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dimanche, 07 février 2021

Gide, Matzneff... et Marianne...

Un ami facebook, qui est aussi un collègue, attire mon attention sur un article publié par Marianne le 26 août dernier et intitulé "Pédophilie : d'André Gide à Gabriel Matzneff, comment la littérature a arrêté d'être une excuse".

Tout d'abord, je remarque que Marianne, le journal de la négationniste Polony, journal habituellement porté à dénoncer la "cancel culture" pour mieux défendre les privilèges établis, propose quand même ce papier, dans lequel (je le signale au passage) le journaliste met des circonflexes où il n'en faut pas, confusion du passé simple de l'indicatif et de l'imparfait du subjonctif.

Une manière de régler (partiellement, je l'admets) le problème est que 95% de l'œuvre de Gide n'a aucun rapport avec ses activités pédocriminelles ou avec la fascination sexuelle pour les enfants. Certains de ses livres sont des jalons essentiels du modernisme (Paludes, Les Faux-Monnayeurs, Isabelle, voire même La Symphonie pastorale si on veut), sans parler de ses essais politiques, qui permettent encore aujourd'hui de penser le rapport des intellectuels français à la colonisation ou à la tentation du communisme. Matzneff, lui, n'a écrit quasiment que sur les "jeunes filles" (de 13-16 ans en général), dans une apologie sans cesse ressassée de l'amour entre un homme déjà fait voire bien mûr (à condition qu'il soit grand bourgeois et aime la peinture italienne) et des gamines ; ses textes sont tout à fait médiocres, pour ne pas dire mauvais. Je me rappelle avoir tenté de lire un volume de son journal, il y a longtemps, et c'était tellement dérivatif, poseur et navrant que ça m'était tombé des mains. Son dictionnaire philosophique, Le Taureau de Phalaris, est un recueil d'âneries et de petites piques dissimulées sous de la gélatine pseudo-argumentative. Même en "séparant l'homme de l'artiste", on se rend compte qu'on peut jeter l'un et l'autre dans les oubliettes... ou dans les égouts. Il en va de même, d'ailleurs, de Tony Duvert, cité dans l'article... Un livre très problématique de la même époque, même pas cité dans l'article, est le Voyage avec deux enfants de Hervé Guibert, "roman" très dérangeant, à dire le moins.

Par ailleurs, pour en revenir à l'article, peut-on faire remarquer que tout y est un peu sens dessus-dessous ? Il me semble quand dans Si le grain ne meurt Gide raconte la naissance de sa sensibilité homosexuelle par les amours entre adolescents. Dire qu'il y "tente de justifier son goût pour les adolescents" me semble, au minimum, une exagération, et au pire un contresens. De même, comment peut-on citer cette vieille baderne de Lestringant et le laisser employer pédérastie et pédophilie comme des synonymes sans faire suivre la citation d'un rectificatif ? Le sens premier de "pédérastie" est bel et bien le même, mais le sens "par extension" (homosexualité masculine), que donnent tous les dictionnaires (à commencer par le TLFi), correspond à la majorité des citations. N'y a-t-il pas, de la part du journaliste, une tentative de faire oublier l'affaire Matzneff en la diluant dans une dizaine d'autres exemples, mais surtout en suggérant que la majorité des écrivains pédophiles ou pédocriminels furent des homosexuels ? la vieille analogie entre homosexualité et pédophilie se trouve ici remise au goût du jour et le livre de Springora, qui a notamment permis de mettre en évidence un système hétéropatriarcal grand-bourgeois d'emprise sur le corps et la personne des adolescentes, n'y est plus qu'une note de bas de page.

 

Commentaires

Sur le même sujet, l'auteur du livre a ses opinions bien à lui mais il y a des éléments intéressants : https://laurent-mucchielli.org/index.php?post/2021/02/02/La-pedopornographie-en-litterature

Écrit par : Jérémie | mercredi, 10 février 2021

Ce que dit Prolongeau au début de son article, à propos de Trenet, n'est pas exact. C'est, du moins, d'une perspective faussée. Si, à partir de 1963-64, sa carrière a en effet subi un très net ralentissement, pour ne pas dire plus, ce fut dû très essentiellement, comme pour beaucoup d'autres chanteurs d'alors, a l'irruption et à l'envahissement soudain de la "pop" et des "yéyés".

D'autre part, l'éclipse en question n'a pas duré 20 ans : je me souviens que, invité au Printemps de Bourges à l'instigation de Jacques Higelin, Trenet y a remporté un véritable triomphe auprès des jeunes chevelus de ma génération. C'était en 1976…

Écrit par : Didier Goux | mercredi, 10 février 2021

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