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samedi, 15 octobre 2005

Concert de Mathieu Boogaerts (La Riche, 14 octobre 2005)

Je ne reviendrai pas en détail, faute de temps, sur le très joli concert donné par Mathieu Boogaerts et ses musiciens hier soir à la Pléiade de La Riche. Mais il est à noter que c’est presque la première fois que je trouve qu’un concert constitue une amélioration, ou – à tout le moins – une variation enrichissante à partir des albums. Ce qui se produit souvent pour le jazz ou la musique dite « classique », à savoir que l’interprétation est à chaque fois neuve, stimulante, inouïe, est bien rare dans le cas de la chanson, où le disque représente généralement une forme de summum, l’orchestration étant au plus juste, la voix au plus affiné.
Hier soir, Boogaerts a chanté environ vingt-cinq de ses chansons (son répertoire doit en compter une cinquantaine), dont neuf, bien entendu, extraites de son dernier album, Michel. Le pianiste était un remplaçant qui avait su la veille à onze heures du soir qu’il était appelé à accompagner ce chanteur dont, peut-être, il ne connaissait même pas l’existence. Rien d’évident, donc, et on sent que Boogaerts (chant, guitare, et, sur une séquence de cinq titres, piano) s’est surtout appuyé sur la complicité de longue date qui le lie à son batteur, Fabrice Moreau, et à son bassiste (électrique), Jean-René Zapha. Le choix d’une orchestration principalement électrique (alors que Boogaerts joue surtout de la guitare acoustique dans les albums) a accentué les côtés les plus reggae de son écriture, mais plusieurs morceaux interprétés en solo ont conservé toute la pureté farouche des mélodies (ainsi d’un superbe Las Vegas offert en bis).
Un rien cabotin, et naturellement grimacier (mais sans que cela paraisse excessif ni outré), il a aussi fait ressortir le caractère comique des chansons, parfois au détriment de leur grand pouvoir suggestif et des beautés émouvantes de l’écriture (Bon et Bien). Les moments forts restent pour moi, en clôture, un Ondulé très lent, Quelque chose dans une totale obscurité (qui m’a définitivement conquis, alors que c’est l’une des chansons que j’aimais le moins sur le dernier album), Siliguri doucement provocateur et déjanté, Néhémie d’Akkadé, Lorsque Flore aérien au piano et L’Espace, décidément un des plus beaux textes de M.B.
Les deux interprétations les moins réussies, de mon point de vue ou à mon oreille, furent Keyornew, voix écrasée sous les cordes, et L’impact de nos ex, dont les sens et sons si subtils s’évanouirent partiellement.
Au bilan, Boogaerts a revisité tout son répertoire, dans des orchestrations très novatrices, loin  des tintinnabulations (pourtant indissociables de son style) ou du minimalisme retrouvé du dernier album. Du deuxième disque, il n’a interprété que Comment tu t’appelles, avec un solo de batterie très défrisant au centre ; cette quasi-absence est assez surprenante, car il y a plusieurs chansons très fortes dans cet album-là aussi : je pense à La bombe, Vite, Si si c’est ça, et J’en ai marre d’être bleu. Voilà, du côté des regrets, avec Bye, les titres que j’aurais aimé entendre : mais, évidemment, il était prévisible d’avoir quelques frustrations au bout de deux heures de concert. J’en avais eu plus encore à la sortie du concert de Dick Annegarn au Cirque d’Hiver en 2000…!

Finalement, l’impression la plus durable est celle d’un chanteur et musicien aussi touchant et juste sur scène qu’en disque, enthousiasmant et mélancolique, et l’une des voix (littéralement et dans tous les sens) les plus audacieuses de ces dix dernières années. Je ne me rappelle jamais sans émotion ma découverte du premier disque, au printemps 1996, à Talence, sous un soleil printanier admirable, puis comment j’écoutais ce disque inlassablement à Oxford (où je n’avais pas besoin, forcément, de langue anglaise, puisque je baignais dans l’anglais en permanence, et ce d’autant moins d’ailleurs que la langue de Boogaerts n’est pas non plus, absolument, le français) ; les albums suivants m’ont toujours surpris, car, après Super, le pavé dans la mare de 1996, je pensais que M.B. ne pouvait que décliner. Non, il changea, mua, s’envola sur d’autres ailes, sans jamais changer le fond de ses recherches vocales et musicales. Le concert d’hier soir a confirmé notre admiration pour cet artiste.

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