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jeudi, 23 février 2017

Si j'aurais su...

« Tous les joueurs bordelais, qui n'ont pas joué à la suite du report du match contre Lorient, ont consenti le travail foncier ce matin, sauf Diego Rolan qui a entamé sa phase de réathlétisation. » (Sud-Ouest du 10 février 2014)

Une vraie question : comment traduire cette espèce de novlangue à mi-chemin entre le VRP en téléphonie et le journaliste-qui-se-prend-pour-un-kiné-qui-se-prend-pour-un-toubib ? Peut-on (doit-on) la traduire comme ce qu'elle est, à savoir dans un jargon équivalent, ou est-on autorisé à écrire cela dans un anglais compréhensible ?

 

Cette question, que je posais le 10 février 2014, est centrale à toute réflexion théorique sur la traduction.

Récemment, des articles s'en sont fait l'écho au sujet de l'indigence syntaxique et lexicale de l'anglais parlé par Donald Trump. Plus littérairement, c'est la difficulté majeure à laquelle est confronté tout traducteur de Tutuola. Pour prendre un exemple plus populaire, et auquel je me suis coltiné récemment avec mes étudiants internationaux : comment traduire le célèbre si j'aurais su j'aurais pas v'nu de Petit-Gibus (sous la plume de Pergaud) ?

Plus récemment encore, François Bon a abordé cela à propos de ses traductions de Lovecraft :

Comme d’accoutumée, on s’est fait un scrupule de respecter les parfois très étranges diptyques que propose la phrase lovecraftienne, avec son point-virgule séparant deux éléments syntaxiques parfois autonomes, parfois pas — c’est qu’il y était tout aussi scrupuleusement attaché, Lovecraft. Et le traducteur profite d’une prose pour une fois alerte, racontée par un étudiant en médecine avec les quelques lourdeurs d’usage que nécessite son rôle : un petit côté empesé, qui peut même prendre des facettes presque pédant, ou presque précieux, mais qui est l’exacte fissure par quoi imposer l’objectivité du narrateur, son impossibilité à inventer. À preuve la maîtrise et la souplesse de la langue dont est armé Lovecraft, dans ses lettres comme dans ses poèmes ou ses essais : un registre absolument maîtrisé, et dans ce qui peut sembler une lourdeur, que le traducteur doit respecter comme telle (on pourra comparer avec le narrateur de La chose sur le seuil ou celui de Dans l’abîme du temps), l’exacte nappe où va se jouer discrètement toute l’illusion du fantastique.