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samedi, 02 juillet 2005

Illustrations III

Je lis Illustrations III de Michel Butor, acheté ce matin au bouquiniste de la rue Nationale (édition originale en SP, 1973) [ajout du 26 juin 2011 : appris depuis (2007 ?) que le bouquiniste en question se nomme Les Amours jaunes, en hommage à Corbière I guess].

Je suis très admiratif, et un grand admirateur de Butor. La série des Illustrations, que je ne connaissais que de nom, appartient aux textes « par intervalles », mes préférés. (Le must absolu, en la matière, est le tome 3 du Génie du lieu, Boomerang, que j’ai lu en 1998 dans l’exemplaire emprunté à la médiathèque de Beauvais, et que j’ai cherché à acheter depuis, pour apprendre qu’il était épuisé et, dans les éditions d’occasion, vu l’ouvrage (imprimé en plusieurs couleurs, au tirage sans doute limité dès le principe) hors de prix, bien évidemment. Je possède toutefois les tomes 4 et 5, cadeau de C. pour nos onze ans, en 2003.)

Illustrations III propose, selon les termes mêmes du rabat de deuxième de couverture (voilà un triple génitif que je laisserai passer), « ce dont me parle la peinture ». A moi qui ai beaucoup travaillé sur les croisements entre littérature et arts plastiques, c’est déjà une source d’intérêt, par-delà mon affection pour Butor. Je ne connais aucun des peintres dont l’œuvre sert d’origine à ces textes, à l’exception de Jean-Luc Parant et de Soulages, bien entendu (les textes inspirés par Soulages, composant la « Méditation explosée », sont les seuls numérotés). Du coup, le livre se lit, comme souvent en l’espèce, comme une suite d’échos à des images absentes. L’ekphrasis se situe, comme souvent, à la croisée, de la représentation en mots et de l’éloignement des images. Textes impossibles, irréductibles.

L’extrait que je veux en donner correspond à mon humeur du moment, tendre et sentimentale :

Sur le sable je dessine une maison complexe et retirée, une chambre pour mon amie, notre projet de société, des ailes pour nous emporter, une forêt pour nous cacher, un rocher pour nous instruire, une rampe pour nous diriger, une terrasse pour nous y bercer, une cave pour nous désaltérer, un jardin pour nous enivrer, ses regards pour me décider, sa poitrine pour me transporter, son ventre pour m’y enfoncer, ses lèvres pour me secourir, ses paumes pour me guérir, ses ongles pour me labourer, son silence pour m’ensemencer, ses paroles pour me moissonner, son calme pour m’y rajeunir.

Michel Butor. Illustrations III. Paris : Gallimard, “Le Chemin”, 1973, p. 18

Bourdon

Quatre heures. J’écris, assis dans un fauteuil du jardin, à l’ombre du cerisier et non loin de la haie de thuyas. Nous avons sauvé, tout à l’heure, un bourdon qui se noyait dans la petite piscine en plastique. Comme il fait un peu frais pour se baigner, et comme l’eau avait été versée mercredi matin dans la piscine, A. s’est proposé d’arroser les fleurs, le gazon, parfois le gravier aussi je crois, ce qui l’occupe, même si l’heure quasi zénithale et le soleil actif rendent cet arrosage tout à fait inutile.

Le sauvetage du bourdon aurait pu donner lieu à un texte de tonalité épique (et donc, certainement héroï-comique, quelque grands fussent mes efforts pour ne point sombrer dans la dérision), car il a fallu le repêcher au seau, le laisser marcher dans l’herbe, au soleil, le temps que ses ailes sèchent, prendre garde de ne pas lui marcher dessus, car il se cachait sous des feuilles d’herbe moins minuscules et pouvait aisément passer inaperçu ; lorsqu’il a réussi à s’envoler, nous l’avons salué.

Ce texte ne sera pas. On ne peut pas tout écrire, tout de même.

Sieste

Des nuées de mouche d’orage sillonnent le salon où, assis dans le canapé, j’écris quelques notes, pendant la «sieste» de mon fils. Il ne fait plus la sieste depuis belle lurette ; il a cessé de s’adonner à ses trois heures de sommeil post meridiem vers octobre ou novembre, mais il accepte de se coucher et de rester au repos une petite heure ; parfois même, fort infréquemment, il s’endort.

L’un des plus jolis villages des Landes, tout près du village où j’ai passé mon enfance, s’appelle Siest. Comme nous allons passer une infime partie de l’été en Touraine, j’ai songé à créer un autre carnétoile, qui serait une sorte de mirror weblog de celui-ci et qui s’appellerait Chalosse véloce. Je continuerais toutefois à publier des notes dans Touraine sereine, peut-être un choix de correspondance, ou des poèmes ; une autre possibilité consisterait à se concentrer sur celui-ci et à essayer d’écrire des notes sur telle rue de Tours, tel monument, tel village de Touraine, à partir de mes souvenirs, ce justement pendant que je suis éloigné de la région. Ce serait certainement plus honnête vis-à-vis des lecteurs qui réclament plus d’adéquation entre le titre du carnétoile et son contenu.

Entre autres projets pharaoniques, j’aimerais créer un index, mis à jour régulièrement, des notes. Ce que je ne saisis pas très bien, et qui m’inquiète quelque peu, c’est que l’espace disque que j’ai employé jusqu’à présent n’est, selon mon hébergeur, que de 24 KO, ce qui correspond aux deux misérables images qui figurent dans mes fichiers. Dois-je en inférer que la sauvegarde des notes et des commentaires est secondaire (hypothèse pessimiste) ou que HautEtFort, tout en veillant au grain, ne « facture » pas les fichiers texte (hypothèse optimiste)?

Blogosphère (“dérange du globe”, suite)

Reçu aujourd’hui, par la Poste, le n° 14.1 du European English Messenger. Parmi les ouvrages recensés se trouve l’essai, publié en 2004 par le prestigieux éditeur néerlandais Rodopi, d’une certaine Viviane Serfaty. Le titre, je vous le donne en mille, en est The Mirror and the Veil : An Overview of American Online Diaries and Blogs.

Le parti pris de Viviane Serfaty semble être délibérément socio-psychanalytique, ce qui, déjà, me paraît une sauce bien risquée, ou, à tout le moins, d’un hétéroclite propre au brouillage plus qu’à l’éclaircissement. L’auteur de la recension, une certaine Dorota Smyk-Bhattacharjee (de Zürich, mais il semblerait que ce soit, à lire son nom, une Hongroise, ou peut-être une Tchèque mariée à un Indien), reproche d’ailleurs à Serfaty, une fois prononcés les différents éloges d’usage et proposé le résumé du plan de l’ouvrage, de noyer le poisson en citant inégalement ses sources, les dates de publication des différents carnétoiles consultés.

Il me semble aussi que le journal intime en ligne et le blog sont deux pratiques foncièrement différentes, et que, s’il est certainement productif de les mêler dans un essai, il ne faudrait pas pour autant les mélanger ou les confondre. Je prétends en savoir quelque chose, moi qui ai tenu, fort brièvement, deux journaux en ligne, en 2001 et fin 2004, avant de me rallier à la cause du blogos.

« Your frankly vulgar red pullover »

Ce matin, nous avons écouté plusieurs fois de suite Our Frank de Morrissey, car A. voulait danser dessus ; il se trouve que c’est, par un heureux hasard, l’une des meilleures chansons de l’album Kill Uncle (1991), que je n’avais pas écouté depuis des années. Je n’aime pas tellement la Britpop (litote), mais j’ai un léger faible pour les Smiths et la carrière solo de Morrissey.

J’ai découvert The Smiths à Oxford, en 1996. Mon affection est toute relative, car je ne possède aucun album du groupe, et un unique album de Morrissey.

La première chanson de Kill Uncle, bien écrite et subtilement composée, s’achève d’ailleurs par l’expression du désir de décérébration, ce qui n’a toutefois pas grand chose à voir avec les idiotes professions de «dionysisme» de certains «musiciens» techno. Morrissey se déclare lassé par les conversations profondes qui n’aboutissent à rien (“our frank and open / Deep conversations”) et en vient à se plaindre de sa propre intelligence (“Will somebody please stop me / From thinking all the time ?”).

C’est assez troublant.

"You spin me round"

Record de fréquentation du blog pour le 1er juillet, avec 134 visiteurs et 720 pages vues, chiffre sans doute gonflé artificiellement par mes propres visites, publications de notes, lecture des commentaires, etc.

Dans l'édition du Monde daté d'aujourd'hui, intéressant article consacré à un portrait de Tristan Egolf.

On y lit, notamment le paragraphe suivant, que j'inclus car je crois savoir que, passé quelque temps, les articles ne sont plus consultables gratuitement:

Un soir d'hiver 1995, Patrick Modiano entre dans la chambre de l'hôte pour y fermer une fenêtre. "J'ai été un peu indiscret , confesse-t-il. Il y avait sur la table une masse de feuilles hallucinante. Rien qu'à voir le manuscrit, j'ai eu une intuition." Modiano comprend mal l'anglais mais ne résiste pas à la tentation de s'attarder sur cette écriture microscopique avec ses mots serrés, ses ratures et ses rajouts. Il pense aux manuscrits du Suisse alémanique Robert Walser. "C'est horrible à dire , raconte-t-il, mais je n'avais pas besoin de lire son roman. Je savais. Peut-être parce que je suis du métier ? Rien qu'en voyant cette masse, et ce type qui passait ses journées à écrire... c'est difficile à expliquer. Ça m'a semblé bizarre que ce type de 23 ans, à la fin du XXe siècle, écrive encore à la main avec des ratures."

Vêtements

V-ue m'a écrit ce matin un courriel dont je vous livre un extrait, car il répond à une note précédente sur la tenue des professeurs:

Je lis ton blog, souvent voire plusieurs fois par jour et il y a toujours de nouvelles notes, certaines me font bien sourire. Raconte-moi Guillaume, quelle tenue faut il adopter pour enseigner ou plutôt "Do you think teachers should wear a uniform?"et le costume cravate quand on est une fille, ça donne quoi?
En quoi les fringues, oui les fringues font elles partie de la conscience professionnelle? Tu comprends, en ce moment c'est les soldes alors j'aimerais profiter de tes conseils parce que je suis loin d'être experte en décoration corporelle. C'est bien décousu tout ça...


J'adore ce mail, et la dernière phrase plus encore. Encore un effort, my dearest, l'adresse électronique n'apparaît pas quand tu postes un commentaire!

******

Voici un fragment de ma réponse:

Il me semble que, si la société dans son ensemble (et pas seulement les collégiens, les lycéens, les étudiants) ne respecte plus véritablement les professeurs, c’est qu’ils ne se respectent pas eux-mêmes, qu’ils n’ont pas le moindre égard, en général, pour la fonction qu’ils occupent, qui n’est pas uniquement un métier. C’est vrai également des médecins, pour élargir le propos. La représentation, la distance entre le moi privé et le moi social, l’apparence, tout cela me semble de plus en plus évacué, depuis mai 68 peut-être, dans notre société, et dans notre milieu professionnel aussi, à mon grand regret. Cela semble sans doute réac, mais j’assume volontiers mon côté réac.

Il y avait des exemples qui ponctuaient mon argumentation, mais enfin, j'aurais scrupule à divulguer une partie significative de ma correspondance privée...