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samedi, 14 janvier 2006

Vendredi 13, à tant la statue

Je croyais rencontrer quelqu’un que je n’avais jamais rencontré. Cendrine Nirdre, qui avait publié deux romans sous un pseudonyme (on comprend pourquoi, car son nom n’est guère facile à prononcer, voici au moins l’une des commodités de l’écrit), venait à Tours pour visiter l’exposition Lorenzo Veneziano avec quatre autres écrivains et une attachée de presse. Comme nous correspondions depuis quelque temps déjà, elle m’avait prévenu de sa venue. « J’aurai une heure de liberté, et vous serez mon escapade », m’avait-elle écrit de son écriture déliée et grave.

Je l’attendais devant la cathédrale. Aucune photographie n’existait, dans nul magazine, de cette mystérieuse plumitive. Son masque rehaussé d’un grand florilège de mèches noires, je ne pouvais l’imaginer. J’attendais donc, curieux comme impatient de connaître enfin le visage de la dame de lettres.

Cendrine Nirdre, me répétai-je trois fois, comme une formule magique, quand je vis que l’heure tournait. C’est alors que je vis arriver, par enchantement, une collègue, éminent professeur de littérature britannique dans mon université. Manteau gris et chapeau bleu roi, d’une élégance bourgeoise jamais démentie, elle eut un sourire étonné en me voyant.

« – Mais que fait donc notre jeune collègue ici, dans le froid ?

– Ah, j’attends quelqu’un… qui tarde à venir, d’ailleurs.

– Profitant de ma venue à Tours pour surveiller les examens, je suis allée faire un tour à l’exposition Veneziano. C’est très intéressant.

– Oui, c’est bien. Un peu bref, vite vu, mais j’aime beaucoup les toiles du maître de Lorenzo.

– Paolo, c’est ça ?

–  Oui… Bon, ce n’est pas Paolo Uccello ni Lorenzo Lotto. Mais certains visages sont magnifiques.

– Nous aimons bien les prénoms, vous et moi, n’est-ce pas…

– Oui, vous les chérissez plus que moi encore.

– Bien ; je dois y aller. J’ai encore une surveillance cet après-midi. »

Cendrine Nirdre, à vrai dire, n’est pas venue. J’ai hanté les rues du vieux Tours, les galeries, les librairies. Je n’ai pas trouvé trace d’une attachée de presse, ni des écrivains qu’elle remorquait. Si quelqu’un lève le voile pour révéler le visage de l’écrivain célèbre, ce ne sera pas moi.

Commentaires

Jolies variations sur le thème des trajectoires croisées (ou non)... J'adore quand tu écris des choses de ce genre - et non des célébrations improbables. Si j'en ai fourni une pour la note n°999, c'était sans doute par perversité.

Écrit par : fuligineuse | samedi, 14 janvier 2006

Iol y aussi l'anonyma de la vie d'artiste... ce qui rende leurs oeuvres pleine de question sur l'auteur...

Écrit par : vilaine fille!!! | samedi, 14 janvier 2006

Fuli > Guillaume L., le bouillonnant auteur du blog Vins de Loire et initiateur du méta-blog TouraineBlogs, m'a envoyé un limerick pour ces "pierres blanches" parce qu'il n'aime pas cette catégorie. Tu n'es pas la seule perverse dans ces parages...

Écrit par : Guillaume | samedi, 14 janvier 2006

Pour savoir à quoi s'en tenir de ce rendez-vous, il aurait été conforme de prévoir de se retrouver sous l'orme.

Écrit par : Philippe | dimanche, 15 janvier 2006

Certes, mais une norme, c'est énorme. (Et animal, on est mal.)

Écrit par : Guillaume | lundi, 16 janvier 2006

Les commentaires sont fermés.