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lundi, 29 février 2016

La biwa

BIWA-SPIELERIN.jpgDans L'Encre et la couleur, un aveugle dit préférer “les voix bleues” (p. 29).

Dans un écho de la biwa accrochée au mur (Vidas, p. 136), le disciple déclare avoir “compris qu'aucun poète ne peut écrire, aucun musicien jouer de la biwa ou du luth sans l'acceptation de sa propre finitude” (L'Encre et la couleur, p. 37).

L'Ivresse / Drunkenness

 

 

Pour un cours déplacé au lundi matin à 8 heures, il y avait certes quelques absents, mais nous avons bien travaillé. Les étudiants devaient chercher dix exemples de modulation dans les sous-titres anglais de l'épisode de Kaamelott ci-dessus.

Les échanges ont été nourris, et on a pu faire le tour de presque toutes les modulations les plus courantes.

Les présents auront même appris ce que sont un hyponyme, une brachylogie, une catachrèse — sans compter le rappel des fonctions poétique et phatique du langage selon Jakobson.

 

Il tabasse, le Cingal.

dimanche, 28 février 2016

3773 — Avec la flemme de mettre les liens

Hier, à onze heures du soir :

Ça y est, j'ai écrit 3773 billets dans Touraine sereine, mais comme certains (cinq) sont à publication différée, je ne peux encore savoir lequel portera, chronologiquement (ou plutôt : linéairement) ce numéro de matricule palindromique. Grave, hein. Bientôt, aussi, je me retrouverai à pondre le #2442 de MuMM. Le palindrome, c'est nickel chrome. Jongler dans le temps, ça va un temps, untung-untung. (Aujourd'hui ne pas se promener en tong. Ni en chemise de shantoung.)

Je flânai. Alors pas de flanelle.

Je m'arrondis, au cordeau. Alors, foin de villanelle.

J'ai vite arrêté les rotrouenges. Alors que passe un ange.

(When suddenly I realize that 3773+2442 = 6215. Can you believe it ?)

J'appelle de mes vœux le froid glacial.

Et la pluie par-dessus.

Je sonne à m'en péter la gorge la corne de brume et l'oliphant.

Et la voix de poubelle par en-dessous.

La poésie... la poésie... son mac n'a plus un rond.

 

Ce soir, je publie ce billet-ci, qui est le vrai 3773e.

“avec encore des puzzles, et un géranium indifférent”

François Bon a publié aujourd'hui une vidéo, tournée en Auvergne, où il se trouve pour une quinzaine.

Dans cette vidéo, il lit le premier état d'un texte en cours sur les livres perdus ; le film, de neuf minutes, s'intitule Récrire un fichier perdu.

 

 

Comme toujours dans son vidéo-journal, il ajoute des surtitres, brèves notations expliquant ce que l'on voit à l'image, ou commentaires subjectifs. Ici, le caractère discrépant m'a particulièrement frappé. Sans doute y suis-je très attentif car la rencontre du concept de discrépance, quand j'ai dévoré les œuvres théâtrales et théoriques d'Isidore Isou, en 1995, m'a durablement marqué. 

Ce qui me frappe, c'est qu'il devient difficile — au fur et à mesure que François Bon filme les pièces du gîte, tel ou tel objet insolite, telle porte ouvrant sur le vide, et qu'il y ajoute ses lapidaires légendes — de se concentrer sur le texte qu'il lit, pourtant essai sur un sujet qui m'intéresse. L'esprit n'est pas seulement partagé, divisé entre l'image et le son, qui sont en décalage (discrépance), mais aussi entre la forme de l'essai lu (prose théorique) et les légendes, qui s'apparentent souvent à des sortes de haïkus en vers libres. Le mien, d'esprit, a fini, au premier visionnage, par n'être plus happé que par le gîte et les notations en légende.

Heureusement, on peut relancer la vidéo...

Deux autres éléments, plus personnels, peuvent expliquer ma distraction :

  • souvenirs (excellents) de notre séjour dans le Cantal, à Pâques 2014, dans le château de Jussac
  • quand je regarde les vidéos de François (toutes), je me retrouve vite à tenter la traduction simultanée des légendes... ce qui n'est pas gênant quand le vlog ne propose que les images animées et les légendes [Je vais sans doute donner prochainement un extrait d'une des vidéos de François à traduire dans la partie “improvisation” de mon cours de thème de troisième année.]

 

▓▒░░▒▓▓▒░ Plusieurs fois, depuis un an et demi j'ai tenté de faire des billets de vlog, mais, outre que je ne prends pas le temps de travailler tout ça dans WMM, ma connexion est si lente qu'une mise en ligne sur youTube prend deux plombes pour un fichier de 8 minutes. ▓▒░░▒▓▓▒░

ceci / ɐןǝɔ

Je découvre ceci

 

en écoutant cela

 

Beggar-thy-neighbour

L'une des choses qui me fascine le plus, dans l'utilisation que font les médias dits “traditionnels” des réseaux sociaux, c'est la disparité très fréquente que l'on observe entre le titre d'un article au moment il a été posté sur la page FB, par exemple, du journal, et le moment où on consulte le site Web du journal en question.

Hier, le Guardian a publié un article, attribué à “Martin Farrer and agencies” (ce qu'en français on traduirait sans doute par "Martin Farrer, sur dépêches d'agence"), et intitulé (à l'heure où j'écris ces lignes), “G20 concludes Brexit would 'shock' world economy, George Osborne says”. L'URL démontre assez que ce n'était pas le titre original.

Sur Facebook, le statut annonçant l'article propose toujours le titre d'origine, avec son chapeau d'origine :  « Finance ministers meeting in Shanghai have warned about the danger of Britain leaving the EU and beggar thy neighbour currency wars, Reuters reports. » — Bien que je connaisse le jeu de beggar my neighbour (une sorte de mistigri) et bien que j'aie identifié sans difficulté la fonction verbale ici de beggar thy neighbour et son sens économique, originalement attribué à Adam Smith, je pense que cela n'est pas évident pour tout le monde, notamment en l'absence de traits d'union à l'expression figée beggar-thy-neighbour, mais aussi parce que la fonction de ce verbe au présent n'est pas claire : si le sujet en était Britain, il serait au participe présent (avec la question difficile à résoudre : beggar-thy-neighbouring ou beggaring-thy-neighbour ?) ; si la syntaxe est ici correcte, le sujet en est nécessairement “Finance ministers”, ce qui signifie alors que les ministres des finances du G20 auraient explicitement dit qu'ils allaient se livrer à des politiques protectionnistes, de l'ordre du chacun pour soi. (Ces deux traductions conviendraient ici. Pour plus d'occurrences d'usage, cf Linguee.)

Tout cela m'a semblé étonnant, à la seule lecture du titre et du chapeau. J'ai donc lu l'article et constaté, tout d'abord, que le chapeau, modifié, était beaucoup plus compréhensible : « Finance ministers warn about danger of Britain leaving EU and pledge to use all policy tools to lift global growth ».

La seule occurrence de l'expression idiomatique renvoyant au risque de politiques protectionnistes se trouve désormais dans le corps de l'article, avec un sens opposé à celui qui demeure dans le chapeau visible sur Facebook : « It [= the draft's note]  added that ministers pledged not to engage in beggar-thy-neighbour currency devaluations which could unleash a wave of dangerous deflation through the global economy. »

Ainsi, il y aurait eu, pour qui lit l'article ce matin, un engagement solennel des ministres du G20 à ne pas mettre en place de politiques protectionnistes de dévaluation, alors que, si on s'en tient à un premier état, encore visible sur Facebook, Reuters a tout d'abord souligné la menace de politiques protectionnistes lors du G20...

Que comprendre, et que croire ?

Doliprane 3000, comme dirait une amie...

Lent clapotis

… au cœur de la nuit, il y avait dans le lent clapotis des eaux noires toutes proches, et le grand silence de la mer qui emplissait tout l’horizon, quelque chose d’à la fois mélancolique et mystérieux qui me plaisait beaucoup. (C. Garcin. “Poisson chinois”, in La neige gelée ne permettait que de tout petits pas, 2005, p. 48)

02:02 Publié dans Larcins | Lien permanent | Commentaires (0)

samedi, 27 février 2016

Blousés

“un spécialiste peut se blouser comme un autre homme”

(Gide, Journal, 1933, cité dans le Robert)

 

Au détour d'une page sur Kafka – que je n'ai pas assez relu depuis que je me suis fait offrir les Sämtliche Werke – Christian Garcin évoque Epépé de Ferenc Karinthy, et c'est un nouveau livre qui s'ajoute à la pile virtuelle.

 

Dans Labyrinthes et Cie, Garcin évoque aussi son travail de recherches sur la figure de labyrinthe chez Borges et déclare avoir « eu le sentiment d'avoir été proprement blousé, “promené” comme on dit dans le Sud, par un Borges infiniment trop malicieux pour moi » (p. 69).

Là où Garcin voit un méridionalisme (je suppose — je suis, comme on le sait, très réticent à une telle absence de nuance, ayant grandi en trouvant les Provençaux beaucoup plus étranges, dans leur parler et leurs habitudes de pensée, que les “Parisiens”), le Robert parle d'une locution figurée et vieillie : « promener quelqu'un, le mener en bateau, le lanterner ». Et cite le Dictionnaire de l'Académie : “voilà six mois qu'il me promène”.

En ce sens, la promenade prend le sens de déroute organisée, de désorganisation, de dédale interprétatif. (Et de mon remords de ne pas avoir assez lu Kafka depuis 2012 j'en viens au regret de ne pas avoir encore lu Der Spaziergang de Walser.)

 

J'en termine avec un fait brut, anecdotique : dans l'exemplaire du livre emprunté à la B.U. Se trouvait, outre ma fiche de réservation, une précédente fiche d'emprunt au nom d'Élodie Buttieu (“retour le 29/03/2006”).

vendredi, 26 février 2016

L'autre monde

Itinéraire chinois, 2001. — Comme le buffle, le macaque, “gros mâle très couillu” qui fit intrusion dans la chambre d'hôtel de Christian Garcin au Rajasthan, est le signe de l'autre monde auquel l'écrivain consacra plus tard un de ses meilleurs . Cette contemplation stupéfaite d'une sauvagerie irruptive et spectaculaire se traduit par la répétition du mot monde, son dédoublement, et le recours à la parataxe : « Il rongeait, seul au monde, le dos tourné, je l'observais sans bouger, la nuit allait bientôt s'installer, le monde suivait son cours. » (p. 89)

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Déontologie

Conférence de rédaction à la NR

 

— Bon, y a le clash Aubry/Valls, faut titrer là-dessus.

— J'ai une super idée pour un titre original. Il doit traîner des photos de Valls ou Hollande sur un chantier. On pourrait parler de "démolition".

— Ah ouais, bien... Entreprise de démolition, tiens. Dis, toi, là, au lieu de glandouiller sur Twitter, cherche une photo de Valls sur la base de photos de l'AFP.

— ...

— Sur un chantier.

— OK.

(quelques secondes plus tard)

— Y a celle-là.

— Bien, super, il a l'air bien sur ses ergots, en plus, bien.

— Euh, y a une meuf à côté, on sait pas qui c'est.

— C'est pas grave, on n'a qu'à mettre une allusion à Aubry dans la légende. Comme ça avec le casque les lecteurs croiront que c'est elle.

— Ouais, boss, c'est pas top quand même, question déontologie.

— Question quoi ?!

— C'est enseigné dans les écoles de journalisme.

— Les écoles de quoi ?

 

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jeudi, 25 février 2016

« La fameuse armée d'argile »

En 2001, dans Itinéraire chinois, Garcin revient, dans la septième des “Promenades”, sur sa visite de Xian, muée en récit romanesque l'année précédente dans Le vol du pigeon voyageur. Il cite Borges qui “soulignait une étrange et paradoxale parenté entre Qi Shi Huangdi et William Shakespeare” (p. 73), nomme la gigantesque armée “l'inoffensif point d'orgue d'une paranoïa aiguë”... inoffensif quoique bâtisseurs, architectes et concubines dussent être ensevelis vivants avec l'empereur à sa mort : “Ce furent donc un mort et des milliers de vivants qui habitèrent un temps le tombeau et ses multiples salles souterraines.” (p. 75)

13:11 Publié dans Larcins | Lien permanent | Commentaires (2)

mercredi, 24 février 2016

pays perdu oui

Hagetmau, 14.02.2016.

 

oui est un pays plaisant

au soleil de ce dimanche

le ciel découpé sous la branche

c'est la parade des ans

 

oui est un pays perdu

trouant votre coudée franche

le froid est là la neige est blanche

à nier ce qu'on a mordu

 

oui finit en oraison

c'est un pays sans saison

on ne sait pas ce qui le ronge

 

& dans vos cœurs mal embouchés

oui est fait de mots couchés

pour les poisons des oronges

mardi, 23 février 2016

—la noce en cueillant—

15.02.2016.

tu égrenais au seuil des nuits

des coups de pinceaux innocents

qui détruisaient fureurs et bruits

martèlements adolescents

 

tu as pu faire la noce en

cueillant dans l'ombre fleurs et fruits

exacerbant la haine au sang

& épatant quelques instruits

dont tu avais volé l'angoisse

 

à présent l'ombre que tu froisses

a des allures de tapin

 

dis ces dégoulinures noires

les lâches-tu pour d'autres foires

ou trouver le fruit sans pépin

lundi, 22 février 2016

Où revenir au vert

Au centre de ces formes insaisissables une tache verte, lumineuse, cristallisait le regard.

(L’autre monde, p. 37)

 

Nos regards s’étaient mêlés, accrochés, avaient durant quelques secondes que j’aurais voulu ne jamais voir s’achever plongé l’un dans l’autre jusqu’à ce que le renard, ayant vaincu la frayeur qui le paralysait, brusquement fît volte-face et courût vers un sombre taillis, l’éclat roux de son immense queue flottant derrière lui comme la bannière d’une armée victorieuse quittant le champ de bataille.

(L’autre monde, p. 33)

 

Il faut, pour approfondir le regard, un étendard vert. Mais il faut, pour écrire, être désarmé. Débrouillez-vous avec ça.

10:03 Publié dans Larcins | Lien permanent | Commentaires (0)

la fauvette @ la sauvette

15.02.2016.

elle se pose, la fauvette

sans que nul ne l'en ait priée,

sur l'arbre comme à la criée

un rai de soleil sur l'étal

 

elle regagne à la sauvette

un nid invisible, étrillée

par cette écriture embrouillée

& l'approche d'un caracal

 

n'est-ce plutôt une civette

qui s'approche pour que même à

l'affût d'un monde équatorial

 

ce bougre d'âne de Cingal

citant "la mouette c'est Emma"

nomme cette fauvette Yvette

dimanche, 21 février 2016

Of Mice and Men (Sinise, 1992)

Regardé hier soir le film de 1992 adapté de Of Mice & Men — que j'enseigne ce semestre, donc je voulais me faire une idée. Occasion de faire découvrir l'œuvre à mon fils aîné aussi (je lui ai fait lire le dernier chapitre en traduction, pour lui montrer comment la schizophrénie de Lennie était évacuée dans le film au profit de sa “simple” débilité).

Il s'agit, globalement, d'une adaptation très fidèle, de et avec Gary Sinise (jamais entendu parler, jamais vu — auteur d'une très fidèle et assez belle adaptation).

John Malkovich, qui interprète le rôle de Lennie, est excellent, comme à son habitude, et campe merveilleusement (c'est-à-dire avec beaucoup d'habileté mais aussi d'humanité) le demeuré. Ce que je me demande, c'est comment il est parvenu à égrener ces litanies de "George" monocordes et semi-plaintifs sans être hanté en permanence par les versions parodiques de Tex Avery.

Tout est là, en quelque sorte, notamment les éléments très évidents de complicité homo-érotique... mais, à ce titre, l'ambiguïté de la relation entre George et Slim est tout à fait effacée au profit du seul couple Lennie/George. Pour cela, le texte reste plus subtil, avec notamment la belle dernière phrase, dans la bouche d'un lourdaud sans cœur, Carlson : “Now what the hell ya suppose is eatin’ them two guys?”. Ces hommes rongés, grignotés par leur humanité autant que par leur sexualité complexe, ce sont Slim et George Milton, eux qui, après la mort de Lennie, demeurent.

21:42 Publié dans Tographe, WAW | Lien permanent | Commentaires (0)

samedi, 20 février 2016

“comme l'intérieur d'un insecte”

 « Je dois dire aussi : l'écriture est l'offrande d'un balbutiement. »

(Marina Tsvetaïeva, d'après C. Garcin, p. 74)

 

La vingtième des 24 Vidas de Christian Garcin, un de ses premiers livres (1993), s'achève sur l'exécution d'Étienne Dolet, poète et imprimeur — j'avoue n'avoir connu, jusqu'alors, que l'imprimeur. Dans la description du geôlier qui vient chercher Dolet pour le mener à l'échafaud resurgit l'attention particulière de Garcin aux odeurs (comme dans les premières pages de Du bruit dans les arbres, 2002).

L'homme qui vint le chercher était jaunâtre et puant comme l'intérieur d'un insecte. Il ouvrit la porte du cachot, grogna quelques mots, baissa les yeux devant ce regard noir, scrutateur, cette absence de terreur. (p. 127)

 

Je ne suis “entré” pleinement dans le livre que tard. Ce sont les quatre portraits rassemblés dans la cinquième partie, “Oublis”, qui m'ont vraiment convaincu du projet; jusque là, j'étais réservé, trouvant ces vies brèves trop sommaires, justement, ou alors parfois trop évidemment inventées, comme manquant de variation stylistique, phrases faites au moule. C'est très méchant, et très faux, ce que j'écris, mais je le note quoique j'aie changé d'avis. Ayant commencé en léger décalé la lecture de L'Encre et la couleur (1997), il me semble que la recherche de phrases plus variées, moins rivées au rythme ternaire, risquant l'allongement, est devenue plus centrale au projet de Garcin. (Pour se faire une idée du premier style, abrupt et chantant, de Garcin, cf par exemple la vie brève de Peire Vidal, Vidas 63-67).

Vidas s'achève sur un portrait de Donatello ; le livre de 1997 s'ouvre sur Masaccio. Pour ce qui est de l'allongement, il concerne les chapitres, les “vies” elles-mêmes : alors que les deux livres sont de presque égale longueur, L'Encre et la couleur est constitué de sept chapitres, contre 24 dans Vidas.

 

Ce que l'on trouve déjà dans Vidas, c'est – outre l'odorat qui s'ouvre un chemin dans l'écriture – la façon qu'a Garcin de développer une phrase à partir des sonorités du mot – ou de l'expression – qui figure à son début, comme, ci-dessous, dans un extrait de la “vie” de Diogène :

Lors des joutes oratoires qu'il aimait provoquer, il avait toujours le dernier mot – soit que ses arguments déroutassent ses adversaires, soit que son outrance les déconcertât. (p. 142)

 

Parfois, ce travail part d'une anagramme partielle, comme dans la série soir → rosi (où l'on retrouve aussi la réminiscence du “beau ciel d'automne calme et rose” de Baudelaire) :

Contemporains, comme les parfums qu'apportait le vent du soir, et que Salluste, Cicéron ou Martial avaient sentis avant lui, près des mêmes colonnes, des mêmes architraves, sous le même ciel rosissant. (p. 146)

 

10:09 Publié dans Larcins | Lien permanent | Commentaires (0)

vendredi, 19 février 2016

Le vol du pigeon voyageur

 

Tu te laisses porter par les événements plus que tu n'agis sur eux.

(Mariana, à Eugenio — p. 115)

 

C'est un faux roman policier, dont le récit finit par épouser la forme du fleuve ou du jardin tels qu'ils caractérisent, selon Zhang, la civilisation chinoise (“le jardin piqué, taillé, le trompe-l'œil”, p. 161). Son protagoniste/enquêteur, Eugenio Tramonti, on le sait quand on a lu auparavant les romans ultérieurs de Garcin, qu'il disparaît à son tour, comme Anne-Laure en Chine. Dans les chapitres XIV et XV, Eugenio visite une partie du chantier de fouilles de l'armée des guerriers de Qi Shin Huangdi, “gigantesque puzzle […] en miettes” (p. 103) sur lequel Garcin revient dans son Itinéraire chinois.

Grâce à ce bref roman, j'ai découvert Yosano Akiko.

 

10:04 Publié dans Larcins | Lien permanent | Commentaires (0)

jeudi, 18 février 2016

Hors tout

 11 février

6 h 55

Le vent souffle fort. Dans l'âtre crépite de temps à autre, timidement, la bûche calcinée d'hier soir. Le café passe. Sur la route, aussi camions et voitures, à toute allure.

 

9 h

Le jour a fini par se lever. Gris mêlé de bleu très clair au fond, route de Poudenx.

Je n'ai pas faire suivre assez de lecture, sans doute dupé par les quelques livres de C.G. Déjà lus et que j'ai apportés pour ajouter quelques textes aux Larcins.

Ce n'est pas grave : il y a plusieurs livres, ici, dont je ne cesse de différer la lecture.

Tout à l'heure, écrit trois textes pour Artois, à moi, assis dans le canapé, jambes allongées sur la table basse, le coussin bleu entre mes cuisses et le laptop. Cela m'est plus facile, ici, que de chercher à poursuivre 16 en 16, tâche déjà assez compliquée. En revanche, j'ai échangé, sur FB, autour de la forme de la marelle. Si je prends, ces jours-ci, quelques notes pour cette affaire de marelle, ce ne sera déjà pas mal.

 

 

14 février, 6 h 40

Levé depuis 4 h du matin, j'en ai glissé deux mots sur FB, mais pas de spectre, je suis plus fort que ça. Hier, pas écrit une ligne pour les blogs, mais, à l'aube, une retroensa pour les 71 ans de mon père.

 

 

16 février, 8 h 45

Hier matin, dans le laps d'insomnie entre la fin de nuit et l'aurore, j'ai écrit 3 sonnets et 1 rotrouenge. Ce matin, rien. Lu la presse, divers billets de blogs. Hier, rien écrit non plus dans ces carnets. Aujourd'hui, nous allons “rendre” à la médiathèque les livres empruntés, dont Barroco tropical, fini de lire hier à quasi minuit. Ce matin, Burgaudeau étant en congés pour une semaine, j'ai acheté les croissants et les chocolatines – après avoir dû me préparer à dire “chocolatines”, comme je suis aliéné – chez un autre boulanger. Il fait -1° dehors, et 2° dans le garage. Nous allons passer une partie de la journée à Pau. Grand ciel bleu écorné par le volet arraché, au premier étage du taudis d'en face, sur le carrefour.

 

 

 

17 février, 8 h 25

Le buste de Néfertiti demeurera, ainsi sans doute que cette bille tombée par terre, ou les cadres photos au mur, mais bien d'autres objets ici sont plus fragiles : les chaises de la salle à manger qui se déglinguent les unes après les autres, le petit fauteuil en mousse dans lequel O*** ne s'assoit plus depuis déjà plusieurs années mais dans lequel la chatte a décidé de faire, cette semaine-ci, ses siestes et ses nuits, les sandales défoncées que je laisse traîner dehors pour les fois où je dois faire quelques pas, jusqu'au bûcher ou jusqu'à la boîte à lettres, la chemise rouge pâle même que je porte et que je tiens de mon beau-père et que je portais déjà le 27 février 2008 à Sauveterre.

mercredi, 17 février 2016

Poétique de Christian Garcin (Esquisse pour une)

Loin du monde le langage se heurte à sa matière propre et se révèle à lui-même, avant de s’oublier. J’écris. Je longe la forêt, parfois pendant très longtemps. Puis j’y entre à petits pas, armé de phrases brèves.

Ce que me dit la fuite éperdue du Cerf courant sous bois peine à franchir mes lèvres.

Il me semble que le moment de cette révélation du langage à lui-même est ce que je cherche dans l’écriture. Lorsque j’écris je cherche l’autre monde.

(L’autre monde, p. 16)

 

La déclinaison la plus évidente de cette affirmation d’une poétique serait dans l’exploration géographique (tout ce qui, dans l’œuvre de Christian Garcin, est exploration des ailleurs, asiatiques notamment), mais le plus profond est justement dans la langue. Garcin écrit ceci au sujet d’une forêt française, telle que saisie par la pâte du très français Gustave Courbet, dont les initiales viennent inverser celles de Christian Garcin, et le véritable autre monde cherché est celui de la langue, celui qui voit s’inverser les sons pour que de brèves naisse lèvres.

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mardi, 16 février 2016

“ragoût de potamochère”

mes amis faisaient bonne chère

un donna son dernier cauri

pour de la chair de pécari

un ragoût de potamochère

 

qui sait de quoi ils bambochèrent

était-ce quelque fol pari

pour assaisonner de gari

nos estomacs mis en jachère

 

ainsi je festoyais avec

mes amis et pan sur le bec

du bec-en-sabot de l'outarde

 

pour se gaver de chair poivrée

je narre cette agape vraie

rêve piqué à la moutarde

lundi, 15 février 2016

3 phrases

Le jour jette ses derniers feux.

La promenade sous le vent glacial, par Saourine, a vu rouler la discussion sur l'Islande et l'Angleterre.

Le feu, par la grâce de l'âtre gigantesque, suffit à chauffer la maison, grande pourtant.

 

dimanche, 14 février 2016

3 + 2 distiques

5 février

On a über-dégueu j'a gerbu mes bretzels

À l'apéro la photo d'un Xoloitzcuintle.

 

4 février

Golri-j'on ôtut le trait d'union millepattes

Le jour qu'il démission Benjamin Millepattes.

 

 

3 février

10405678_10206735197632442_9155818349466472205_n.jpgOn a gerbivor plus qu'un tube d'Alizée

La roulette pour furète paralysée.

 

Golri-je très beaucoup comme que la furète

Avecque son bobsleigh elle a rasta roquète.

 

 

2 février

On a péniblos dans les couloirs les reunois

Sono de Maître Gims à fond les nettes-ma.

samedi, 13 février 2016

Rising Stages of Anger

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Comment traduire cette gradation ?

 

Même le titre n'a rien d'évident : « les stades de la colère » ?

« glissements progressifs vers la colère » ?

(La colère monte irrépressiblement, comme une mer démontée. C'est cela qui est difficile à rendre.)

 

Ensuite, il faudra procéder par équivalences

vendredi, 12 février 2016

Calme brun (sur la toile)

Je crie et pense à ces vieux solitaires empreints de calme brun.

(L’autre monde, p. 8)

 

Christian Garcin fait parler – en italiques – le cerf du tableau de Courbet.

L’autre monde est un livre capital, qui fait dialoguer l’imaginaire de l’écrivain avec les ombres portées et diffractées, dans la mémoire fallacieuse, d’un tableau où se signe l’Autre.

Il y a dix ans, je crois, quand j’avais déliré, en colloque, sur l’autre part et l’Autre-part (à propos de The Good Soldier), je n’en étais qu’à l’ébauche. On n’a pas vraiment réfléchi (bien que les jeux de langage autour de la capitalisation de l’autre/Autre aient été un des tics les plus productifs de l’ère post-lacanienne) à cette question de la partie et de la partialité dans le rapport à l’autre.

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jeudi, 11 février 2016

Le linge (non, pas de tergal)

Voici qu'un vers des Perles rouges de Robert de Montesquiou m'a dirigé vers la page 340 du tome III du Robert culturel, où j'ai certes pu trouver la définition de manuterge, mais pas de citation, et donc j'en reviens au premier vers du sizain des Perles rouges, II :

Voile qu'un dieu défunt a pris pour manuterge