mardi, 20 septembre 2016
Payer en nature
Le crime crapuleux n'est pas sieste crapuleuse, ni réciproquement*.
L'étudiant anglais qui m'a demandé de lui expliquer, vendredi dernier, ce que signifiait payer en nature m'a confirmé que c'était plutôt dans un contexte de vannes de bistrot que parce qu'il avait aidé aux vendanges à Vouvray. J'espère pour lui qu'il n'a pas raté une occase.
Plus sérieusement, cette suggestion, qui a égayé le cours, était aussi une colle.
Dans son sens économique, littéral, “payer en nature” se dit pay in kind, expression que ne semblait comprendre aucun des étudiants anglophones, probablement parce que cette pratique n'a aucune espèce de réalité dans leur univers. Pour le sens métaphorique, sexuel, les ressources lexicographiques consultées en direct pendant le cours (WR, Reverso** et les dictionnaires Larousse) proposaient toutes take it out in trade. Le hic, c'est que là encore aucun des étudiants anglophones n'identifiait le sens sexuel de cette expression, qui doit être moins répandue et nettement moins compréhensible que son équivalent français.
Comment traduire, alors, sans expliciter ? Imaginons, dans un dialogue par exemple : “Le serveur est mignon, t'as qu'à le payer en nature”. Traduire cet énoncé par “The waiter is cute, possibly he'll accept your paying him with sexual favours” serait beaucoup trop explicite. J'avoue n'avoir aucune idée, à part un jeu de mots alambiqué sur down payment et go down on sb → you should offer him a going-down-payment.
* Cf débat sur FB le 20.09.2015.
** Je note ici une bizarrerie de l'article de synonymie pour “sexual favours” sur Reverso.net. Dans la liste des exemples d'usage se trouve la phrase “Many women derive sexual pleasure from driving on a horse” (ce qui est déjà tout un programme), avec,en regard, sa traduction en arabe...!
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09:44 Publié dans Translatology Snippets | Lien permanent | Commentaires (3)
Commentaires
Pour moi cela n'a pas un sens exclusivement sexuel. J'irais jusqu'à penser que c'est une expression qui vient du fermage: j'ai des tantes qui reçoivent bel et bien le prix de la location de leurs terres en pommes.
Et donc à Vouvray, cela pouvait être des bouteilles. Il me semble que c'est indécidable hors contexte, et que parfois c'est même pour cela que c'est amusant : deux sens possibles, sans qu'on sache pour lequel se décider, en prenant le risque de passer pour un imbécile si on choisit le mauvais.
Il n'existe pas quelque chose en anglais qui serait "payer de sa personne" ?
Écrit par : Alice | mardi, 20 septembre 2016
C'est bien ce que j'ai écrit : il y a un sens littéral et un sens métaphorique, qui ne se disent pas pareil en anglais de sorte que l'ambiguïté possible en français ne l'est pas en anglais. J'ai souligné l'existence du sens littéral en précisant qu'il était inconnu de mes étudiants car "cette pratique n'a aucune espèce de réalité dans leur univers". Les étudiants français du groupe suivant se sont presque tous esclaffés, ce qui montre bien que, pour eux, hors contexte, "payer en nature" a d'abord et surtout un sens sexuel. L'étudiant anglais (en fait, c'est un Portugais étudiant en Angleterre) m'a confirmé, sans entrer dans les détails, qu'on lui avait dit ça entre potes au bistrot.
Écrit par : Guillaume | mercredi, 21 septembre 2016
"Ce que je voulais dire c'est que" la langue française, et surtout ses locuteurs, sont quand même bien obsédés. La plupart des expressions que toi tu entendras d'abord sexuelles, je les entendrai platement.
C'est la fréquentation de mecs en sport ou en école d'ingénieurs qui m'a donné l'habitude, quand je les vois rigoler, de basculer dans le mode "cherchons le Q". Et en français, on trouve toujours.
Écrit par : Alice | lundi, 26 septembre 2016
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