dimanche, 14 octobre 2007
La Femme des sables
Je sors comme hébété mais aussi ravi – peut-être transformé – de la lecture de La Femme des sables. La 2ème et la 3ème parties sont brûlantes, fortes. Le récit devient plus intense, mais le côté un peu anodin, mystérieux mais léger, des soixante premières pages, renforce certainement cette impression progressive d’enfermement. Un démarrage un peu vacillant, pour mieux river le clou ensuite... ?
Le plus étonnant, dans ce récit, c’est l’ambiguïté fondamentale entre résistance et abandon. Par là j’entends bien sûr la tension constante, dans l’esprit et les actions du protagoniste, entre acharnement et désir de laisser filer, mais aussi la façon dont le narrateur ne cesse de lâcher la bride pour mieux et plus vigoureusement tirer dessus quelques pages ou quelques paragraphes plus loin. Ainsi, si les lectures allégoriques possibles du roman sont multiples, l’une d’entre elles consisterait à voir dans La Femme des sables un miroir déformé, criblé, de la relation entre un texte et son lecteur, entre un récit de l’enfermement et l’enfermement du lecteur lui-même. La métaphore centrale est évidemment celle des insectes pris au piège du sable, mais elle se double de nombreux aspects secondaires qui la minent.
L'hébétude et le ravissement du lecteur occupent les postes opposés de la résistance et de l’abandon. (On laisse filer le sable entre les doigts, car on ne peut, de toute façon, le retenir.) Le dernier chapitre est très énigmatique : quel rapport de fond entre la grossesse extra-utérine et l’évasion forcée de la femme, qui ne voulait pas s’échapper (et, de fait, s’échappe sans doute vers sa mort) ? tout empreint d’ambiguïté qu’il soit, le désir de l’homme de rester, en fin de compte, pour faire part de sa découverte à « la clique », relève-t-il, de la part de l’auteur, d’une célébration de l’esprit d’invention humain – dans toute sa persistance – ou d’un retournement ironique visant à montrer que la faculté d’auto-aveuglement de l’espèce ne connaît pas de limites ? À cette deuxième question, on serait tenté de répondre « les deux, mon commandant », au risque de se retrouver, en tenant les divers degrés de l’échelle de corde, de nouveau – avec le protagoniste – au fond du trou.
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C’est un ami qui nous a offert ce livre. Je n’avais, de l’œuvre d’Abe Kobo, qu’un souvenir précis de La face d’un autre (lu vers 1993, récit fantastique très bien mené mais qui souffre – à l’inverse de La Femme des sables – d’un essoufflement sur la fin) et le souvenir plus vague d’avoir parcouru le Cahier kangourou, emprunté à la médiathèque de Beauvais. E. – l’ami – m’a dit que le film, primé à Cannes dans les années soixante, était très décevant. De fait, La Femme des sables court le risque, transposé à l’écran, d’un net aplatissement. Si le réalisateur n’est pas imaginatif, l’échec guette.
10:40 Publié dans Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Littérature, Japon
Commentaires
Le fou du tronc, le fou du tronc !
Écrit par : Barbe à Bara | dimanche, 25 novembre 2007
"Le pont du coil, le coil du pont", comme dirait l'autre.
Écrit par : Killer Tomato | dimanche, 25 novembre 2007
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