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dimanche, 26 juin 2005

Epitrochasme

Après une dizaine d’années d’études largement consacrées à la poétique et à la sémiotique, j’ai rencontré hier, pour la première fois, la figure de style appelée épitrochasme, ou plutôt, son nom, car la figure, elle, m’était familière, comme à vous tous, chers lecteurs, qui, n’ayant jamais entendu ce mot barbare (ou plutôt : grec), faites partie de la grande communauté des Monsieur Jourdain qui font des épitrochasmes sans le savoir. Voilà un avis net, sec, bref, vif et mûr.

C'est bien, ça...

Voilà qu'au bout de vingt jours de blogging effréné, je finis par avertir mes parents de l'existence de cette mienne perversion, et de l'adresse y afférente, ce au prétexte que la dernière note publiée narre par le menu notre promenade du jour, et que cela peut les intéresser. Voici que je lis un petit commentaire bien négatif: "trop petit, pas les bonnes couleurs", que sais-je... Ah la la, ayez des parents, et vous voyez comment ils vous le rendent... (Papa, maman, si vous lisez cette note, je plaisante. Venez à la maison bientôt; j'ai fait les cuivres.)

Vallées du Lathan et de la Maulne

Aujourd’hui, en dépit d’un ciel qui hésitait à passer au beau fixe, nous avons enfin fait une petite promenade dominicale. Enfin, car le travail ou les obligations familiales nous en avaient privé depuis presque trois semaines. Le soleil est promptement revenu à son établi, et les coups de marteau n’ont pas tardé. Agréable chaleur pourtant, brise estivale, et je ne saurais assez souscrire au billet d’humeur lu avant-hier à propos de l’hystérie météorologique sur Les mots ont un sens.

Le premier objet de la virée était de se rendre à Savigné-sur-Lathan, joli village au nord-ouest de Tours, bordé de fortifications et de douves entièrement verdies, où se tenait, accessoirement, une brocante, ce dont A., notre fils, raffole. Sa déception, en s’apercevant qu’il ne s’y tenait aucune pêche aux canards (ou aux tortues, ou aux grenouilles), fut modérée par l’achat d’un petit orang-outan en plastique et d’un puzzle 9 pièces, pour vingt centimes chacun. De mon côté, pour la première fois depuis que nous allons occasionnellement dans les brocantes de Touraine, j’ai trouvé à acheter quelques livres, pour 1 euro chacun : une anthologie un brin foutraque, The Treasury of Humorous Quotations, où je puiserai peut-être quelques pépites pour l’U.E. libre sur l’humour britannique que j’ai proposé d’enseigner à la rentrée, mais qui, en jargon administratif, « n’ouvrira » peut-être pas ; un autre livre en anglais, Prospect of Highgate and Hampstead, texte orné de jolies photos en noir et blanc, & édition originale dédicacée par l’auteur ; enfin, Le Mauvais démiurge de Cioran, dans la collection NRF-Essais (réédition impeccable de 1992). Je n’aime pas beaucoup Cioran, dont je trouve la lecture vite lassante et la fréquentation assez stérile, mais enfin…

Le village de Savigné a un plan attrayant, autour d’une fausse placette triangulaire, où la mairie occupe une place privilégiée et affiche un tricolorisme maussade. J’y ai vu plusieurs belles bâtisses, mais qui souffrent un peu de l’incurie (ou l’impéritie) des occupants ; le plus alléchant, pour l’œil, ce sont sans doute les petits ponts au-dessus des douves, qui ont dû être rajoutés au 19ème siècle.

Ensuite, nous avons visité le château de Champchevrier. Belle allée en forêt, puis deux voitures (dont la nôtre) au parking des visiteurs. Jardin sobre et de plan exemplaire, entremêlement des bâtiments de style voisin et d’époques proches dans une unité préservée : la fuye du 15ème-16ème, la partie Henri-II (qui n’apparaît sur presque aucune photographie !), le corps et les communs de la fin du 17ème… Le majestueux noyer occupe le centre du parc, du côté des communs. Quel âge peut-il avoir ? Je me rendais à Champchevrier avec quelque réserve, car toute la publicité faite autour du château repose sur la vénerie, et suggère que, du côté de la beauté des bâtiments, et du mobilier, le château fera nécessairement très pâle figure à côté de ses plus illustres voisins ligériens. Pourtant, une collection de tapisseries remarquables (dont quatre de Beauvais, et une série de sept tapisseries d’Amiens à partir de cartons de Simon Vouet (Les Amours des Dieux, mais aussi la plus ancienne, splendide et remarquablement conservée, en provenance d’Audenarde, je crois) suffit à justifier la visite. Deux originaux de Rigaud et une très belle composition de Coypel, malheureusement trop haut en trémeau pour que l’on puisse l’apprécier pleinement, ne gâchent pas la visite non plus. A propos du carrosse de 1772 exposé dans la salle des trophées, une désobligeante, l’autre visiteur, peut-être un collègue historien, a rapporté une anecdote tirée du film d’Ettore Scola, La Nuit de Varennes ; nous n’avons pas vu le film, et le châtelain, qui nous guidait de par les pièces, non plus.

Par ailleurs, j’ai appris que les dents des sangliers s’appelaient des graies. Je ne suis pas certain de l’orthographe, car Littré ne connaît rien d’approchant, et si la recherche sur Google m’a appris de nombreuses choses sur les Alpes Graies ou sur le mythe de Persée, rien à voir, de près ou de loin, avec les sangliers. Ai-je bien entendu ?

Nous avons pique-niqué sur les bords du lac de Rillé, où A. s’est baignoté un petit quart d’heure durant avant de revenir à l’ombre, admirer le train historique, qui a longuement manœuvré avant de prendre le départ avec des touristes à son bord, heureux et ravis d’avaler de la fumée de charbon. J’ai remarqué que la locomotive portait la mention POLSKA. Est-ce le modèle, ou, véritablement, une locomotive de fabrication polonaise ? Mes connaissances en matière de technique ferroviaire sont, pour un petit-fils de cheminot, scandaleusement voisines de zéro.

A. s’est extrêmement bien tenu pendant la visite guidée de Champchevrier, cherchant à comprendre tout ce que racontait notre guide, et réclamant maintes explications à chaque point qui l’avait intrigué. Les tapisseries de Vouet aidant, nous voici à lui expliquer tel et tel mythe de l’Odyssée… Il aura bientôt quatre ans… Jupiter et Sémélé, la naissance de Bacchus issu de la cuisse paternelle, on fait plus simple…

Sur le chemin du retour, nous avons vu le château du Lathan, puis, par une route bordée de dizaines d’affreux hangars (je dois être gravement influencé par la lecture d’Outrepas, dans lequel la détérioration des paysages ruraux tient une grande place), rejoint Marcilly-sur-Maulne, où, faute de panneaux, nous n’avons pas vu le château. Il ne vous a pas sauté aux yeux, dirait ma mère. L’église de Lublé est jolie, et il faudrait, avec de plus longues journées, ou un enfant plus âgé, prendre le temps de voir plus en détail chaque village.

Toutefois, si les forêts entre Luynes et Rillé sont fort belles, et la campagne assez préservée, les campagnes au sud de Noyant et à l’ouest de Château-la-Vallière sont dans un état d’enlaidissement avancé. Il faudrait que les élus (locaux, nationaux, européens) veillent à ne pas laisser se dégrader pareillement le paysage. Qu’est-ce qu’un « contemporain » ? Quelqu’un qu’on aimerait tuer, sans trop savoir comment. (Cioran. Le Mauvais démiurge. « Pensées étranglées », Gallimard, p. 128) En écoute : rien, car nous avons un meeting aérien débile au-dessus de nos têtes. D’ailleurs, « meeting aérien débile » est un pléonasme. A bas les militaires et les pollueurs d’atmosphère. Honte à la Patrouille de France !

Lire ou écrire...?

« Mon problème est que je ne lis pas. Entre sept et vingt ans j’ai lu énormément. Mais ensuite j’ai consacré tout mon temps à l’“écriture” et à la baise – ou à la drague. La drague ni la baise ne m’occupent beaucoup aujourd’hui, mais je ne lis toujours pas, parce que écrire, au fond, me paraît toujours plus excitant. Ma manie est d’écrire, pas de lire. Je suis un graphomane, pas un bibliophage. Et ma plus grande excitation de lecture se traduit aussitôt par une envie d’écrire. C’est le comble de l’hommage littéraire, chez moi : fermer le livre que je lis et me précipiter vers mon bureau pour écrire. » (Renaud Camus. Outrepas, p. 423)

L’auteur de ce blog est un bibliophage qui ne parvient jamais à trouver un terrain d’entente entre son penchant pour la lecture et sa graphomanie, qui voudrait fendre l’armure. (Et qui parle de lui à la troisième personne, maintenant… !)

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En écoute : « 27 octobre 1926 », extrait du sixième volume des œuvres pour piano de Gurdjieff et De Hartmann (Rituel d’un ordre soufi, dans la version enregistrée par Alain Kremski (Naïve V 4889).

Propos de garçonnet, 1

Je vais faire une petite sieste, aussi grosse qu'une queue de renard. (25 juin 2005)