Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mardi, 02 décembre 2014

Par ailleurs ailleurs. Une proposition.

Je lis en ce moment Par ailleurs (Exils), petit ouvrage que consacre Linda Lê, écrivaine que j’apprécie beaucoup, à des figures d’écrivains déracinés, migrants, exilés. Il y a là de très belles pages sur l’exil lui-même, l’exil dans l’écriture, parfois à la marge de cette facile tentation qui consiste à définir l’écriture en soi comme un exil (Kafka &c.) Lê est une lectrice remarquable, et, en quelques touches, elle fait ressortir toute la singularité d’une figure, même pour les plus rebattues (Gombrowicz, Gauguin), et donne envie de lire ceux que l’on ne connaît que de nom (Kertesz, Tsvetaeva), ceux dont on n’avait jamais entendu parler (Gregor von Rezzori), ceux que l’on aime mais n’a pas lus ou vus depuis quelque temps (Ovide, Chatwin, Bernhard).

Ce qui m’a frappé, très vite – au point de feuilleter rapidement le volume (il n’y a ni index ni table des matières) – c’est l’absence de tout écrivain africain, et même, à l’exception de Pham Van Ky, de tout écrivain post-colonial. Certes, cela montre combien cette question de l’exil forcé dépasse de très loin la condition post-coloniale, mais enfin, vu qu’il y aurait de quoi écrire un volume entier de semblables portraits critiques avec l’exemple des seuls écrivains issus des anciennes colonies, cette absence montre à quel point l’écriture d’Afrique (ou du subcontinent indien, d’ailleurs) n’existe pas pour le microcosme éditorial français, même pour un auteur aussi fin, aussi profond et intelligent que Linda Lê. Elle ne les lit pas, ne les a pas lus, tout simplement parce qu'ils n'existent pas dans son paysage. Pourtant, parmi les noms que je vais citer, il y a des écrivains dont le projet et l'expérience valent largement ceux d'un Bolaño ou d'un Pavese. Avez-vous essayé de proposer la publication d'un auteur africain majeur, comme Tutuola ou Laing, à un éditeur parisien ? Achebe ou Soyinka seront-ils un jour pléïadisés ? vous n'aurez qu'un sourire compatissant d'une totale condescendance...

 

Je propose donc ici même aux éditions Christian Bourgois d’écrire un volume de réponses et compléments, Par ailleurs ailleurs (exils d’exils ² ), où figureront en bonne place Chandani Lokugé, Nuruddin Farah (auteur, très entre autres, d’un paradoxal “In Praise of Exile”), les afrikaners albinos de Breyten Breytenbach, V.S. Naipaul, les années australiennes de Coetzee, l’écart selon Mudimbe, l’errance selon Darwich (mais aussi selon Nathalie Handal), la volatilité selon Ghassan Fawaz, le dedans/dehors selon Ben Okri (auteur publié par Bourgois, mais pas les grands romans des années 90), Taban lo Liyong et la réinvention des noms, Ama Ata Aidoo, l’Amriika de Vassanji, la littoralité de Gurnah, Salman Rushdie, le voyage avec les djinns de Jamal Mahjoub, le cricket selon Romesh Gunesekera, la littérature-transit de Waberi, la fuite dans le langage de Frankétienne, sans parler de Farida Karodia ou du polygone identitaire de Tatamkhulu Afrika...........

 

Les commentaires sont fermés.