vendredi, 23 mars 2012
Arc-de-linotte
23 mars 2012. — Ab Baars fit ce périple avec nous. Il rentrait de trois semaines affreuses à Astana, et dans cette ville il avait enregistré deux albums, un avec son ami Wolter Wierbos et des musiciens kazakhs, l’autre en duo avec le pianiste Viktor Khomenkov. Tout s’était très mal passé, surtout la bouffe était, disait-il, dégueulasse. Au moins aurait-il aimé ne serait-ce qu’effleurer un peu de ce vaste pays, en dehors de la capitale née de rien, même pas des ruines. Les cuisiniers, là-bas, confondent mardi et vendredi. (Ainsi disait-il – une expression qui nous échappait, mais Ab souvent entassait de telles formules.) Dégoûté, il est. Revient avec des roubles en skaï. Son sax dessine des arcs, il doit tout reprendre à zéro. Il était heureux, disait-il, de nous accompagner un bout de chemin, peut-être pas, tout de même, jusqu’à l’estuaire. It’s now the taming of a shroud. La nature se tape un bol à la santé du rossignol. En 2009, c’était une autre affaire. Mais ce voyage-ci, ce périple (comme nous avons pris pour habitude de l’appeler), est une autre paire de manches. Ab Baars ne connaît pas Saint-Vaast la Hougue. Et alors, cela vous paraît-il anormal ?
Je craque.
Rien n'est résolu, tout se calme. Le texte se fissure.
Je craque, je craque aux entournures.
Il était une dame Tartine. Ça vous apprendra à écrire un premier jet, puis à ajouter à l’infini des phrases au milieu des phrases, même vous, vous n’y comprenez plus goutte, bien fait.
Ah enfin, on respire, on prend un bol d’air, c’est le printemps (un filet de sang qui se répand sur le plan), et Ab Baars sort son ténor, le monte précautionneusement devant nous, on s’est tous installés sur un talus, une levée au-dessus de la Loire, et tous nous l’écoutons, quel plaisir. Ab respire, s’éponge, quel plaisir de l’écouter. Ab aime le mot tocard. Il le prononce un peu à la maghrébine. Il est heureux de jouer, quel plaisir, ce talus, quel plaisir de l’écouter. Lui dit qu’il veut s’envoyer une pleine fricassée de poissons (il confond, je crois, avec le mot friture). Quel plaisir de l’écouter. Il nous joue des airs traditionnels, improvise des fureurs, et termine en rigolant derrière son bec, en se rengorgeant, par de vieilles chansons françaises. C’était en mars. C’était en mars. Il a rendu les armes, déposé son frac, plié sa jaquette. Ab nous enchante, tous nous nous sommes levés. Christelle entonne la vieille chanson. Il était une dame Tartine. La connaît par cœur.
La couverture craque. Craque aux entournures. N’avez-vous pas boutonné, de travers, votre veste ? Le texte, à peine repris par-dessus l’encre séchée (craquelée), se fissure. (Vous confondez, je crois, Sylvain Beuf et Claude Becq. Je craque, craque aux entournures.) Le texte se fissure déjà. — Vous confondez, je crois, avec le mot friture. Vita brevis. On s’aperçoit, dans un pouffement, que Bernard (encore lui ! encore Bernard ! la chatte me griffe, mécontente de voir revenir ce triste sire ! rôdait-il du côté de la salle 67 ??) confond La Teste et Saint-Vaast !!! Comme nous ne sommes pas loin de Saint-Lambert, on pourra le détromper. D’une part, le saxo ; on the other hand, l’aquarelle.
Les indices sont suffisants pour qu'on soit certain que quelque chose se passe. D’un côté, Cortazar ; de l’autre, les églises. Ab Baars entasse divers objets dans son havresac, et vogue la galère, on reprend la route, on n’est pas fatigués, il joue du ténor tout en marchant à vive allure. Il lui tarde de s’empiffrer de fricassée. C’était en mars. Continue le périple (comme nous avons pour habitude de le nommer). Nous allons détromper Bernard. Vous confondez, je crois, percaline et porcelaine. Le texte se fissure, tandis que continue le périple, et vous fêterez, dans les crevasses (les craquèlements ?) du texte, vos noces de froment.
16:05 Publié dans Entre Baule et Courbouzon | Lien permanent | Commentaires (0)
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