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samedi, 18 janvier 2025

18012025

Ma grand-mère maternelle est morte hier.

(Je n’aime pas l’adjectif décédé·e ; je l’évite comme la peste.)

 

Ma grand-mère maternelle est morte hier. Je l’ai appris à l’issue d’une petite réunion plutôt informelle, via Teams, d’un comité scientifique.

Je passe sur l’intime.

 

Une de mes collègues m’a écrit ceci : « Perdre ses grands-parents c'est faire le deuil de tout un pan de l'enfance. » Cela peut sembler une évidence, un poncif, mais c’est une très belle phrase, au fond, très juste. J’ai eu la grande chance de connaître mes quatre grands-parents jusqu’à une période assez avancée dans ma vie d’adulte : mon grand-père maternel est mort en 2012, et mes grands-parents paternels en 2015 et 2018 respectivement. J’ai donc aussi, avec eux, des souvenirs de l’enfance de mes fils. Mais ce qui remonte, dans ces moments-là, c’est surtout des épisodes ou des images de mon enfance.

Une autre collègue m’a écrit : « quand on ne cesse pas de parler d'eux, ils ne meurent pas ». Vieille vérité, mais qu’on oublie peut-être. Aujourd’hui, en regardant (d’un œil agacé) un court métrage documentaire des « scotcheuses », je regardais aussi le ballet des moineaux et des mésanges autour des mangeoires, et je rêvassais à un film que je pourrais fomenter pour parler d’eux.

 

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Commentant la photographie que j’ai choisie pour saluer sa mémoire sur Facebook, l’écrivaine Monique Séverin (que j’ai rencontrée une fois, en 2023) a écrit : « Oh, ce sourire ! Et cette symbiose avec son environnement... »

J’étais très touché car c’est la seule qui a exprimé ce que j’avais voulu montrer avec cette image.   Ma grand-mère n’était pas très amoureuse des grands espaces sauvages — quoi qu’elle ait beaucoup pratiqué la randonnée dans les Pyrénées et nagé, jusqu’à un âge avancé, dans les flots peu commodes et les rouleaux de l’océan Atlantique, à Contis notamment —, mais c’était quelqu’un qui aimait les jardins, les fleurs, le vert que l’on a sous les yeux.    J’ai choisi cette photo pour tout cela, et pour le regard un peu mélancolique mais surtout très vif, méditatif, prêt peut-être à ne pas être d’accord ; elle était aisément sceptique, et souvent un peu trop sûre d’avoir raison.

 

Je suis d’autant plus touché par la remarque de Monique Séverin que j’avais commencé, deux jours avant la mort de ma grand-mère, la lecture du roman de l’écrivaine réunionnaise La bâtarde du Rhin, et que les secrets de famille qui traversent ce roman font un peu écho à une partie de l’histoire de cette partie-là de ma famille : mon arrière-grand-mère, la mère de ma grand-mère que vous voyez ici assise dans l’herbe, était une enfant de l’Assistance publique, et avait souffert d’avoir été marquée toute son enfance et toute sa jeunesse du mot d’infamie, la bastarde en français légèrement gasconnisé. Cela n’avait rien d’un secret de famille, et j’ai souvent discuté avec mon arrière-grand-mère de son enfance, mais des secrets il y en a : ce n’est pas le lieu d’en parler là, aujourd’hui, et je ne saurais comment le faire, là aujourd’hui, mais je ne veux pas oublier que les secrets de famille ne m’ont jamais passionné en soi, que je pense – ce n’est pas faute pourtant d’avoir beaucoup lu ce que Nicolas Abraham et Maria Török ont écrit sur les cryptes – que ces secrets ont tendance à occulter, rétrospectivement et paradoxalement, tout ce qui n’est pas caché et qui compte bien davantage dans la vie et dans la mémoire des humain·es. Si je fais un film (pour moi) ce sera en évoquant les (faux) secrets, mais surtout pour qu'ils prennent place au milieu de tout ce qui n'a jamais été celé ni scellé.

 

10:05 Publié dans 2025 | Lien permanent | Commentaires (0)

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