dimanche, 15 janvier 2012
Teetotum, toton, sevivon
"I don't see your circles—I don't see them," Hewet continued. "I see a thing like a teetotum spinning in and out—knocking into things—dashing from side to side—collecting numbers—more and more and more, till the whole place is thick with them. Round and round they go—out there, over the rim—out of sight."
His fingers showed that the waltzing teetotums had spun over the edge of the counterpane and fallen off the bed into infinity.
V. Woolf. The Voyage Out, ch. 9 [1915],
rééd. The Hogarth Press, 1971, p. 124.
Tout comme le narrateur de Mrs. Dalloway développe une véritable politique du point-virgule, on trouve, dans l’extrait ci-dessus du premier roman de Virginia Woolf (The Voyage Out), une érotique du tiret – le tiret anglais (sans espaces le circonscrivant), pas le trait d’union, bien entendu, ni le tiret français. Virginia Woolf s’est d’ailleurs amusée à entremêler la métaphore, classique chez elle, du tourbillon (ou de la volute) à l’usage du verbe dash : or, le tiret se nomme dash en anglais.
Selon la définition habituelle, le teetotum est un dé à quatre faces, éventuellement traversé par une petite baguette en fer, ce qui est en fait un proche parent du toton (cf Chardin ci-dessus), ou du sevivon hébraïque (cf Colorful Dreidels, photographie anonyme, ci-dessous).
Sinon, une recherche dans mon bon vieil OED, cette vieille branche inégalable, donne un certain nombre de résultats, quant aux possibilités d’intertextualité. En amont, Fanny Burney (Evelina III. xxi. 240) ou W.S. Gilbert (Utopia (Limited) 11). En aval, rien moins que Ulysses (J. Joyce Ulysses iii. 723). Tous les liens vers les textes fonctionnent, mais le copié-collé a donné des résultats visuels inhabituels.
Les puristes pourront constater que l'OED modifie la typographie du texte de Joyce, et qu'il fait même passer un fragment de monologue intérieur entièrement dénué de ponctuation pour une phrase tout à fait conventionnelle.
Ceux qui m'ont lu naguère, et même surtout jadis, pourront établir un rapprochement entre la métaphore du toton tourbillonnant dans The Voyage Out et celle du volant de badminton, le shuttlecock du chapitre final de The Good Soldier. Que les autres se contentent de me trouver pénible, comme d'hab.
15:40 Publié dans Questions, parenthèses, omissions, Words Words Words, Zestes photographiques | Lien permanent | Commentaires (0)
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