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jeudi, 20 octobre 2005

Peter Bowler, lexicographomane

Depuis six mois, je fais mes délices infinies de la lecture des trois volumes du dictionnaire de Peter Bowler, dont le prmeier tome s'intitule The Superior Person's Book of Words, et les suivants de même manière, avec adjonction des adjectifs second et third avant l'adjectif superior. Jamais un auteur ne m'a fait autant rire, et avec quel savant dosage!

Je me suis donc mis en quête de quelques pages Web où il serait question de ces ouvrages. J'ai découvert, à cette occasion, qu'un site universitaire en donnait de très larges extraits, au mépris (je pense) des droits d'auteur.

L'excellent site World Wide Words de Michael Quinion, ressource presque inépuisable, propose une recension du troisième tome.

L'un des éditeurs, Bloomsbury, présente le premier tome avec deux sample entries.

Peter Bowler est australien, ce qui se ressent, de manière fort plaisante d'ailleurs, dans le premier tome, et moins dans les deux autres. L'expression "Superior Person", qui sert de fil conducteur et qui repose sur l'idée que l'emploi de mots rares ou inconnus des interlocuteurs met le locuteur en position de force, est une reprise très ironique de certaines formulations victoriennes. Ainsi, dans un roman peu connu, My Flirtations, de Ella Heptworth Dixon (1893), cette expression se retrouve, dans un extrait très savoureux:

Of course there were lots of people, even when he was at Cambridge, who knew nothing of the Deodoriser. But it always hung, like a modern sword of Damocles, over poor Gilbert's head. It made him diffident where he should have been at ease; it made him malicious when it would have been to his social advantage to appear kindly. But even at Cambridge he had given unmistakable signs of being a Superior Person. He could repeat, to a nicety, the shibboleth of Superior People. He knew when to let fall a damaging phrase about the poetical fame of Mr. Lewis Morris, and when to insinuate a paradox about the great and only Stendhal. In art, he generally spoke of Velasquez and Degas; in music, only the tetralogies at Bayreuth were worth discussion.

On peut aussi songer au poème de Francis Bret Harte, Lines to a Portrait, by a Superior Person. C'est aussi le titre de la biographie que Kenneth Rose consacre à George Curzon, qui fut, au tournant du siècle, vice-roi d'Inde. (Le sous-titre de la biographie est très éclairant: "A Portrait of Curzon and His Circle in Late Victorian England".)

Il ne fait aucun doute que Bowler, lexicographe-humoriste australien publié principalement aux Etats-Unis, a choisi cette expression en connaissance de cause: sa trilogie émane d'une conception intentionnellement et hyperboliquement réactionnaire de la langue. Il est souvent, dans son désir de ne pas être politiquement correct, d'une mauvaise foi tout à fait hilarante.

Commentaires

Bon, ma remarque est moins élevée que la teneur de ce post (l'inverse est difficile sur ce blog, en général), mais "l'emploi de mots rares ou inconnus" me fait penser à cette remarque d'un blogueur français en Californie : http://leblogdupiou.blogspot.com/2004/12/le-piou-what-vocabulary.html

Écrit par : VS | jeudi, 20 octobre 2005

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