jeudi, 31 octobre 2024
Expositions à foison (Paris, 30 octobre 2024)
Hier, nous avons passé, Claire et moi, une journée très agréable à Paris. Bien sûr, Paris est toujours aussi bruyant et épuisant, mais sur quelques journées – ou sur une, a fortiori – c’est très bien.
La première exposition, au Musée du Luxembourg, est la première rétrospective française consacrée à la peintre brésilienne Tarsila do Amaral. C’était une vraie découverte, très intéressante car la première partie démontre à l’envi la façon dont la peintre s’est nourrie des cercles avant-gardistes parisiens mais les a également fascinés (en ce sens, sa collaboration avec Cendrars mérite d’être creusée) ; la seconde partie, qui traite de son travail une fois de retour au Brésil, après la fin des années 1920, met en lumière une réelle continuité de son regard, avec une prise en compte grandissante des éléments spatiaux et humains propres au Brésil.
Un des angles morts de l’exposition est qu’elle était la fille d’un gros propriétaire caféiculteur : peut-on aussi expliquer ainsi quelques essentialisations racialisantes assez dérangeantes ? Y a-t-il eu invisibilisation ou appropriation culturelle ? N’oublions pas qu’elle est née en 1886, mais que l’esclavage n’a été aboli au Brésil qu’en 1888 (oui, c’est dingue, il faut rappeler cela). Le Manifeste anthropophage de son deuxième époux, Oswald de Andrade, parle de caribéanité en des termes assez abstraits, je trouve. À approfondir : de toute façon, cette génération qui a fondé et façonné le modernisme brésilien l’a fait depuis une position sociale plutôt privilégiée, et sans remettre en cause ce que Cida Bento nomme « le pacte de la blanchité ». Il n’en demeure pas moins que l’œuvre est de première importance, avec notamment ces représentations étonnantes de mythes et de lieux qui ouvre sur des imaginaires complexes et réellement post-coloniaux.
La deuxième exposition, à la Conciergerie, était plus vaste ou plus riche encore, autour d’une quarantaine d’artistes béninois contemporains — très contemporains même, car beaucoup sont plus jeunes que moi (comment peut-on être plus jeune que moi ? je suis scandalisé).
Il y a là des œuvres majeures, fortes, retentissantes, dans une grande diversité de supports, de matériaux et d’approches. Je note (mais c’est très restrictif) : Tassi Hangbé d’Euloge Ahanhanzo-Glèlè, peintures de Ludovic Fadaïro, amalgames de masques bricolés de Charly d’Almeida, tissages d’Yves Apollinaire Pèdé reprenant les motifs traditionnels des rois du Danxomè, photographies exceptionnelles de Sènami Donoumassou, et enfin My Potatoes’ Field de Thierry Oussou (61 œuvres de petit format constituées de collages avec encre et pastel dont 1 figure humaine à chaque fois réalisée avec papier calciné)…
Ensuite, passage par la galerie Angalia pour la présentation d’une dizaine de sculptures de Freddy Tsimba, qui sculpte principalement à partir de douilles ramassées sur les lieux de guerre et qu’il soude ensemble ou qu’il fond (c’est le cas des têtes). Il y a aussi des œuvres qui utilisent des milliers de clés soudées ensemble, ou encore des cuillères et des machettes. C’est peu de dire que, par ses sujets comme par la signification profonde de son matériau, cette exposition est plutôt remuante (traumatisante).
Enfin, en flânant dans le Marais, au fil de plusieurs galeries, découverte de la galerie Topographie de l’art, qui présentait une exposition collective nommée Image Texte 7. Deux des artistes nous ont vraiment tapé dans l’œil, dans des styles différents : Marcel Katuchevski (dont un génial Chalamov I) et Gianpaolo Pagni.
La galerie, qui édite aussi de nombreux catalogues et fascicules, organisera bientôt une exposition de photographies et sculptures d’artistes haïtiens contemporains (du 16 novembre au 16 janvier) : ce serait bien de pouvoir y retourner dans ce laps.
12:38 Publié dans 2024, BoozArtz | Lien permanent | Commentaires (0)