vendredi, 21 mars 2025
21032025
Dans mon poème de ce matin, j’ai employé le verbe apiter dans le sens de « placer en hauteur, à un endroit difficile à atteindre ». J’admets que je ne crois pas avoir entendu qui que ce soit d’autre que mon épouse, ou, avant elle, son père, employer ce verbe. Je me suis amusé à inclure, dans le poème, le fait que le correcteur orthographique de Word ne le connaît pas, et le souligne donc de son immarcescible vaguelette rouge.
Une fois le poème écrit, je suis allé vérifier, par acquit de conscience, s’il y avait des sites qui répertoriaient cet usage que j’imagine régional. Eh bien, les dictionnaires consultés donnent tous apiter comme synonyme désuet et régional d’apitoyer. Le plus aberrant est qu’un de ces dictionnaires (cf ci-contre) donne cette même définition, avec une citation qui ne correspond pas du tout : ici, on comprend qu’apiter veut dire entraver (peut-être avec un morceau de bois ?).
La réponse est venue, comme souvent, de mon exemplaire du précieusissime Dictionnaire gascon-français de l’abbé Vincent Foix, rédigé entre 1885 et 1932 par le curé de Laurède, dans les Landes, et resté à l’état de manuscrit (abîmé d’ailleurs) jusqu’à ce qu’une poignée de vaillant·es linguistes du Centre d’Étude des Cultures d’Aquitaine et d’Europe du Sud ne décident de l’éditer et de le publier (Presses Universitaires de Bordeaux, 2003) : tout autant que le nom de Vincent Foix, les noms des quatre responsables de projet méritent d’être cités : Paule Beterous, Michel Belly, Jacques Plantey, Pierre Leste.
Or donc, à la page 26, on y trouve le verbe apita (apitra du côté de Labouheyre) : dresser, mettre sur… et l’adjectif apitat, ade : dressé, perché sur. C’est donc bel et bien un régionalisme (gascon) de dire que les tourterelles sont apitées sur la poutre au-dessus du perron. Vincent Foix cite d’ailleurs, pour illustrer l’adjectif, ce qu’il nomme un proverbe et qui semble davantage être une sorte de comptine :
Jule
Apitat sus uoü mule
Le mule que pren lou galop
Jule qu’es coupe lou cot
08:16 Publié dans 2025, Mots sans lacune, Words Words Words | Lien permanent | Commentaires (2)