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vendredi, 22 août 2025

22082025 (quand les journalistes d'Africultures veulent absolument qu'on lise des livres qu'iels n'ont pas lus)

Hier j’ai vu, sur Instagram, un reel (il me semble) du compte Afriscope Africultures recommandant « les 5 auteurs angolais à lire ». En soi, l’idée est intéressante, mais, en dépit de la volonté de respecter une certaine parité (3 auteurs, 2 autrices), quasiment rien ne va dans cette petite vidéo.

 

Passons sur le choix des deux textes de Pepetela et Agualusa qui sont retenus, et dont ne sont cité·es ni la maison d’édition qui les publie ni les traducteurs qui permettent au lectorat français d’y accéder. C’est après que ça se gâte :

La présentatrice (j'ai fini par retrouver son nom : Kady Sy) annonce en n°3 Ondjaki et cite le roman Transparent City. On voit brièvement la couverture de l’édition anglaise, avec la mention « translated from the Portuguese » bien en vue. Or, le roman Os Transparentes a bel et bien été traduit en français, sous le titre Les Transparents, (trad. Danielle Schramm, éditions Métailié), dès 2015, c’est-à-dire cinq ans avant la traduction anglaise. Le reel est en français, s’adresse apparemment à un public francophone, de sorte que ça n’a aucun sens de citer la traduction anglaise. Au passage, le fait que les 5 écrivain·es retenu·es écrivent toustes en portugais n’est jamais mentionné, ni a fortiori problématisé.

Après, c’est de mal en pis. Pour l’écrivaine n° 4, Ana Paula Tavares, la présentatrice évoque « son roman Ritos de passagem ». Or, Ritos de passagem est le titre du premier recueil de poésie de Tavares ; on suppose donc que, vu qu’elle le confond avec le seul roman Os olhos do homem que chorava no rio, la journaliste ne l’a pas lu. Pour ce qui est des traductions en français de cette autrice, elles sont rares et dispersées dans quelques revues, donc on ne peut tenir rigueur à Africultures de ne pas les mentionner. Mais quel est l’intérêt de faire une vidéo aussi médiocre, avec des informations dont n’importe quelle personne disposant d’une connexion internet peut vérifier, en cinq minutes, qu’elles sont complètement fausses ?

 

Pour la n° 5, Ana de Santana, je noterai simplement qu’il est curieux de s’arrêter au premier livre d’elle, Sabores, odores e sonho (1985), en se contentant, qui plus est, d’une phrase très vague (« le livre explore et fait le lien entre nation, sexualité et genre »). Je n’ai pas lu cette autrice, mais au vu de ce qui précède, je ne suis pas sûr que l’équipe d’Africultures l’ait lue non plus. Par ailleurs, s’il faut « lire absolument » ces auteurs et autrices, pourquoi ne pas donner de brèves références bibliographiques, montrer les couvertures, expliquer – quand c’est le cas – qu’aucune traduction française n’existe, voire (rêvons un peu) préciser qu’il existe d’autres langues nationales en Angola, comme le kimbundu : il ne semble pas y avoir beaucoup de textes littéraires publiés sous forme écrite en kimbundu, mais cela même est un vrai sujet. 

Si on commence à aborder cette question des langues d'écriture à l'ère post-Indépendances, on pourrait citer Sousa Jamba, écrivain angolais dont la famille s'est exilée en Zambie quand il était enfant et qui a écrit ses trois romans en anglais : une situation différente de celle de Nuruddin Farah, mais qui a produit des résultats analogues, en termes d'articulation entre exil, identité diasporique et choix de l'anglais.

 

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