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mardi, 07 mai 2013

Geirr Tveitt — “Symphonie du Dieu Soleil”, opus 81

Grâce aux « chaînes » de plusieurs dénicheurs d'œuvres marginales, j'ai découvert, depuis quelque temps, des compositeurs totalement méconnus, au point qu'ils n'appartiennent même pas à la catégorie des seconds couteaux. Comme la plupart ont une certaine réputation dans leur pays, il existe toutefois des enregistrements, et de qualité. Pour l'essentiel, il s'agit d'œuvres symphoniques ou concertantes des deux derniers siècles. Une certaine veine post-brahmsienne est très représentée, de même qu'un bon nombre de symphonies très dérivées de Mahler, et singulièrement sous la plume de compositeurs scandinaves, autrichiens, tchèques, ou – plus surprenant – ibères.

 

Dès qu'on se penche sur tel ou tel cas, à condition de ne pas avoir été rebuté (un nombre non négligeable de ces pièces symphoniques sont, au bout de quelques minutes, tout à fait inécoutables, et on passe son chemin), on se dit que ce pourrait être là un grand nom de la musique, qu'il ne s'en est pas fallu de beaucoup, peut-être (je suis sans doute très influencé par ce qui est un thème essentiel et récurrent dans l'œuvre de Renaud Camus). — Ainsi tout à ma découverte, très superficielle, de plusieurs pages du Norvégien Geirr Tveitt, j'avais consacré à son nom, il y a environ six semaines, un onzain. Aujourd'hui, j'écoute la Symphonie du Dieu-Soleil, enregistrée par l'Orchestre Symphonique de Stavanger, sous la baguette d'Ole Kristian Ruud (et non Rudd) ; c'est une pièce dont on ne peut pas dire que la Toile en dise grand chose. Geirr Tveitt est surtout connu pour son (impressionnant) travail d'exhumation musicologique et de réappropriation du patrimoine mélodique du Hardanger, et la WP, par exemple, ne dit rien de cette symphonie, si ce n'est qu'il s'agit d'une version abrégée de la musique de ballet des Rêves de Baldur. (En effet, dans la description de la symphonie que donne celui qui l'a mise en ligne, les trois mouvements ont des titres très nettement chorégraphiques, ou dramaturgiques : ‘The Gods Forget the Mistletoe’, ‘Baldur's Bonfire Journey’, ‘Arrow Dance’.)

On peut certainement reprocher à cette musique son côté très expressif, parfois à la limite du ronflant. Pour ma part, je trouve que le côté ramassé des trois mouvements lui donne un caractère tranchant, avec de subtils contrastes et une symétrie captivante entre l'inquiétude sourde du premier mouvement et le triomphe joyeux du finale (il semble que la “danse des flèches” se compose elle-même de trois sous-parties). Bref, je l'écoute pour la troisième fois consécutive, et y trouve à chaque fois de nouvelles beautés.

 

 

L'internaute qui a mis en ligne cette belle bien brève symphonie a copié-collé, sous la fenêtre de visualisation, et sans en donner la source, un bref article en anglais qui, entre autres, nous apprend les raisons pour lesquelles Nils Tveit a modifié son nom en Geir Tveit (pour faire “plus norvégien”), puis en Geirr Tveitt : « He later added an extra r to his first name and an extra t to Tveit to indicate more clearly to non-Norwegians the desired pronunciation of his name. » Je ne comprends absolument pas cette explication, autant dire que je ne comprends pas comment prononcer différemment Geir et Geirr, ou Tveit et Tveitt – autant dire que je crains de ne pas du tout savoir prononcer ces deux noms... autant dire que je ne suis pas sûr que le redoublement des consonnes finales aide d'une quelconque manière un étranger à mieux prononcer ces noms...

Si l'on doit croire la WP anglophone, toujours, son œuvre a souffert d'accointances malencontreuses avec le néo-paganisme de Hans Jacobsen, mouvement dont le rôle lors de l'occupation allemande de la Norvège sent passablement le soufre, mais aussi (surtout) d'un gigantesque incendie qui, en anéantissant sa maison en 1970, a vu s'envoler en fumée plus de deux tiers de partitions dont c'était là l'exemplaire unique.

 

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Ajouts (14 h 40)

¯1¯   Il faut que je fasse des recherches, au sujet de Renaud Camus (cf supra). En effet, ma mémoire me joue des tours. Je crois que Renaud Camus évoque à plusieurs reprises une exposition possible regroupant des artistes « anachroniques » ou intempestifs, mais c'est autre chose que j'avais en tête : les artistes (compositeurs, notamment), qui, si l'histoire de l'art avait suivi d'autres voies, seraient considérés comme des jalons majeurs, en lieu et place de l'obscurité dans laquelle ils gisent.

¯2¯   Il y a une chose que je n'ai pas notée, au sujet de ces internautes qui mettent en ligne des centaines d'œuvres méconnues. L'un d'entre eux au moins (c'est ce “GoldieG89” auquel je dois la découverte de Tveitt) illustre systématiquement chaque fichier audio au moyen de tableaux qui sont, immanquablement, d'infernales croûtes d'un kitsch totalement new age, inspirées selon toute probabilité par l'“univers” de l'heroic fantasy, et qui, à ce titre, feraient passer les pires atrocités sous-marines de Roland Cat pour de subtils Tiepolo. Or, à plusieurs reprises, j'ai constaté que les internautes qui laissent des commentaires ‘sous’ la vidéo saluent la beauté de l'image... Suis-je réfractaire à l'heroic fantasy au point de ne pas voir la moindre nuance ? Ou pire, est-ce moi qui, dans mon ignorance musicale, n'établis pas de rapport, et apprécie des œuvres symphoniques dont l'équivalent pictural est telle immonde daub ? Que les commentateurs soient à côté de la plaque n'est pas une explication suffisante : celui qui met en ligne ces œuvres est aussi celui qui choisit systématiquement des toiles pour moi irregardables... Le plus rassurant (pour moi) serait que “GoldieG89” n'a aucun goût visuel, et que, ses goûts musicaux n'étant guère meilleurs, le hasard de ses massives mises en ligne fait qu'on tombe, au milieu du magma, sur de belles pépites.

Commentaires

Voir en fin de billet pour un début de piste: http://vehesse.free.fr/dotclear/index.php?2005/04/05/1080-a-voix-nue-5-5-ecrire

Quant à ta remarque sur les croûtes et la musique: il me semble que le kitsch est l'enfance du goût (tous les enfants aiment le kitsch, les boules à neige, etc) et qu'on s'en extrait (certains s'en extraient) à force de lectures et de fréquentations (des œuvres, artistes et amateurs).
Il me semble également que tous les sens ou goûts n'évoluent pas à la même vitesse, que l'on peut devenir très raffiné en musique en restant lourdaud en littérature (un cas assez courant autour de moi), ou connaisseur en littérature et balourd en peinture, etc.
Voyons comment évolueront les goûts picturaux de ton internaute avec le temps.

Écrit par : VS | jeudi, 09 mai 2013

Merci beaucoup pour ce précieux raccourci ! Le temps manque pour tout, ça constitue un début appréciable.

Pour le reste, je pense qu'il s'agit d'un adulte déjà assez avancé en âge. L'hypothèse d'une amélioration de son goût est douteuse. Ou alors, tout n'est qu'un vaste canular, il trouve toutes ces œuvres affreuses, et les illustre donc de tableaux atroces. Mais ce serait dépenser bien du temps et de l'énergie, d'autant que bien des pièces sont très belles.

Écrit par : Guillaume | dimanche, 12 mai 2013

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