mercredi, 12 septembre 2012
L'Année terrible
Sitôt que le char marche, il se met à crier.
Suite à des cheminements plutôt complexes, je me suis replongé, depuis hier, dans L'Année terrible. Toujours eu un faible pour ce recueil, que je n'avais peut-être pas ouvert depuis dix ans, et, à coup sûr, pas réellement lu depuis la fin de mon adolescence. Je suis heureux de voir que les poèmes m'en semblent toujours aussi forts, que la parenté avec les Tragiques me frappe toujours autant, et, pour finir, que je continue de ne pas comprendre du tout l'espèce d'arrière-plan ou de seconde zone dans lequel (laquelle ? mince, ça m'apprendra à me regarder écrire) la poésie de Hugo est rejeté(e?) depuis un gros quart de siècle, voire plus. N'est-il pas possible d'aimer Baudelaire, Verlaine, Mallarmé et Hugo ? je ne vois pas d'incompatibilité, ou alors c'est moi qui suis coupable de ne pas trancher.
je défends
Terrassés ceux que j'ai combattus triomphants
J'ai parcouru aussi la préface qu'Yves Gohin a pondue pour l'édition NRF-Poésie ; elle m'avait agacé jadis, et m'agace encore. Gohin voudrait que, dans le corpus hugolien, L'Année terrible se situe plusieurs tons en-dessous des Contemplations et des Châtiments. Pas d'accord, là encore. C'est la même voix empreinte de douceur et d'abîme, le même souffle puissant, le même travail sur le vers, qui parvient à surprendre encore jusqu'au lecteur blasé de 2012 que je suis devenu. Dans sa structure, c'est un recueil foudroyant. Dans ce qu'il nous dit de la débâcle de 70 et des affres d'une impossible renaissance, il brûle les yeux. Dans son lyrisme même, il est épique.
Ivres, ils vont au gouffre obscur qui les attend.
Je me rappelle que, lorsque j'étais tombé sur ce recueil, aux alentours de 1990, j'avais été surpris : moi qui étais très hugolien (j'avais lu, en Pléiade, la totalité de son théâtre, sans toujours tout comprendre bien sûr, en classe de 4ème, en 1986-7), je ne connaissais même pas l'existence de ce livre, et avais d'abord songé qu'il s'agissait d'un florilège. Il me revient aujourd'hui. Pourtant, il était là, toujours, sur les rayonnages.
Sans cesse, le relisant, je voyais la Libye de 2011, je songeais à la Syrie d'aujourd'hui. Et cette "actualité" du poème a beau n'être souvent qu'un cliché doublé d'une fadaise, elle bouleverse quand on la ressent vraiment.
Ô flot, c'est bien. Descends maintenant. Il le faut.
08:20 Publié dans Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
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