mardi, 12 janvier 2016
Autant de larcins
Il n’y a pas de très nette ou très bonne raison au choix du titre de cette série de textes, Larcins : paronymie du patronyme de Garcin, idée que mes petits textes sont comme des chourades à la dérobée, en lisant un écrivain à peine découvert, glissement vers une homophonie avec mon propre nom (Garcin → cin/Gar → CingaL < lar-cin).
Allons... c'est un beau mot... je ne peux m'y soustraire :
Allez donc ! Ce qu’ici vous perdez de moments
Sont autant de larcins à vos contentements ;
Et ce soir, destiné pour la cérémonie,
Fera voir pleinement si ma haine est finie.
(Cléopâtre, dans Rodogune, acte IV, scène III)
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lundi, 11 janvier 2016
▓ wattle ▓
Voulant éviter le très beau (et bref) paragraphe de trois phrases qui ouvre l'œuvre, l'incipit de From A Crooked Rib — pour y venir ultérieurement, pas d'inquiétude —, je cherchais quelle “série de trois” piocher dans les premiers chapitres du premier roman de Nuruddin Farah. J'ai bien failli choisir le début du deuxième § de ce Prologue si bref et si beau, puis me ressaisis.
In the dark, the huts looked more or less like ant-hills, maybe of an exaggerated size. The huts were made of wattle, weaved into a mat-like thing with a cover on top. They were supported by sticks, acting as pillars.
(From A Crooked Rib, 1970. Ch. I. Penguin, 2006, 6)
On trouve plusieurs traits caractéristiques de l'écriture de Nuruddin, traits qu'il aura soin de gommer ou de dissimuler sous des variations plus baroques au fur et à mesure des trois trilogies : rythme ternaire avec variations autant métriques que syntaxiques (cf analyse ci-dessous) ; emprunt des doubles paires allitérantes à la poésie pastorale somalie (made/mat // wattle/weaved) ; progression de la description par reprises (the huts → The huts → They were)
[1] In the dark, [2] the huts looked more or less like ant-hills, [3] maybe of an exaggerated size.
[1] The huts were made of wattle, [2] weaved into a mat-like thing [3] with a cover on top.
[1] They were supported [2] by sticks, [3] acting as pillars.
En bleu : syntagmes prépositionnels incidents. En orange : noyaux des propositions. En pourpre : structures verbales (ou non) incidentes servant à préciser la description. Dans la première phrase, les trois temps sont marqués par trois virgules ; dans la deuxième, la seule virgule ouvre de [1] sur [2] ; dans la troisième, elle ouvre de [2] sur [3].
D'un point de vue métrique, les fragments courts privilégient l'anapeste (with a 'co /ver on 'top), tandis que les segments plus longs (noyaux) sont plutôt iambiques, avec un effet d'accélération (the 'huts were 'made of 'wattle), puis, avec le dernier segment cité ici, un effacement porté par la combinaison dactyle/trochée ('acting as / 'pillars).
L'ensemble de ce dispositif a pour effet d'insister sur le caractère imprécis des éléments descriptifs (more or less like, thing, acting as), sans doute dû à l'obscurité : “in the dark”.
S'il fallait un exemple de ce qui différencie une bonne traduction d'une mauvaise, les choix respectifs de Geneviève Jackson (Hatier, 1987) et de Jacqueline Bardolph (Le Serpent à plumes, 2000) pour ces trois phrases sont un cas d'école :
Dans l'obscurité, les cases moutonnent. On dirait de grosses fourmilières. Faites de claies tressées, grossièrement chapeautées, elles émergent, portées par leurs grêles pilotis. [Jackson, p. 13]
Dans le noir, les huttes ressemblaient plus ou moins à des fourmilières, peut-être d'une taille excessive. Ces huttes étaient faites de claies, tissées pour former un objet comme une sorte de natte avec un couvercle dessus. Ces nattes d'osier étaient posées sur des bâtons qui servaient de piliers. [Bardolph, p. 23]
Bien entendu, la traduction de Geneviève Jackson est exécrable ne serait-ce que parce qu'elle ne respecte ni le temps du récit (que vient faire là ce présent ?) ni le point de vue (d'où sort ce “On” ?) ni le lexique descriptif (“moutonnent” ???), et, même dans un contexte scolaire, elle aurait une mauvaise note. Toutefois, ce qui est le plus faux, c'est la manière dont la prosodie de la description est totalement évacuée, effacée, remplacée par autre chose. Jacqueline Bardolph traduit véritablement Farah car, en suivant rigoureusement la structure syntaxique et métrique des phrases, elle donne à entendre un texte de même teneur. Quand plusieurs solutions sont possibles, elle choisit en fonction du rythme (in the dark → dans le noir, par exemple).
(Je n'ai rien dit de weaved, car il m'embarrasse. — J'avais d'abord songé que la forme faible pouvait être un américanisme, mais, à en croire l'OED, ce serait plutôt un archaïsme : on trouve cette alternative à la forme forte woven, désormais seule courante, jusqu'au début du 19e siècle.)
22:19 Publié dans Seventy-One NonFlowers by/for Nuruddin Farah, Translatology Snippets | Lien permanent | Commentaires (1)
Odeurs
Le bref et très beau récit que Christian Garcin a publié dans la collection Les Flohic, Une odeur de sexe et de jasmin mêlés, met l’accent sur un sens tout à fait prédominant dans son œuvre. Je reparlerai ultérieurement de ce récit, mais l’initiation du jeune homme obsédé par une odeur de femme à tout ce qui constitue fondamentalement cette odeur montre combien le texte cherche aussi à faire glisser les formes visuelles (encres et peintures chinoises des pages de gauche) dans l’univers plus complexe où les sens se combinent.
Itinéraire chinois s’ouvre sur une belle évocation des multiples odeurs des maisons d’alpages (page 10), manière d’ouvrir le bal avant les étapes chinoises : « C’est entendu, partout en Chine, le premier sens convoqué, investi, assiégé, c’est l’odorat. » (L’Escampette, 2001, p. 30, italiques ajoutés). Dans le chapitre consacré à l’Inde et à l’absence d’espace privé, Garcin établit un lien entre « le flou des frontières » et « la sensation d’un amas irrespirable » (p. 86).
Aussi n’est-il pas surprenant de lire, en ouverture du dernier chapitre, juste après une évocation de l’odeur mêlée de beurre rance, de viande fumée et de merde : « Je fermai les yeux. Ça sentait plutôt bon. » (p. 101) — Peut-être faut-il fermer les yeux, parfois au moins, pour mieux apprécier une musique, voire pour distinguer la provenance d’un son… Pour les odeurs, c’est évident. (Mes fils se moquent de moi quand je goûte le vin au restaurant : je ferme toujours les yeux pour le humer, pas pour le goûter. Il m’aura fallu mes fils pour que je prenne conscience que j’étais ridicule (mais je n’ai pas changé mon habitude) et ce texte superbe pour comprendre qu’un bouquet d’odeurs ne s’apprécie que yeux fermés.)
Il n’est pas surprenant non plus, de trouver à la même page du deuxième lexique publié par Garcin, Pris aux mots (L’Escampette, 2006), page 65 donc, œuvre encadrée par odeur et oignon. Je reproduis deux citations données par Garcin pour ces deux entrées :
« Un tas de fumier a parfois de loin l’odeur du musc, et un chien crevé celle des fleurs de sureau. » (Coleridge)
« Isaac Babel disait de son existence qu’elle sentait “l’oignon et la destinée juive”. »
▓▒░░░▒░▒▒▓
De la première, je n’ai pas trouvé trace directement chez Coleridge, mais la citation lui est effectivement abondamment prêtée, notamment par A.P. Russell en 1882, dans ses Library Notes : A dung-hill at a distance, said Coleridge, sometimes smells like musk, and a dead dog like elder-flowers.
Pour la seconde, n’ayant pas beaucoup pratiqué Babel et n’ayant pas la moindre notion de russe, il m’est difficile de trouver mon chemin, mais j’ai tout de même glané ceci sur le Web :
Reading The Complete Works of Isaac Babel is an experience at once horrifying and exhilarating. This large volume is a history of the Russian Revolution and its aftermath, and a monument to the dead and the living. It is full of energy and poetry and slaughter. It smells of war and horses, of onions and herrings, of hunger and blood. It is also a testimony to the stubborn survival of literature. (Margaret Drabble, en 2002 dans le Guardian)
Et mieux encore, ceci, à propos d’une nouvelle inachevée, ‘La Juive’, sous la plume de Carol J. Avins, dans le recueil d’articles rassemblés par Gregory Freydin The Enigma of Isaac Babel (2009) :
(capture d’écran de la page 96 à partir de Google Books)
00:03 Publié dans Larcins | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 10 janvier 2016
Cokaïne
Je viens de passer un noir week-end pluvieux à écluser des centaines et des centaines de copies de 1ère année. Outre la petite centaine qui restera à corriger (L3 principalement), je dois recevoir, lundi et jeudi, presque tous les étudiants australiens et coréens dont je supervise les études ici, avant de faire le guignol, comme chaque année, vendredi et même samedi matin, au Salon des Lycéens (qui ne s’appelle plus comme ça, dont le nom change tous les ans… de sorte que métonymiquement tout le monde finit par dire “à Rochepinard”, ce qui, avouez-le, est d’une classe absolue).
Il faut donc, tout de même, que je tente d’écrire un texte un peu plus élaboré, qui enfonce un coin dans le retard accumulé et permette de sortir du week-end la tête un peu rafraîchie — certes, il y eut Coggle, rugby, trois épisodes de Rome et diverses fariboles… mais les monceaux de TP à corriger resteront la note dominante, comme la houille de Hard Times.
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samedi, 09 janvier 2016
[ sur le trottoir mouillé ]
passe sur le trottoir mouillé
la bombasse du samedi
& dans mon crâne ce taudis
pousse en douceur un clou rouillé
la statuette mumuye
pour narguer ce salmigondis
offre ses angles arrondis
de quels mots suis-je barbouillé
le mouvement souple et gracieux
de ses oreilles&cheveux
libère en écho à la lampe
la senteur âpre du regard
comme le pavé que détrempe
en vain mon matage ringard
.
07:03 Publié dans Sonnets de janvier et d'après | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 08 janvier 2016
“je pue du Waterman”
Comme pour 16 en 16, j’ai plusieurs fois failli commencer.
(Où ai-je lu cette phrase sur ceux qui croient être écrivains parce qu’ils ne cessent de dire qu’ils pourraient écrire, alors que les vrais écrivains sont simplement ceux qui s’y mettent ?)
Avec les bonnes résolutions, et avec la nouvelle année, vient le temps de nouveaux chantiers. 2016, année Ferré bien qu’on ne puisse pas dire que la présence du diable ait beaucoup occupé les médias*, est donc l’occasion, pour moi, de nouvelles élucubrations.
Après avoir songé à commencer, samedi dernier ou lundi, autrement, je vais donc partir de Poète, vos papiers ! En écoutant une énième fois la chanson ce matin, sur la route du turbin, je me suis aperçu que ce qui la rend totalement singulière (et qu’il faudrait creuser plus généralement pour la diction de Ferré), c’est que les couplets sont écrits en alexandrins parfaits dont la perfection est systématiquement déstructurée et reconfigurée (disloquée) par le chant, et que l’avant-refrain, en revanche, impose des octosyllabes sans césure ni pause (les seules variations étant sur le ton ou la hauteur de certaines syllabes). Dans le chant même, Ferré profère un texte qui n’est plus du tout celui qu’il avait écrit ; peut-être est-ce cette tension que viennent commenter, ironiquement, les répons des cuivres aux longs aplats des cordes accompagnées des bois.
Pas le temps de peaufiner ici, mais l’art poétique que développe Ferré dans le texte repose, comme toujours, sur le triple héritage Baudelaire-Verlaine-Rimbaud, avec une torsion contemporaine qui vient de l’argot et de Dada (faire rimer le bifteck avec les engelures). La performance orale permet d’ajouter un élément d’ambiguïté phonique : seins/saints, rock/rauque, “cons dits modernes” / “qu’on dit modernes”.
* Est-ce le désir de ne pas commémorer l’“anarchiste” ? À moins qu’il n’ait, lui, donné d’explicites instructions en ce sens, je ne sache pas que la peur de commémorer ait jamais saisi la presse, les maisons de disques ou les institutions culturelles. Moi, mes raisons sont autres : 2016 est une année qui en vaut d’autres pour essayer de préciser, pour moi, ce que me représente Ferré. Par ailleurs, ma fixette sur les nombres n’a pu manquer de me faire remarquer que Ferré est né le 24 août et que 24 x 8 = 192 (24 octosyllabes, mais tout aussi bien 16 alexandrins) = 2016 divisé par 10 et demi. (Si ç’avait été 8 ½ j’aurais pu croiser ça même avec Fellini.)
11:09 Publié dans Autres gammes, Par le rameau fleuri | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 07 janvier 2016
De plusieurs oraisons funèbres en distiques
BOULEZ (6 janvier)
Musique que des joints avec vous vous roulez
A mouru -- mais qui donc ?? dit Fleur... -- Pierre Boulez.
Moins mieux à l'esgourde qu'un claquage à la cuisse
Hugo m'est forcé d'écoute "Messagesquisse".
Hugo m'est mandé pourquoi que je l'envoie paître
Remplacir Loiret-Cher par le Marteau sans maître.
WOLINSKY (5 janvier — mort le 7 janvier 2015, on n'oublie pas)
Golri-je Luc Alphant m'est dit il vole un sky
Si qu'Hidalgo gourée est écrit Wolinsky.
GALABRU (4 janvier)
On a rasoir l'an mil au lac de Paladru
Mais bien übergavé la mort de Galabru.
Question que Saint-Tropez Lefèvre et Galabru
J'a demandé “daughter-in-law”. Hugo : « La bru. »
Golri-je Galabru que Hugo s'entêtait
Homme que pas des glaçons souvent il tétait.
On a dur, ç'a bien vrai, mais aussi on a dru
Le froid hivernal qui la mort de Galabru.
Bicoze golri-je, Hugo ne me pas cru
Je Franck qui l'annonce la mort de Galabru.
Hors du charnier natal comme qu'un vol de gru
Au paradis que s'a envolé Galabru.
Deux mil sept qu'étudiants luttont la LRU ;
Deux mil seize Michel a mort, et Galabru.
Rhywun sydd yn cymryd : ç'a Wiki de Cymru.
Et j'a inconsolable trépas Galabru.
Hors du natal charognier qu'un vol jabirus
Tel qu'avoir uniques les décès galabrus.
DELPECH (3 janvier)
Nécro que j'aime bien rimir avec varech
J'ai très embarrassé s'il est mouru Delpech.
* * * * * * * * * *
Pénible-je demandé rime avec Delpech
Si Hugo lui golri m'est dit “dans ton daech”.
Tout comme que Haddock s'énervut de Tryphon
Ma chanson préférée ç'a le sirop typhon.
On a rigor mortis le bassiste tout raide
Si qu'il a mouru le chanteur de Mötörhead.
11:12 Publié dans Distiques ribéryens | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 06 janvier 2016
Vie & mort.
Tu chopes le tétanos,
On te charcute au scalpel.
Un bébé rhinocéros
Est né à Planckendael.
*********************************************
Très souvent, sous la lune,
Je laissais aller mes pensées.
Gilberte l'ourse brune
Vient de mourir d'un AVC.
22:52 Publié dans Quatrains conversationnels | Lien permanent | Commentaires (0)
Du tout filaire (12.09.2014)
Voici l'occasion idéale de publier ici un distique du 12 septembre 2014 resté inédit dans les limbes facebookiens, et qu'il faudrait, pour expliquer pleinement, annoter abondamment. Qu'il suffise de dire que, tout comme Renaud Camus affirmait que la vérité de Xenakis résidait dans la vulgarité de sa femme, de même l'ineptie et l'impéritie du frère et de la belle-sœur de Boulez m'ont quelque peu gâché sa musique (et surtout ses écrits)...
On a über dégueu la bibliothèque erre
Où la mère Boulez se faisit en filaire.
14:59 Publié dans Chèvre, aucun risque, Distiques ribéryens | Lien permanent | Commentaires (0)
Tramway filant dans la bourbe du ciel
Décidément, ça ne va jamais où je veux. Depuis plusieurs jours, je songe à (prépare) trois nouveaux projets d’écriture, l’Atlas, 16 en 16, et une série de textes autour du centenaire de Léo Ferré : j’ai déjà quelques idées, diffuses voire confuses, mais n’ai pas encore écrit la moindre ligne.
Et au bilan me voici ferré (requis) par autre chose, le projet Larcins.
Ce matin, dans le tramway, entre Marne et Mi-Côte, je poursuivais la lecture de L’autre monde de Christian Garcin. Ce n’est pas que le livre soit impossible à résumer, moins encore à recenser — seulement, là n’est pas le projet, voilà tout. Entre Christ-Roi et Tranchée, mon attention a dérivé vers l’écran du smartphone de ma voisine, une adolescente noire aux beaux cheveux tressés, qui passait à toute vitesse sur des quantités de photos sur Instagram : Kardashian, Nabilla, ce genre-là. Tout aussi vite qu’elle les faisait défiler, elle ornait certaines de ces photographies d’un cœur (l’équivalent, je crois comprendre, du “like” sur Facebook). Outre que tout ce que j’entrevis était d’une laideur désolante, cela m’a poussé à regarder plus en détail autour de moi : presque toutes et tous sur leur smartphone, comme cela m’arrive très souvent, à moi aussi, dans le tramway. Plus loin, à l’arrêt Place Choiseul, pareil : devantures mortes sous leurs néons… et pianoteurs isolés, voire en groupes… Étais-je différent, plongé dans mon mince Verdier ?
En ville, il m’a paru, tandis que je contemplais, du tramway filant sur le pont Wilson, la Loire (je fais toujours ça – m’interdis de faire autre chose que de contempler la Loire, le ciel au-dessus de la Loire, les piétons et les cyclistes sur le pont), qu’en ville l’autre monde était celui des citadins qui continuent de regarder autour d’eux, c’est-à-dire aussi de regarder les autres citadins. Je veux dire, les regarder vraiment – pas pour mater ou médire. Prêter attention. Cet autre monde est de plus en plus enfoncé dans la part ténébreuse des existences, dans l’ensauvagement, alors qu’il est seul porteur de lumière ou de civilité. Chamois prêt à s’ensanglanter dans la brume noire. L’eau de la Loire semblait, elle-même, brune, à son actuel étiage bas. Eau brune ou de boue, et non noire ; il faut résister aussi, parfois, à la rime.
Place Anatole-France, j’ai croisé, après être descendu du tram, une jeune fille plus grande que moi. Ce n’est pas souvent : pour que quelqu’un me paraisse évidemment plus grand que moi, il faut qu’il fasse un bon mètre quatre-vingt-dix. Ce matin, rebroussant chemin vers la rue Nationale pour aller acheter mon Charlie Hebdo, j’ai pu vérifier une règle presque intangible : les filles plus grandes que moi sont très souvent en mini-jupe, et elles pourraient passer, à l’aise, leurs deux jambes dans un seul fuseau de mon futal. Cette jeune fille ne pianotait pas sur son smartphone et semblait pressée ; malgré la brièveté de la “rencontre” (trois secondes ?), j’ai eu le temps de trouver à son visage un air à la fois dur et mélancolique. Je doute que ce soit une projection personnelle : ce mélange me semble très insolite.
08:26 Publié dans Larcins | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 05 janvier 2016
La boucloucle va boucler
Un moment comme tant d'autres.
Ce matin, dans le tramway, je lis la très belle nouvelle de Christian Garcin, “Les muets” (dans La neige gelée ne permettait que de tout petits pas). J'ai décidé de découvrir Christian Garcin suite à une vidéo enthousiaste de François Bon. Presque simultanément, notre ami lillois — à qui nous avons rendu visite début mai — nous envoie ses vœux électroniques. Or, la nouvelle se passe à Lille, se nourrit de la ville.
Plus tard, je lis, sur Facebook, la belle chronique d'André Markowicz sur la neige tombée dans la nuit du 3 janvier à Petersbourg. Comme cela me fait penser au célèbre “Souvenir de la nuit du 4”, je cherche, comme ça, au hasard, une traduction anglaise.
Après avoir trouvé une paraphrase d'une étonnante platitude, je trouve, sur Wikisource, une magnifique traduction. Elle est de Toru Dutt... Toru Dutt, je la connais, sous un autre versant, grâce au travail de Chandani Lokugé, autre écrivaine que j'ai pu côtoyer — comme André Markowicz et François Bon — lors de son séjour de travail à l'université de Tours.
lundi, 04 janvier 2016
Quatrain pour Galabru
sur le principe des quatrains conversationnels
D'un tsar ou d'un czar on n'a lu
Très souvent qu'un modeste oukase.
Je me souviens d'avoir vu
Galabru dans Kamikaze.
14:39 Publié dans Quatrains conversationnels, Tographe | Lien permanent | Commentaires (0)
coup de fil du sale con
Premier madrigal métonique vénéral *
tanneurs pris
par la
glace du soleil l’un
dira rien
pour tout
comment arpenter la
foule intense par
trois degrés et de mi
coup de fil du
sale con sur
le trottoir de vant
(salut beatnik ! je me
fends la nèfle !) ma
vitre où s’extasie un
soupçon poussiéreux brume
toile d’araignée lune
en demi-teinte arc
de triomphe du sale
con lippe haineuse arque
ma vitre où tape en arc l’un salut comme arpent fend la mine conte un triomphe
* Forme adaptée le 18.12.2015 en amphi 5. Premier madrigal écrit ce matin lundi 4 janvier 2015 bureau 38.
11:26 Publié dans Madrigaux métoniques | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 03 janvier 2016
Vers ribéryens des 3 premiers jours de 2016
Golri-je très beaucoup l'année 2016
Bisexuelle rimut très beaucoup avec baise
— Même qu'Hugo m'est dit rimut avec ascèse.
Tristiques ribéryens
(Oui, ça s'appelle des triolets ou des tercets, mais Ribergal appelle ça des tristiques.)
On a bien sirupeux Bardot et la Madrague
Plage qui n'a pas infestu de pastenagues.
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Nécro que j'aime bien rimir avec varech
J'ai très embarrassé s'il est mouru Delpech.
* * * * * * * * * *
Pénible-je demandé rime avec Delpech
Si Hugo lui golri m'est dit “dans ton daech”.
* * * * * * * * * *
Tout comme que Haddock s'énervut de Tryphon
Ma chanson préférée ç'a le sirop typhon.
20:35 Publié dans Chèvre, aucun risque, Distiques ribéryens | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 02 janvier 2016
::: ni raison ni rime ::::
vous n'avez rime ni raison
propos montés en fatrasie
en neige comme en poésie
vous n'avez rime ni raison
le goulot n'est pas la trémie
vous en compterez le poison
grain qui grouille & tombe à foison
de l'appétit à l'anémie
le goulot n'est pas la trémie
voici donc la lobotomie
entre la raison et la rime
de l'assassinat à son crime
la frime au point de la cuisson
n'est pas le trot du hérisson
14:10 Publié dans Sonnets de janvier et d'après | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 01 janvier 2016
“tu mettrais le monde”
tu mettrais le monde sous braise
& l'univers tu le mettrais
dans la ruelle des attraits
à se figer en catachrèse
tu caches ce que tu voudrais
trahir par nulle autre foutaise
ce qu'on sait faut-il qu'on le taise
garde-moi de la cendre au frais
déjà le feu trace d'un geste
l'amertume fixée au zeste
et au zénith il semblerait
tu plongerais dans le nadir
un monde de foudre et de craie
& sous la trompe du tapir
une année bis vient ramener sa fraise
22:13 Publié dans Sonnets de janvier et d'après | Lien permanent | Commentaires (0)