dimanche, 11 mai 2025
11052025 (la glottophobie, encore)
Quand j’utilise la fonction Dictée de Word en allemand, la transcription est globalement plus propre que lorsque je fais de même en anglais. Outre la possibilité que j’aie vraiment un accent pourri en anglais, il y a deux autres explications : a) je m’applique beaucoup plus quand je dicte en allemand (surtout avec des phrases comme „zwischen den Zeilen ihrer naiv-verfremdenden Darstellung dieser Beziehungen zeichnet sich unausgesprochen die Erinnerung an den Kolonialismus ab“ (!)) ; b) mon accent anglais est beaucoup moins scolaire que mon accent allemand, et donc plus déroutant pour la machine.
Pour prolonger sur le point ci-dessus, il est à noter que, quel que soit l’outil de dictée que j’utilise (sur smartphone ou sur ordinateur), la transcription française se trompe encore régulièrement sur les sons /ɛ/ et /ɛː/, a priori absents de mon français oral (gascon), et qui se trouvent retranscrits "é" ou "er", malgré mes efforts pour essayer de faire des "é" ouverts (comme on dit). Je ne dis pas qu’il n’y a pas de variations régionales accentuelles en allemand (il y en a) ; je dis simplement que mon allemand très fruste est adapté à la norme retenue par le logiciel.
Pour moi comme pour de nombreuxses locuteurices dont le français est la langue maternelle, les sons /ɛ/ et /ɛː/ n’existent pas. Ils n’existent pas, au sens où nous les prononçons /e/. J’aurais plusieurs anecdotes à ce sujet, dont celle de mon épouse (landaise comme moi) se trouvant à enseigner à Beauvais pour son premier poste de professeure agrégée de lettres, et se retrouvant face à des élèves totalement déroutés par sa prononciation et incapables de ne pas écrire « il aller au marché de beau vé » quand elle avait clairement (clairement, pour elle) dicté « Il allait au marché de Beauvais ». L’année précédente, pour son stage à Bordeaux, ce problème ne s’était absolument pas posé. — À l’inverse, vieille rengaine que les habitué·es de ce blog connaissent, nous Gascon·nes respectons la différence entre /ɛ̃/ (un brin d’herbe) et /œ̃/ (un ours brun), différence que ne font pas (au sens où iels sont incapables même de l’entendre quand on la leur fait entendre) plus de la moitié des francophones de France, en particulier celleux des régions oïl.
Quand j’étais élève en classe prépa littéraire, mon professeur de français (entièrement conscient que le conseil qu’il me donnait relevait du simple bon sens pratique et qui savait que ces discriminations langagières étaient cela justement, des discriminations) m’avait recommandé d’apprendre à prononcer les mots contenant le son /o/ comme il se doit selon la norme jacobine, et non avec des /ɔ/. En effet, il savait que si j’étais interrogé à l’oral de Normale Sup’ sur Mignonne, allons voir si la rose, ma prononciation de "rose" (/rɔz/ et non /roz/) ne me vaudrait plus, comme encore pas si longtemps auparavant, moqueries et disqualification, mais que cela risquait de focaliser l’attention du jury, alors distrait de mes propos, la musique chassant en quelque sorte le sens. Or, qui peut dire quel effet une telle distraction du jury peut avoir sur la note ? Par parenthèse, la glottophobie et la normativité langagière, notamment dans le milieu de l’enseignement, restent globalement impensées, donc perpétuées.
19:19 Publié dans 2025 | Lien permanent | Commentaires (0)