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dimanche, 15 avril 2007

Tony Takitani, d'un désir hérésie

Un film qui laisse à penser que l’œuvre littéraire dont il est l’adaptation ne mérite pas qu’on s’y intéresse mais qui vous laisse, en revanche, profondément impressionné et désireux de mieux connaître le cinéaste, voilà un objet précieux de fantasme, un terrain de hantise.

 

En 1997, à Paris, je fis découvrir à des amis – dans la cave surchauffée qui tenait lieu de salle vidéo – un film qui revêtait pour moi une importance capitale, investi d’une valeur esthétique qui tenait autant au paysage (à la scène), qu’aux visages (aux faces) et à l’affrontement (au jeu). Il s’agissait d’Onibaba de Kaneto Shindo, un film de 1964 que j’ai regardé trois ou quatre fois, puis plus jamais revu (ni aucun autre du même cinéaste d’ailleurs). Je nageais alors en pleine période Ozu, et Onibaba, tout aussi génial, est une sorte d’anti-Ozu absolu.

Jeudi soir, j’ai découvert Tony Takitani de Jun Ichikawa. Ce film se signale par une technique de fondu linéaire et panoramique qui permet d’enchaîner les scènes au moyen d’objets-écrans : la caméra glisse, de gauche à droite, derrière une lampe qu’elle interpose entre la scène et le regard, le gris noircit puis, sur la droite apparaît progressivement la séquence suivante. Cette technique entrecoupante est très caractéristique du film (comme la musique de Ryuichi Sakamoto), en ce sens qu’elle donne rapidement une impression de surcharge, d’excès esthétique, qu’elle témoigne d’un désir outré, outrancier, exagéré. Que le cadrage et la mise en scène même soient le creuset où s’ancre le plus profondément le désir du cinéaste – et celui du spectateur –, il y a longtemps que je m’en persuade, et les films d’Ozu, en ce sens, furent une étape majeure. Ici donc, enchaînement surjoué des séquences ; présence envahissante de la musique ; effacement des dialogues par rapport à la voix off : une représentation en acte de l’obsession (thème (ou sujet ?) du film).

Dans la mesure où l’obsession crée le film, où c’est elle qui le porte, en enfante l’imaginaire autant que les images, on peut dire qu’elle en est le sujet. L’obsession a fait naître ce film de toutes pièces (obsession du prénom, phobie obsessionnelle tant de la vie de couple que du délaissement, obsession vestimentaire, obsession des machines et de leurs détails) et dans toutes les pièces : s’il est un point de rencontre entre ce film d’Ichikawa et le cinéma d’Ozu, c’est dans la passion des lieux, et singulièrement des lieux clos (les « pièces de x tatami » des nouvelles d’ Osamu Dazai). Lorsque l’employée de Tony, subjuguée par les centaines d’habits de la défunte et submergée d’émotion, se met à sangloter en allant d’un cintre à l’autre, c’est dans cette pièce qui n’avait été qu’à peine vue auparavant et sur laquelle la caméra s’attardera vide plus tard. Les piles, plutôt modestes, de vieux vinyls auront remplacé les tissus précieux, mais la pièce, elle, happe, si elle hante.

 

En revanche, la nouvelle de Haruki Murakami, si tant est qu’elle soit reprise fidèlement dans le texte lu en off, ne suscite pas, chez moi, le moindre désir. Déjà, j’ai abandonné à son sort, il y a quelque temps, un roman – Kafka sur le rivage – que C. a lu avec des sentiments mi-figue mi-raisin. Un bref survol de la Toile m’apprend, cependant, que Jun Ichikawa a réalisé une petite quinzaine de films… et Kaneto Shindo quarante au bas mot ! Tout un programme !

09:15 Publié dans Tographe | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma, Japon, Ichikawa, Shindo, Ozu

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