lundi, 10 mars 2025
10032025
5 h 10
Ce rhume me flingue une nuit après l’autre. Ce matin, il fallait que je me lève : expectorer, cracher — bref, toute la lyre ragoûtante du petit Argan portatif. (Enfin, pas toute : ni lavements ni clystères, merci bien.)
J’écris ceci avant même d’ouvrir le navigateur Web, car sinon après, une chose une autre, et une heure a filé.
Aujourd’hui j’enregistre la cinquième émission d’I Love Mes Cheveux, avec mon ancienne collègue Priscille Ahtoy, avec qui j’avais organisé une rencontre (précédée de deux communications) avec la romancière Mariam Sheik Fareed, en mars 2023. Comme j’ai des milliers de questions à lui poser, et comme, pour la première fois depuis que j’ai commencé cette émission, je devrai rendre l’antenne pour 11 h pile (Mélissa enregistre une Méridienne, ce lundi), il faudra sans doute qu’on en enregistre une autre dans pas si longtemps. J’hésite : est-ce que je fais « sauter » la lecture que j’avais prévu ? est-ce que je ne diffuse qu’une seule chanson au lieu de deux, génériques exclus ? Ah là là, grande différence avec le métier d’enseignant : en général, on peut laisser quelque chose en suspens et le finir à la séance suivante.
Autre différence, d’ailleurs : je rédige mon intro, les rubriques et même certaines questions. Il y a fort longtemps que, cours d’agrégation exceptés, je ne rédige plus rien pour faire cours : pour les T.D., un document didactisé qui a servi de base au travail des étudiant·es et des idées très précises quant à mes objectifs pédagogiques ; pour les C.M. un Power Point avec très peu de texte (uniquement les concepts et les citations, afin de ne pas devoir dicter x fois), et ensuite j’improvise ma présentation. Pour la radio, je suis rassuré d’avoir un « conducteur » plus détaillé ; c’est un peu idiot car, à la vérité, il entre beaucoup d’improvisation dans l’émission. La dernière fois, je n’ai pas posé la moitié des questions que j’avais préparées ; cette fois-ci, ce sera pire.
Je vais bientôt basculer dans le fichier Chantier CRCT, car je dois noter ma progression dans la relecture d’Empreintes de crabe (ce n’est pas si mal), ainsi que quelques références. Au cours de mon séjour à Nantes, j’ai acheté, à la librairie Les Bien-Aimé·e·s (ça me fait bizarre de redoubler le point médian, ce que je ne fais jamais), l’essai de Brent Hayes Edwards traduit par Jean-Baptiste Naudy et Grégory Perrot aux excellentes éditions Ròt-Bò-Krik [Pratique de la diaspora, 2024] et dès la préface lue en écoutant Mabanckou dire n’importe quoi sur Angela Davis et faire le show pour sa cour, j’ai noté plusieurs choses qui pourraient se trouver, sinon au centre, du moins dans une des articulations de mon projet. (Mais n’ai-je pas déjà écrit ça vendredi ?)
Outre tous ces livres qui s’accumulent devant moi sur le bureau (mais qui n’empêchent pas encore de voir l’écran de l’ordinateur), il y a le petit carnet noir et blanc acheté jeudi à Nantes avant la rencontre à la médiathèque Floresca-Guépin, dans lequel j’ai noté des foules de choses, dont une dizaine de pages après ma lecture de Profaner Ananda. Heureusement que cette pratique d’écrire dans des carnets est rarissime pour moi, sinon je sens que la maison, aussi, en serait envahie.
05:30 Publié dans 2025, ILMC | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 01 mars 2025
01032025
Beaucoup avancé dans Empreintes de crabe, et donc écrit un peu (beaucoup) dans le fichier de travail. Donc pas trop ici.
Rien d’autre à signaler que le fait que j’ai pu mettre en ligne, hier, le podcast de la quatrième émission de I Love Mes Cheveux. C’était avec mon ancien collègue et toujours ami Eric Rambeau, et on a parlé d’otaries et de phalènes, du joycien comme langue, de la traduction à la chaîne d’ouvrages de vulgarisation, de Lo’Jo, des recherches de vocabulaire scientifique avant l’avènement du Web etc. Bref, c’était bien cool.
19:22 Publié dans 2025, ILMC | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 24 février 2025
24022025 - quinze notules en lisant Ilan Stavans
Dans le train qui va bientôt partir de la gare de Saint-Pierre-des-Corps, j’ai posé, derrière l’écran de cet ordinateur portable, le livre que j’ai commencé à lire, la traduction française (par Sylvie Kleiman-Lafon) du livre d’Ilan Stavans, Sur l’auto-traduction (Hermann, 2022). Selon ma manie, mais plus encore ici vu que cette lecture est en lien direct avec mes recherches du moment, j’ai commencé à griffonner des bouts de citation et des numéros de page sur une feuille volante. Comme le billet que j’ai pondu hier soir à la va-vite est vraiment très foutraque, et comme je l’ai publié tel quel en connaissance de cause, c’est-à-dire parce que, si j’avais voulu revenir au roman de Belcourt après mon retour de Marseille, il m’aurait fallu dix fois plus de travail qu’à chaud, voici ce que j’ai à écrire sous forme de faits et de notations numérotées :
(1) Je me suis procuré ce livre car il m’a été conseillé par Louis Pichot dans les commentaires de la troisième émission de radio I Love Mes Cheveux enregistrée le 3 février avec Bayan Ramdani.
(2) Je me le suis procuré en français, et non en anglais, car :
(2a) sans l’avoir rencontrée, j’échange depuis plusieurs années avec la traductrice (SKL) sur les réseaux sociaux ;
(2b) lire dans une cinquième langue un essai sur la traduction et le plurilinguisme écrit par quelqu’un qui dit naviguer entre quatre langues est séduisant en soi.
(3) On ne fait jamais assez de promotion pour son propre travail. Ainsi, je suis sûr que je suivais déjà attentivement les publications de SKL en 2022, mais ce livre m’avait échappé. Je ne dis pas qu’elle n’en a pas parlé et qu’elle n’en a pas signalé la parution. Je dis qu’elle aurait dû matraquer
(4) En conséquence de quoi je rappelle que je me trouve dans un train pour Marseille car je vais donner une séance de séminaire demain à l’E.H.E.S.S. au sujet de mes deux traductions, Une histoire des Noirs d’Europe d’Olivette Otele (Albin Michel, 2022) et Noires origines de Howard French (Calmann-Lévy, 2024). Lisez-les, faites-les connaître !
(5) Trêve de plaisanterie, l’ouvrage de Stavans est en fait un recueil d’articles. Il y reprend un certain nombre de ses chroniques, préfaces, billets etc. Seul le premier chapitre, de moins de dix pages, porte spécifiquement sur l’auto-traduction. Bonne nouvelle : je vais pouvoir m’en servir.
(6) En écrivant ce billet, j’ai commis deux fautes de frappe lors de mes saisies du mot auto-traduction: autor-traduction et aito-traduction. Je vois comment je peux faire jouer et signifier le premier néologisme, mais le second m’interloque.
(7) Dès la première page du premier chapitre, j’ai aimé que la traductrice ait marqué le texte de son empreinte avec un passé surcomposé. Ce temps, qui me rappelle toujours mon grand-père maternel, est sous-employé par les traducteurices.
(8) Dans le premier essai de la troisième partie, qui reprend notamment le texte d’une conférence sur la traduction prononcée par Stavans en Chine, il y a une proposition avec laquelle je suis plutôt d’accord (et que je trouve, à cet égard, stimulante) et une proposition, placée immédiatement après la précédente, et avec laquelle je suis radicalement en désaccord (et qui pourrait constituer, de façon plus stimulante encore, le point de départ de toute une partie de ma réflexion sur la tritralogie de Nganang).
(9) Dans la chronique consacrée aux erreurs résultant du logiciel d’autocorrection des téléphones, qui n’a pas en soi grand intérêt (et qui est déjà très obsolète), il y a probablement une prouesse de traduction de SKL : à la page 49, elle propose une chaîne parler / panier / parier / planer dont je n’imagine pas du tout à quoi elle correspond dans le texte anglais.
(10) Dans l’essai qui donne son titre au livre, Stavans (enfin, Stavans traduit par SKL) dit ceci :
« Le principal bénéfice du multilinguisme est un sentiment de libertés, de possibilités infinies. Le principal inconvénient est un sentiment de vivre comme en suspension, de n’appartenir à aucun endroit en particulier. » (p. 17)
(11) En notant cette phrase, je me suis dit qu’il allait falloir que je fasse des recherches sur les différences entre plurilinguisme et multilinguisme.
(12) Les deux dernières phrases de ce même essai (que je recopierai plutôt dans mon fichier de recherche) parlent d’une « traduction dépourvue de texte original » (p. 19). Mutatis (multe) mutandis, on ne saurait mieux décrire mon « extatique tourment » en relisant et travaillant le texte allemand des deux romans d’Amma Darko.
(13) Suite à ma notation n° 8, d’aucun-es doivent ici se demander quelles sont les deux propositions que j’approuve et réprouve respectivement. Les voici donc :
(13a) « un traducteur ne s’épanouit pas dans la contradiction, même si la contradiction est au cœur de l’acte de traduire » (p. 54)
(13b) « Traduire, c’est lancer un pont entre deux habitats linguistiques représentant chacun une culture différente. » (id.)
(14) Pour expliquer ce qui ne va pas dans la seconde proposition, il y a une version longue, qui sera peut-être un livre, ou plutôt un chapitre du livre que je projette d’écrire sur Aidoo, Darko et Nganang. Et une version brève, qui consiste à contredire l’idée d’homogénéité culturelle au sein d’une langue. Chaque habitat linguistique (et même là, l’homogénéité n’est pas juste) représente plusieurs cultures différentes, et, souvent un faisceau indémêlable de plusieurs acceptions culturelles au sein d’un idiome pluriel.
(15) Le chef de bord vient de dire qu’il restait 135 kilomètres avant Paris, ce qui signifie qu’à la vitesse du TGV il me reste à peine le temps d’achever ce billet, de me connecter au WiFi du train et de publier ces 15 notules.
13:07 Publié dans 2025, ILMC, WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 03 février 2025
03022025
Ce matin, enregistrement en direct de la troisième émission d’I LOVE MES CHEVEUX, avec Bayan Ramdani, qui, comme Marie-Aude Ravet il y a deux semaines, est un « bon client » : prolixe, intelligent, capable de dérouler une anecdote de manière vivante et de la prêter à d’éventuelles généralisations. C’était vraiment sympathique, et je m’éclate de plus en plus en faisant cette émission. (Par contre, on a encore débordé de vingt minutes ; il faudrait que je me discipline.)
Entre le moment où j’ai fermé la porte du garage et l’arrivée du tram à la faculté de droit, il s’est écoulé trente-neuf minutes : je pense avoir établi une sorte de record, mais il faut dire que le bus est arrivé à l’arrêt Torricelli au moment où j’y arrivais.
Bientôt fini Les blattes orgueilleuses de Lynda Chouiten, son troisième roman, qu’elle m’a gentiment envoyé (publiés en Algérie, ses livres sont hélas impossibles à commander en libraire en France) ; j’ai écrit sur Bluesky que je n’étais pas loin de penser que c’était son meilleur.
Il faut dire que le sujet est casse-gueule, et que le genre auquel il appartient (le campus novel) me laisse habituellement froid : par contrecoup, le fait que ça monte en puissance, d’un point de vue narratif et stylistique, est d’autant plus magistral. Je suis persuadé que ce roman sera un jalon important dans le cadre des récits de la révolution de 2019 (Hirak / ⴰⵎⵓⵙⵙⵓ), d’autant qu’il permet de penser l’identité kabyle de façon complexe.
16:52 Publié dans 2025, ILMC, Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (1)
lundi, 20 janvier 2025
20012025
Aujourd’hui, avant de prendre le train, dans le coton grisâtre et brumeux qui enveloppe la Touraine, à de rares exceptions près, depuis trois mois, le froid en surplus depuis quelques jours, j’ai enregistré la deuxième émission de radio I Love Mes Cheveux avec Marie-Aude Ravet.
Après, lors du trajet et de l’assez longue correspondance à Bordeaux Saint-Jean qui m’a fait constater que « la forme d’une ville gare / Change plus vite hélas que le cœur des mortels », j’ai écouté en boucle le nouvel album de Mathieu Boogaerts, en continuant de lire Séverin et Brautigan, et en scrollant aussi, fatigué, m’effondrant bêtement en sanglots au sud d’Angoulême.
Notre train a eu une demi-heure de retard, car le train précédent avait percuté un animal.
19:00 Publié dans 2025, Blême mêmoire, ILMC | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 15 janvier 2025
15012025 (ILMC & NdT)
La première de mon émission de radio, I LOVE MES CHEVEUX, est donc enfin en ligne. Elle a été enregistrée en direct avant-hier, lundi. Pour la petite histoire, on entend mal la musique de générique au début, mais je compte améliorer cela la prochaine fois ; de même, il y a un blanc étrange vers 4'50" : j'étais perturbé de voir Mélissa modifier des réglages sur les manettes car on entendait mal le retour dans les casques, apparemment...
L’idée est d’en enregistrer deux ou trois par mois ; normalement, j’ai mon programme d’invité·es jusqu’en mars. Il est essentiel pour moi que cette émission ne se résume pas à inviter des traducteurices et à parler de leurs traductions : d’excellentes émissions et podcasts existent déjà avec cette ligne éditoriale. Mon souhait, depuis que j’ai conçu le projet, est de tout articuler autour du territoire, donc de l’université bien sûr (c’est Radio Campus Tours) et plus généralement de la métropole tourangelle. Je ne penserai avoir atteint mon but que lorsque des représentant·es de toutes les catégories de personnel et des étudiant·es de toutes les filières seront venu·es parler au micro.
Une des questions presque marginales qui s’est posée, lors d’un échange avec Louison Millet autour de la traduction d’un mot coréen que je ne saurais ni restituer en hangeul ni donner en transcription, et dont elle disait qu’il n’était pas traduisible en français, en particulier en raison de ses connotations historiques, est celle des notes du traducteur ou de la traductrice. C’est un vaste sujet, et une question à laquelle, comme toute personne qui traduit ou qui lit des traductions, je réfléchis depuis longtemps.
Il est impossible de faire le tour de cette question dans un billet de blog, mais disons qu’il y a grosso modo deux écoles, et, au sein de ces écoles, cinquante nuances, bien sûr. D’une part, l’idée que la NdT est un aveu d’échec, une scorie à éviter à tout prix, et c’est souvent le cas des éditeurices, qui préfèrent, le cas échéant, ouvrir un espace à læ traducteurice, par exemple une postface permettant d’expliquer et de justifier certains choix ; cette idée a notamment une certaine pertinence pour la traduction de textes littéraires, dans la mesure où les idées (et donc les référents des mots) ne sont pas le seul, voire pas le principal objet/objectif du texte. D’autre part, il y a l’idée que la traduction est une opération intellectuelle et linguistique nécessaire, mais qu’elle est vouée en soi à ne pas permettre une nette et équivalente compréhension de tel mot ou de tel passage, contexte etc. : dans cette optique, la NdT se comprend comme un prolongement du texte traduit, qui donne un élément de compréhension primordial. Comme je le disais, ces deux positions admettent des nuances multiples : ainsi, Claire, avec qui j’en ai longuement parlé lundi soir, déplore que certaines traductions de textes issus de cultures non européennes finissent par anthropologiser le texte littéraire en le surchargeant de notes sans lesquelles le récit resterait en fait entièrement compréhensible en tant que récit, fût-ce au prix d’une certaine étrangeté/étrangèreté constitutive de sa lecture.
En quelque sorte, ces questionnements recoupent en partie le vieux débat (en partie stérile ou vicié) des « sourcistes » et des « ciblistes », ainsi que la question post-coloniale de l’inscription des mots ou phrases en langues non européennes dans des textes écrits en langues européennes (ce que Ngũgĩ wa Thiong’o nomme les littératures afro-européennes, cf Decolonising the Mind, pp. 26-7) : quel sens donner aux glossaires, aux équivalences intégrées, à ces différents dispositifs de mise à disposition du sens, et donc d’homogénéisation partielle ou total d’un texte hétérogène car profondément plurivocal (au sens bakhtinien) ? On touche là à mes obsessions de plusieurs années déjà, explorées dans plusieurs séminaires, et qui, au fond, trouvent à se réexprimer dans le gros projet de recherche dans lequel je m’embarque pour mon sabbatique.
Pour en revenir à la question des NdT, il faudra que je fouille un peu afin de voir si ça n’a pas été déjà fait, mais il y aurait certainement un colloque à organiser autour de ces questions, car, au-delà des questions essentielles de la transmission, de l’opacité, du « reste après traduction », ou des genres différents (la NdT est évidemment valorisée dans le cas des textes philosophiques, par ex.), la NdT, très entre autres, peut servir désormais de signal anti-IA, autrement dit la preuve qu’un·e traducteurice humain·e est à la manœuvre.
18:32 Publié dans 2025, ILMC, Translatology Snippets, WAW | Lien permanent | Commentaires (0)