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dimanche, 28 février 2016

Beggar-thy-neighbour

L'une des choses qui me fascine le plus, dans l'utilisation que font les médias dits “traditionnels” des réseaux sociaux, c'est la disparité très fréquente que l'on observe entre le titre d'un article au moment il a été posté sur la page FB, par exemple, du journal, et le moment où on consulte le site Web du journal en question.

Hier, le Guardian a publié un article, attribué à “Martin Farrer and agencies” (ce qu'en français on traduirait sans doute par "Martin Farrer, sur dépêches d'agence"), et intitulé (à l'heure où j'écris ces lignes), “G20 concludes Brexit would 'shock' world economy, George Osborne says”. L'URL démontre assez que ce n'était pas le titre original.

Sur Facebook, le statut annonçant l'article propose toujours le titre d'origine, avec son chapeau d'origine :  « Finance ministers meeting in Shanghai have warned about the danger of Britain leaving the EU and beggar thy neighbour currency wars, Reuters reports. » — Bien que je connaisse le jeu de beggar my neighbour (une sorte de mistigri) et bien que j'aie identifié sans difficulté la fonction verbale ici de beggar thy neighbour et son sens économique, originalement attribué à Adam Smith, je pense que cela n'est pas évident pour tout le monde, notamment en l'absence de traits d'union à l'expression figée beggar-thy-neighbour, mais aussi parce que la fonction de ce verbe au présent n'est pas claire : si le sujet en était Britain, il serait au participe présent (avec la question difficile à résoudre : beggar-thy-neighbouring ou beggaring-thy-neighbour ?) ; si la syntaxe est ici correcte, le sujet en est nécessairement “Finance ministers”, ce qui signifie alors que les ministres des finances du G20 auraient explicitement dit qu'ils allaient se livrer à des politiques protectionnistes, de l'ordre du chacun pour soi. (Ces deux traductions conviendraient ici. Pour plus d'occurrences d'usage, cf Linguee.)

Tout cela m'a semblé étonnant, à la seule lecture du titre et du chapeau. J'ai donc lu l'article et constaté, tout d'abord, que le chapeau, modifié, était beaucoup plus compréhensible : « Finance ministers warn about danger of Britain leaving EU and pledge to use all policy tools to lift global growth ».

La seule occurrence de l'expression idiomatique renvoyant au risque de politiques protectionnistes se trouve désormais dans le corps de l'article, avec un sens opposé à celui qui demeure dans le chapeau visible sur Facebook : « It [= the draft's note]  added that ministers pledged not to engage in beggar-thy-neighbour currency devaluations which could unleash a wave of dangerous deflation through the global economy. »

Ainsi, il y aurait eu, pour qui lit l'article ce matin, un engagement solennel des ministres du G20 à ne pas mettre en place de politiques protectionnistes de dévaluation, alors que, si on s'en tient à un premier état, encore visible sur Facebook, Reuters a tout d'abord souligné la menace de politiques protectionnistes lors du G20...

Que comprendre, et que croire ?

Doliprane 3000, comme dirait une amie...

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