieu “hors circuit”. Il évite totalement les écueils des histoires Orientale/Occidental : bien que Yan Kerrand, au nom plutôt breton, s’identifie apparemment à la Normandie et aux bocages*, et bien que la narratrice multiplie les références à la culture coréenne, culinaire notamment, aucun des deux personnages n'a d'identité nationale assignable ou réductrice.

Dans un style parfois âpre, parfois plus délié, non sans abuser ponctuellement des phrases nominales ou de séries de phrases brèves, Elisa Shua Dusapin tourne autour de ces deux personnages dont l’opacité constitue la trame du roman. Que “le Français” soit un auteur de bande dessinée n’a rien d’un gimmick, tout d’abord parce que cela permet de caractériser cet homme en profondeur, de lui donner une véritable épaisseur de personnage, mais surtout car cela vient en écho à la prose très visuelle d’Elisa Shua Dusapin, une prose qui joue beaucoup sur le trait, sur l’esquisse.

Par-delà les figures que dessine, par exemple, le rapport de la narratrice – et de son entourage – à la cuisine et aux codes culinaires coréens, le roman raconte, en abyme, comment le lecteur même découvre cette jeune femme et ce qu’il lui est loisible de voir en elle.

J’avais senti le changement dans son regard. Au début il ne me voyait pas. Il avait remarqué ma présence comme un serpent se glisse en vous pendant vos rêves, comme un animal de guet. Son regard physique, dur, m’avait pénétrée. Il m’avait fait découvrir quelque chose que j’ignorais, cette part de moi là-bas, à l’autre bout du monde, c’était tout ce que je voulais. Exister sous sa plume, dans son encre, y baigner, qu’il oublie toutes les autres. Il avait dit aimer mon regard. Il l’avait dit.

(Hiver à Sokcho. Zoé, p. 120)

 

Une jeune écrivaine très prometteuse, à découvrir, puis à suivre.

 

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* À ce propos, le nom du peintre Claude Monet est orthographié à deux reprises “Monnet” (p. 70). Quand on dit qu'il n'y a plus de relecteurs dans les maisons d'édition...