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vendredi, 21 octobre 2005

Amiel et ses 8100 pages

J'avais déjà, butinant la toile, convoqué les mânes d'Amiel lors d'une précédente célébration improbable. Revoici ce maître tutélaire du journal intime, ce modèle structurel du carnétoile, pour ce paragraphe génial écrit le 21 octobre 1867, il y a 138 ans:

8100 pages en 20 ans, c'est 400 pages par an, plus d'une par jour. Quelle immense paperasserie. M'aura-t-elle fait du bien ou du mal? Tous les deux; mais le bien l'emporte-t-il sur le mal? Croyons-le, car ce!a est possible, mais ce n'est pas évident. Est-ce que mille pages imprimées n'eussent pas mieux valu de toute manière que ces 8000 pages manuscrites? Il est vrai que ces griffonnages m'ont aidé à vivre. Mais ce soliloque de vingt ans m'a peut-être trop remplacé de choses meilleures. Sans lui, j'eusse été, pour ainsi dire, contraint au dialogue, j'aurais dû épouser une femme, un parti, une ambition, mettre mon intérêt et ma passion dans l'œuvre de mes mains, dans une cause quelconque; j'aurais dû m'emparer quelque peu du monde extérieur pour y verser mon âme et pour revoir que!que part en lui mon empreinte. Au lieu que trouvant ici un asile toujours ouvert, un auditeur toujours complaisant, j'ai pris l'habitude de me taire pour le prochain et de me suffire comme auditoire.

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